Lors des élections communales, le pragmatisme domine plus encore que d’ordinaire. Par ‘‘pragmatisme’’, on entend l’acceptation du contexte actuel. Tous les partis dominants acceptent donc la logique des coupes d’austérité à opérer après les élections, à cause de la hausse des frais et de la baisse des revenus. Ils acceptent donc le système actuel où tous les profits sont détenus par une petite minorité de nantis aux revenus moins taxés que ceux d’un retraité.
Par Anja Deschoemacker, tête de liste de ‘‘Gauches Communes’’ à Saint-Gilles
Le PSL refuse de voir la discussion être limitée par une logique de financement qui considère en premier lieu les intérêts d’une élite qui s’enrichit au détriment des autres, car cela entraîne des attaques antisociales contre le personnel communal, les services publics, etc. La situation actuelle est notamment issue du fait que les communes ont joué au casino financier avec le Holding Communal et Dexia, et que l’argent misé a été perdu. De nombreuses communes ont de plus contracté des emprunts pour le ‘sauvetage’ de Dexia. Afin de compenser ceux-ci, les partis dominants actuels – les trois vieux partis traditionnels ainsi que les Verts et la N-VA – iront puiser dans les ressources de la collectivité.
Notre approche est totalement inverse, et les moyens existent pour la concrétiser. Malgré la crise, “les Belges” (pris au sens large bien entendu…) n’ont jamais été aussi riches ! Les données de la Banque Nationale parlent d’une fortune financière nette de 759,4 milliards d’euros pour les particuliers. Mais la répartition est fort loin d’être harmonieuse. Si les grandes entreprises continuent d’amasser des profits astronomiques (notamment grâce à des mesures comme la déduction des intérêts notionnels), le taux de pauvreté connaît lui aussi une courbe ascendante. Alors que même des retraités aux pensions microscopiques sont imposés sur leurs maigres revenus, il n’en va pas de même pour les super-riches. Pour ces derniers, la Belgique est un eldorado fiscal, au contraire des salariés, des allocataires sociaux et de ceux qui vivent réellement des fruits de leur travail et non de celui des autres.
Les salariés belges produisent suffisamment de richesses pour assurer à chacun une place dans un crèche, dans une école ou dans un logement, pour que chaque retraité ou personne handicapées ait droit à une assistance personnalisée ou une place dans un home ou encore pour que tous les salariés puissent connaître un emploi avec des conditions de salaire et de travail qui leur assurent un avenir stable.
Céder au chantage des plus riches signifie aller chercher l’argent dans les poches de la grande majorité de la population. Mais cette politique d’austérité frappe de plein fouet son pouvoir d’achat, ce qui entraîne des hoquets dans l’économie, et ensuite encore moins de moyens pour la collectivité. C’est un cercle vicieux.
“Cela ne dépend pas des compétences communales”, peut-on régulièrement entendre de la bouche des politiciens. Et il est exact de dire que les possibilités des communes pour aller rechercher l’argent là où il se trouve sont limitées par les échelons du fédéral ou du régional. Les communes ont aussi tout un tas de dépenses courantes dont elles ne peuvent pas disposer librement. Mais il est tout aussi correct d’affirmer que tous les moyens dont les communes disposent ne sont pas utilisés comme elles pourraient l’être.
Depuis 1993, une loi permet à un bourgmestre de réquisitionner un logement vide pour y loger des sans abri (1). Depuis lors, elle n’a été appliquée qu’une seule fois (!), dans la commune de Philippeville. Pourquoi ne pas appliquer cette loi et en revoir l’étendue afin de pouvoir transformer ces bâtiments en logements sociaux grâce à une société publique de logements sociaux chargée d’assurer leur rénovation et leur utilisation ? Pourquoi ne pas imposer aux entreprises de payer une contribution à la commune pour financer les transports en commun et l’utilisation du réseau de transport ? Pourquoi ne pas appliquer des amendes socialement juste, avec des montants liés aux revenus des contrevenants ?
Des choix radicalement différents s’imposent également en matière de dépenses : la construction de maisons sociales ou la création de places dans les crèches et les écoles (on pourrait aussi parler de l’assistance aux personnes âgées ou des possibilités de loisirs accessibles à tous) sont des éléments sont plus importants pour la qualité de vie d’une ville ou d’une commune qu’un nouveau projet de prestige…
Bien entendu, il est impossible de mener une politique foncièrement différente au niveau des communes – nous ne sommes pas en faveur du “socialisme dans une seule ville”. Mais des communes peuvent s’engager dans la lutte pour une politique radicalement différente. Au chantage des super-riches, opposons la mobilisation de la classe des travailleurs et des autres couches défavorisées de la population. Une commune gérée par une majorité réellement socialiste pourrait servir de balise à la lutte de la classe des travailleurs de tout un pays et jouer un grand rôle dans le développement de celle-ci.
(1) Il s’agit de la loi relative au Programme d’urgence pour une société plus solidaire. On l’appelle plus communément la loi Onkelinx, ce qui ne manque pas d’ironie…