A quand un véritable plan d’action pour nationaliser la sidérurgie sous le contrôle des travailleurs ?
Cela fera bientôt un an que Mittal a annoncé la fermeture de la phase à chaud liégeoise. Parmi les travailleurs, l’exaspération est à son comble suite à la lenteur de l’évolution du dossier et au chantage récemment pratiqué concernant les 138 millions d’euros d’investissements dans la phase à froid (et les 2.000 emplois que cela concerne).
Par Nicolas Croes
Nombreux sont ceux qui, à l’instar de Bruno Bauraind, chercheur au Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative (Gresea), affirment que la sidérurgie liégeoise est tout à fait viable : ‘‘La direction du géant de l’acier applique une vieille recette en prenant à la gorge les organisations syndicales, piégées par l’équation : sacrifier à moyen terme un secteur d’activité en échange de la préservation à court terme d’une partie de l’emploi. Bon nombre d’observateurs le pensent : privée de ses hauts-fourneaux, la phase à froid liégeoise est de toute façon condamnée. (…) J’ose affirmer qu’il y a place pour une petite sidérurgie indépendante intégrée. Le tout est de s’en donner les moyens.’’ (La Libre, 21/09/12)
Quelle stratégie ?
Effectivement, le tout est de se donner les moyens. Très vite après la dramatique annonce de l’an dernier, la FGTB avait élaboré un plan basé sur le rachat par les autorités publiques revenant à 1,1 milliard d’euros en 5 ans. Le syndicat a tout à fait raison de dénoncer les pouvoirs publics qui rechignent à mettre la main à la poche pour sauver des emplois alors qu’ils sont toujours prêts à distribuer des milliards pour ‘‘sauver’’ les banques. Mais, au-delà de cet aspect, cette voie nous semble extrêmement limitée.
Tout d’abord, c’est loin d’être la solution privilégiée par la Région wallonne. Le ministre wallon de l’économie Jean-Claude Marcourt s’est déjà réfugié derrière divers prétextes pour refuser d’aborder cette solution, notamment sous prétexte que les nationalisations sont interdites par la législation européenne (qui devient caduque quand il s’agit des banques bien entendu, comme dans le cas de Fortis avant la revente à BNP-Paribas). Ensuite, ArcelorMittal refuse jusqu’ici de vendre ses hautsfourneaux liégeois aux pouvoirs publics ou à un concurrent privé.
Construire un rapport de force !
Pour Michel Capron, économiste, ancien chercheur à la Fopes (UCL) : ‘‘Les politiques sont dramatiquement absents et, ce faisant, laissent la bride sur le cou de financiers arrogants car sans contre-pouvoir. Il n’y a aucune politique industrielle en Europe. J’ai entendu Jean-Claude Marcourt (ministre wallon de l’Economie, NDLR) et Arnaud Montebourg (ministre français du Redressement productif, NDLR), tous deux critiques au sujet d’Arcelor- Mittal. Mais quels actes ont-ils posés?’’ (Le Soir, 18/09/12) Il exprime ici une réalité ressentie par de nombreux travailleurs : on ne peut pas s’en remettre aux les pouvoirs publics lorsqu’ils sont contrôlés par des élus qui se disent ‘‘de gauche’’ mais qui appliquent docilement la politique patronale.
Le PSL a toujours défendu l’expropriation et la nationalisation du secteur sidérurgique, sous le contrôle des travailleurs et pas sous la gestion de managers capitalistes mandatés par le gouvernement. Un bon premier pas en cette direction serait de lancer l’occupation du site, qui deviendrait ainsi un excellent centre de discussion démocratique pour élaborer collectivement la stratégie syndicale et pour discuter de la relance de l’activité au bénéfice des travailleurs et de la population.
Illégal ? Au regard des lois taillées sur mesure pour protéger les intérêts des patrons, très certainement. Par contre, lorsqu’un rapport de force plus favorable aux travailleurs forge d’autres règles, ces mêmes patrons ne se gênent pas pour la fouler aux pieds à la première occasion. ArcelorMittal avait signé en 2009 l’accord-cadre européen ‘‘Maîtriser et anticiper le changement’’ avec la fédération européenne des métallurgistes (FEM) où, en échange de concessions syndicales, ArcelorMittal s’engageait à garantir l’activité des outils européens du groupe et éviter les licenciements secs. Aujourd’hui, la phase à chaud liégeoise est menacée (et l’avenir du froid est sans cesse plus incertain) tandis que des sites de production du géant sidérurgique sont à l’arrêt en France, au Luxembourg et en Espagne, sans la moindre perspective de relance. La loi, c’est toujours les travailleurs qui se la prennent dans la figure, les grands patrons n’ont pas à s’inquiéter.
A moins que les travailleurs ne relèvent la tête et s’approprient les outils de production par leur mobilisation et leur force collective. L’avenir de l’acier est assuré dès lors qu’il s’agit de produire en fonction des besoins (construire de nouveaux logements, des transports publics, des écoles, des crèches,… nécessite de l’acier) et non plus pour satisfaire la soif de profits de charognards capitalistes.