Les semaines précédentes, patrons et politiciens se sont engagés dans une véritable offensive contre le droit de grève. Au nom de la sauvegarde du « droit au travail », on s’en prend aux piquets de grève. Le ministre de l’intérieur Dewael a déclaré que les actions de grève devaient se dérouler de façon « disciplinée », proposition approuvée par l‘ensemble des politiciens tandis que les patrons recourent à tous les moyens légaux pour casser les piquets de grève.
Geert Cool
Dans la semaine précédant le 28 octobre, il y eut grève chez Case New Holland à Zedelgem. Le patron de l’entreprise est allé au tribunal du travail avec une requête unilatérale et a obtenu des astreintes de mille euros par heure où un non-gréviste était empêché de passer à travers le piquet.
Liberté de mener des actions
La technologie juridique de pointe pour casser la grève est antidémocratique, le point de vue des syndicats n’est pris en compte dans la procédure de requête unilatérale. En outre, cela va à l’encontre de droits fondamentaux comme le droit de grève ou le droit à la libre expression qui comporte également la liberté de mener des actions.
Plus d’une fois au cours de ces dernier mois, le droit à la libre expression fut bafoué. A Boechout, près d’Anvers, un bourgmestre libéral a décidé d’arrêter des anti-racistes parce qu’ils osaient exprimer leur opinion en public. A l’université de Gand, une campagne a été mise sur pied pour exclure les Actief Linkse Studenten (Etudiants de Gauche Actifs) parce que ceux-ci ont organisé des actions contre l’extrême-droite. Une partie de l’élite semble considérer que le droit à la libre expression s’arrête là où commence la critique de son point de vue.
Les piquets de grève, et même les blocages de rue, font partie intégrante de la libre expression. La Cour Européenne de Justice elle-même, qui n’est pas là pour défendre des positions réellement socialistes, a stipulé que la liberté de manifestation (y compris les blocages de rue) ne peut être limitée que de façon exceptionnelle. La liberté d’expression a priorité sur la libre circulation des marchandises et des personnes, selon cette même Cour.
L’élite politique et le patronat s’opposent à cela et la « justice » par requête unilatérale contre les piquets de grève va à l’encontre du verdict de la Cour Européenne de Justice.
Un autre argument important est que le droit de grève est un conflit collectif qui n’est normalement pas censé être traité au tribunal, mais soumis aux pourparlers entre patrons et travailleurs. C’est la raison pour laquelle le droit de grève, dès sa reconnaissance formelle en 1919, n’a été que peut évoqué dans la législation belge.
Le droit au travail?
C’est justement cela que les policiens comme Rik Daems veulent remettre en cause en brandissant le « droit au travail ». Il déclare que le « droit de grève » se termine là où commence le « droit au travail ». Le « droit à la mobilité » doit aussi être respecté selon lui.
Daems reproduit littéralement la base de la législation du XIXe siècle, c’est à dire la Loi Le Chapelier (en vigueur en Belgique durant l’occupation française fin XVIIIe), qui a même interdit l’organisation des syndicats. Selon cette loi, toute coalition de travailleurs « contre le libre exercice de l’activité industrielle » était contraire à l’ordre publique. C’est sur cette base que l’on s’attaqua aux grèves dès l’indépendance de la Belgique. Les syndicats étaient interdits, car le droit d’association se terminait là où commençait le droit au travail.
En pratique, l’interdiction des piquets de grève signifie une interdiction de faire la grève. Et cette interdiction ouvre également la porte à une interdiction des actions collectives. Même les manifestations qui causent des « perturbations de trafic » peuvent être perçues comme obstacle au « droit à la mobilité ». L’appel de Daems, suivi par le patronat, est particulièrement dangereux et doit être combattu par tous les moyens nécessaires.
Le droit aux actions collectives et les libertés syndicales ont été conquis par la lutte ouvrière. Les travailleurs revendiquaient le droit de se mettre en action collectivement pour construire ainsi un rapport de force. L’interdiction des actions de protestation, qui serait la conséquence directe des propositions de Daems, signifierait que toute forme d’opposition organisée serait muselée.
Défendons le droit de grève
Des travailleurs en grève ne peuvent faire appel ni aux politiciens des partis représentés au parlement, ni aux médias traditionnels. Ceux-ci se prononcent tous contre les revendications du mouvement. Comment, dès lors, les revendications des travailleurs, soutenues par la majorité de la population, pourraient-elles se faire connaître autrement que par le biais d’actions collectives ?
Il faut réagir aux attaques contre le droit de grève! Une argumentation juridique peut être élaborée, mais la meilleure réponse est évidemment la solidarité. Les astreintes chez Case New Holland furent aussi en vigueur le 28 octobre, mais, comme le disait un délégué, les astreintes étaient inefficaces, tous le monde sans exception étant en grève.
La défense du droit de grève doit être insérée dans le cahier de revendications des syndicats. A chaque attaque contre le droit de grève doivent répondre plus de grèves encore.
Le droit de grève a été arraché par la lutte ouvrière et il perdurera aussi longtemps que nous serons résolus à le défendre!