GSK : santé, profits et astuces légales

Entre des unes sécuritaires, islamophobes ou de faits divers, le Vif l’Express glisse de temps à autre une enquête intéressante. C’est le cas cette fois, où il est expliqué comment le groupe pharmaceutique britannique GloxoSmithKline (GSK) a pu éviter de payer jusqu’à 892 millions d’euros d’impôts, via divers mécanismes légaux qui font aujourd’hui de la Belgique un véritable paradis fiscal pour les grandes multinationales.

Par Nico P. (Bruxelles)

En 2009-2010, lors de la très médiatisée et très redoutée pandémie de grippe A/H1/N1, le groupe GSK avait développé et commercialisé un vaccin nommé Pandemrix. Un vaccin acheté en hâte par des dizaines de pays, pour un total de 300 millions de doses, dont on estime aujourd’hui qu’un quart seulement a été administré, le reste ayant été détruit après péremption. Un vaccin qui, de plus, n’était pas une solution miracle : en Belgique par exemple (tous les pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont réalisé un contrat similaire), le contrat passé entre GSK et l’Etat spécifiait mot pour mot que la firme ne donnait aucune garantie qu’il s’agisse du ‘‘maintient de la qualité […] l’efficacité ou la sécurité du vaccin […] (1)’’. D’autres parties du contrat stipulaient qu’en cas de décès, l’Etat était responsable de l’indemnisation et de la prise en charge des frais judiciaire… En plus de cela, un tiers des quinze experts qui ont directement conseillé l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait des liens avec une ou plusieurs firmes pharmaceutiques, y compris GSK.

Le prix (hors TVA) d’une dose tournait à l’époque aux alentours de 8,50 €. Or, le coût réel de production ne s’élevait qu’à 3 ou 4 euros. La majorité du prix étant couverte par le brevet, la propriété intellectuelle en quelque sorte. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir quelle part, dans revenus, a été consacrée effectivement à l’amortissement du coût (certes réel) de la recherche qui a menée à l’élaboration du vaccin, à de nouveaux investissements, aux salaires des chercheurs etc., et combien ont été consacrés à doter les actionnaires de GSK de yachts et d’îles privées. Finalement, le chiffre d’affaire total généré par les commandes de vaccins s’élève à 2,3 milliards d’euros. Mais ce que les gouvernements ont payé, c’est principalement de la propriété intellectuelle, les ‘‘royalties’’ (équivalent aux droits d’auteurs dans ce domaine).

Rappelons toutefois qu’une loi existe, en Belgique et ailleurs, pour faire tomber un brevet en cas de risque majeur pour la santé publique. Une idée que nos dirigeants n’ont de toute évidence pas jugée intéressante…

La filiale du groupe détenant le brevet est GSK Biologicals, basée dans le Brabant Wallon. En règle générale, les grandes entreprises délocalisent les sièges associés à la propriété intellectuelle dans un pays très faiblement taxé. Mais comme l’explique le cabinet d’avocats Bird &Bird dans une présentation destinée aux entreprises, la Belgique est, pour les entreprises ‘‘riches en propriété intellectuelle, un paradis fiscal’’! Ainsi donc, notre pays rejoint les Iles Caïmans, le Luxembourg, Singapour… Le principe légal (adopté en 2007) étant que 80% des bénéfices bruts engendrés par un brevet peuvent être déduit de la base imposable. L’impôt des sociétés (33,99%) n’est donc applicable qu’à 20% des bénéfices. Ce qui ramène à un taux de taxation réel de 6,8%. Mais ce n’est pas tout, avec les intérêts notionnels il est possible de déduire de ses impôts les intérêts d’un emprunt réalisé en vue d’un investissement. Cet emprunt peut être réalisé avec un organisme extérieur (une banque) ou… pas ! Une entreprise peut donc s’emprunter à elle-même, et déduire les intérêts de ce prêt (fixés pour 2011 à 3,485%…) !

Les tours de passe-passe se succèdent, l’Etat laisse faire et encourage, les multinationales s’enrichissent, bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !


(1)  »GSK n’octroie aucune garantie quelconque concernant la fourniture du vaccin pandémique, et toute obligation de garantie qui pourrait résulter de la loi ou de toute autre norme juridique, que ce soit en relation avec le maintient de la qualité après livraison, l’efficacité ou la sécurité du vaccin pandémique(…) est, de la manière la plus largement permise par la loi, exclue de la présente convention… »

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai