Les élections vont se dérouler dans la polarisation politique et l’incertitude économique
L’élection présidentielle au Venezuela aura lieu le 7 octobre prochain. Ces élections seront cruciales à la fois pour le gouvernement Chavez et pour la récente aile droite Mesa de Unidad Democratica (Plateforme Unité Démocratique, connue sous l’abréviation MUD). Pour la première fois depuis que Chavez a pris le pouvoir en 1998, l’aile droite a réussi, du moins superficiellement, à mettre de côté ses divergences et à élire une personne pour la représenter, Henry Capriles Radonski. Capriles est multimillionnaire et, jusque récemment, gouverneur d’Etat.
Par Gabriela Sanchez (CIO-Venezuela)
En parvenant à trouver un candidat unique pour les représenter et avec la montée de la contestation sur les sujets du logement, des salaires, de la corruption, une crise dans les prisons et le système de soins de santé, la montée des crimes violents et les problèmes de santé de Chavez, la droite a retrouvé sa confiance. Elle se donne l’image d’une force « démocratique » qui déclare lutter pour un réel changement et le « progrès ». Elle a mis en avant beaucoup de questions auxquels le gouvernement n’a jamais répondu de façon sérieuse. Pour la première fois, elle a peut-être trouvé un candidat crédible pour défier Chavez, même s’il n’est pas encore certain qu’elle va gagner.
Les sondages varient significativement d’un institut ou d’une entreprise à l’autre. Chaque camp proclame que les sondages qui l’avantagent sont « indépendants » et nie la corruption et le truquage dans les enquêtes.
Une « guerre des sondages » a en fait éclaté, et offre au Chavisme comme à la droite une diversion des problèmes réels. Beaucoup de sondeurs eux-mêmes ont publiquement renié les accusations, l’un d’eux, Hinterlaces, avertissant même Capriles qu’il devrait se concentrer à attaquer Chavez et sa politique et non pas les instituts de sondage.
Une société polarisée
La guerre des sondages n’aide pas beaucoup les Vénézueliens dans la situation politique dans laquelle ils se trouvent. Depuis l’élection de Chavez, et plus particulièrement après le coup d’état de 2002, les Vénézueliens se sont de plus en plus polarisés entre le Chavisme et la droite. Il est évident que, dans une situation pré- et contre-révolutionnaire, cette polarisation apparait de façon à ce que la société se divise sur une ligne de classe. Le Venezuela est juste un exemple dans une longue série de luttes. Des processus similaires se sont produits au Chili sous Allende et pendant la Guerre Civile Espagnole pour ne citer que ceux-là.
Au Venezuela, chaque camp a activement encouragé la polarisation ; par exemple quand Chavez a lancé le Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV) et a averti les dirigeants syndicaux et d’autres à l’extrême gauche que « si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous ». Ainsi tout le monde est forcé de décider qui il supporte, sans espace pour la critique quelle qu’elle soit.
Ceci est plus apparent que jamais à gauche, où depuis des années beaucoup de groupes « révolutionnaires », comme le Parti Communiste du Venezuela, ont parfois donné carte blanche au gouvernement, et n’ont déclaré que récemment que plus de critique est nécessaire. Les groupes tels que le nôtre, qui n’ont pas manqué de critiquer le gouvernement, ont subi un isolement politique et des camarades ont été confrontés à des menaces et à des intimidations sur leurs lieux de travail et en public.
Ironiquement, c’est Capriles, qui représente la classe dirigeante, qui a déclaré qu’il serait un président pour « tout le monde – même les rouges ». Par opportunisme, ils capitalisent sur la fatigue que beaucoup de Vénézuéliens ressentent dans cette situation politique.
Incertitude économique
La droite utilise aussi la récession récente du Venezuela en 2009-2011, en résultat de la chute des prix du pétrole, en citant la mauvaise gestion économique comme exemple de l’incompétence du gouvernement. Celui-ci continue de reposer fortement sur les exportations de pétroles pour ses finances.
Pendant la récession, plutôt que de radicaliser et d’utiliser la crise pour démontrer la nécessité de rompre avec le capitalisme, le gouvernement a pris exactement les mêmes mesures que beaucoup d’autres gouvernements capitalistes. Ceci bien sûr après avoir initialement nié que le Venezuela serait affecté par la crise financière mondiale.
Le gouvernement a augmenté la taxe IVA (une taxe sur les biens et services), dévalué la monnaie et effectué des coupes budgétaires. Les travaux des hôpitaux qui étaient auparavant ralentis à cause de la corruption se sont arrêtés. Ces mesures et l’inflation annuelle de 22 à 28% frappent de plein fouet la classe ouvrière et les pauvres.
Ce budget d’austérité, même s’il a un peu augmenté à cause de la montée du prix du pétrole attendue à 60$ par baril, a permis au gouvernement d’amasser une fortune dans un fonds parallèle. Ces fonds ont donc été utilisés ces 8 derniers mois pour mener beaucoup de programmes sociaux, dont la nouvelle Mission Logement qui, selon le gouvernement, a construit des milliers de maisons pour les masses de gens réfugiés après les inondations de 2010. Ils ont garanti des paiements de sécurité sociale partiels à des milliers de personnes, particulièrement des familles qui vivent dans une extrême pauvreté.
Alors que ces réformes ont été bien accueillies par certaines des sections les plus pauvres de la société, elles n’ont pas été suffisantes pour changer fondamentalement les problèmes quotidiens auxquels les gens font face.
Bien que la récession paraisse terminée à présent, il est certain que l’économie va faire face à de nouveaux défis dans le futur. Il est probable que l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole va pousser à la régulation et à la baisse des prix du pétrole dans une tentative d’augmenter la demande mondiale.
Ni le gouvernement ni la droite n’ont mis en avant cette possibilité. Apparemment, de tels propos ne sont pas pour plaire aux campagnes présidentielles !
En plus des difficultés économiques, des lois récentes rendent le droit de grève plus difficile, avec beaucoup d’industries déclarées zones sans grèves car elles représenteraient « une menace pour la sécurité nationale ».
La classe ouvrière et la gauche
Comme mentionné plus haut, la gauche organisée a été en grande partie fragmentée et ses composantes isolées entre elles en résultat de l’extrême polarisation politique existante. La situation aujourd’hui vient de l’absence d’un authentique parti révolutionnaire de masse. Pendant la période de 2002 à 2005, toutes les conditions existaient pour le succès d’une révolution socialiste. Le problème était qu’il n’existait pas un parti préparé à profiter de la situation. Au lieu de cela, Chavez a consolidé le pouvoir aux mains du gouvernement et de la bureaucratie, qui a rapidement augmenté en importance.
Il est cependant vrai que le Processus Bolivarien a aidé à développer un certain niveau de conscience de classe. Des mots tes que socialisme, révolution et pouvoir ouvrier sont utilisé communément dans beaucoup d’usines et de barrios dans le pays. Cependant la compréhension actuelle de ce que ces mots veulent dire et de comment y parvenir diffèrent.
Les prochains mois vont être un défi politique pour la gauche au Venezuela. A mesure que les élections approchent, l’espace pour le débat et la critique sera encore plus réduit. Notre section continue à mettre en avant la revendication pour un mouvement indépendant de la classe ouvrière et pour le socialisme démocratique authentique. Nous sommes actifs dans la tentative d’organiser un front de gauche pour défendre les droits de la classe ouvrière et pour une gauche indépendante, même s’il est extrêmement difficile de travailler dans le climat actuel.
Même si ce n’est pas certain, il est probable que Chavez va remporter les élections. Le gouvernement a été capable de distancer quelque peu de Chavez le mécontentement vu dans les rues contre le gouvernement. Beaucoup de gens, avec raison, voient encore Chavez comme le Président qui leur a donné une voix et un accès aux soins de santé à l’éducation pour la première fois.
La droite, malgré leur rhétorique, n’offre clairement pas d’issue pour la classe ouvrière et sa victoire aux élections rendrait probablement les conditions de s’organiser encore plus difficiles. Dans un contexte de situation économique détériorée, ils appliqueraient les mêmes mesures d’austérité que les autres gouvernements capitalistes dans le monde entier.
Pour le CIO au Venezuela, voter Chavez n’est pas suffisant. Si nous voulons avoir une chance de répondre aux questions sociales qui existent, nous devons construire un mouvement préparé à aller rapidement dans la direction de l’authentique socialisme démocratique. Seule une société basée sur la propriété publique de tous les secteurs-clé de l’économie, le contrôle démocratique par en bas, et un plan durable de production peut utiliser les richesses qui existent pour augmenter rapidement les conditions de vie de la majorité.
Nous avons besoin d’un gouvernement de gauche mais, plus important, nous avons besoin de construire un mouvement indépendant dans les lieux de travail, dans les barrios et parmi les jeunes, qui s’organiserait pour prendre le contrôle de l’économie des mains des capitalistes et de la bureaucratie du gouvernement.