La Vivaldi sous tension. Une lutte des classes intense dominera l’agenda politique de l’automne

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) vient de mettre en garde contre l’impact que les prix de l’énergie auront à très long terme sur l’économie. Son message annonçant « 5 à 10 hivers difficiles » relayait le discours d’une figure de proue de l’organisation patronale flamande Voka qui prévoit des « nuages orageux pour l’économie » et de «la neige noire » pour de nombreuses entreprises.

Par Els Deschoemacker, édito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

C’était tout autant un avertissement aux syndicats et au mouvement ouvrier dans son ensemble. Les années à venir seront difficiles, il faut le supposer, tel est le discours. Selon lui, il faudra y faire face « avec les efforts nécessaires ».

Il ne s’agit pas que d’une histoire belge. En France Macron a marché dans les pas de De Croo en annonçant qu’il fallait être prêt à payer le « prix de la liberté ». Un écho similaire s’est fait entendre ailleurs en Europe : des Pays-Bas à l’Espagne en passant par l’Allemagne.

Décideurs politiques et chefs d’entreprise ne sont pas avares de ce type d’avertissements alors que le mouvement ouvrier se prépare à l’action en exigeant des mesures radicales pour protéger le pouvoir d’achat et assurer la protection sociale de la classe ouvrière dans une période d’aggravation de la crise capitaliste.

On parle aujourd’hui de la guerre en Ukraine comme s’il s’agissait d’une sorte de phénomène naturel. Mais une guerre ne tombe jamais du ciel, elle est le résultat de tensions croissantes et de la concurrence entre les grandes puissances et d’un capitalisme en crise. La lutte économique pour plus de profit adopte alors une dimension militaire. La guerre n’est jamais menée dans l’intérêt de la classe ouvrière des pays concernés, mais toujours dans l’intérêt des classes dirigeantes, pour plus d’influence économique et politique.

La classe ouvrière du monde entier risque d’en payer le prix fort sous la forme d’une destruction de son pouvoir d’achat résultant de l’envolée des prix. À moins qu’elle ne soit capable de résister et de stopper cette folie capitaliste. Cela exige de se battre à l’aide d’un programme anticapitaliste d’urgence.

La Vivaldi entre deux feux

Les patrons aiment prétendre que « seules les entreprises paient pour la crise ». Le message s’adresse au gouvernement avant qu’il ne commence à préparer le budget 2023-24. Les patrons veulent obtenir une aide publique encore plus importante que celle reçue au cours des dernières décennies. Ce transfert de richesses de la collectivité vers les bénéfices des entreprises exerce une pression croissante sur les caisses de l’État. Outre l’augmentation des aides d’État, les patrons veulent également imposer un saut d’index et, si on les laisse faire, l’abolition complète du mécanisme d’indexation des salaires et des allocations sociales.

Le groupe de réflexion Minerva remet au moins en question le discours des patrons selon lequel les salaires font partie du problème au même titre que les prix de l’énergie. Au premier semestre de cette année, alors que la guerre en Ukraine était déjà en cours, que l’inflation était une réalité et que les prix de l’énergie explosaient, des bénéfices record ont été enregistrés. Les entreprises belges s’en sont mieux tirées que celles des pays voisins. En se basant sur les chiffres des dernières décennies, le groupe de réflexion a déclaré que « la marge bénéficiaire brute des entreprises belges n’a jamais été aussi élevée qu’au premier trimestre 2022 ». La tendance structurelle indique un renforcement systématique de la marge bénéficiaire brute : alors qu’au début du siècle, la marge bénéficiaire brute des sociétés non financières en Belgique tournait encore autour de 36%, nous observons aujourd’hui une marge bénéficiaire globale de plus de 46%.

Une conséquence automatique est qu’une part toujours plus réduite de la richesse produite par la classe ouvrière dans les entreprises profite aux salariés sous forme de salaires et de cotisations à la sécurité sociale.

L’angoisse des employeurs aujourd’hui est en partie motivée par la crainte qu’une lutte déterminée du mouvement ouvrier mette fin à ces profits faramineux. Les menaces et le chantage vont se multiplier dans les jours, semaines et mois à venir, n’ayons aucun doute à ce sujet. Les patrons ont un argument qui semble en béton : si les prix de production deviennent trop élevés, ils arrêteront la production.

Nous avons annoncé précédemment qu’après la pandémie, la lutte des classes serait volcanique. Nous verrons dans les mois à venir à quel point elle le sera. Le fait est que le mouvement ouvrier n’a pas le choix. La classe ouvrière doit s’armer contre les attaques brutales des patrons. La pandémie a dramatiquement souligné que les salarié-es créent la richesse. Cette richesse doit leur revenir. C’est cela qui doit constituer le socle de toute action. C’est cela qui doit alimenter la mobilisation vers la grève générale.

Le gouvernement Vivaldi sera pris entre deux feux. Le mouvement ouvrier a un pouvoir potentiel incroyablement plus fort que celui de la bourgeoisie. S’il se met en mouvement, organise et déploie effectivement toute sa force, le gouvernement sera impuissant à réaliser le programme de la bourgeoisie.

Il est peu probable que la Vivaldi s’engage dans une offensive de grande envergure contre la classe ouvrière avant les élections de 2024. L’inaction n’est cependant pas une option pour le mouvement ouvrier. Avec l’accord de la coalition actuel qui maintient la loi salariale de 1996, sans action audacieuse pour freiner les entreprises énergétiques qui battent des records en les nationalisant si nécessaire, dans une période de récession qui se développe rapidement et de stagflation possible, ne rien faire équivaut à une opération de grande envergure pour appauvrir la majorité de la population active, y compris les classes moyennes.

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