
La direction du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) St-Pierre, un des gros hôpitaux publics de la ville de Bruxelles, veut imposer la privatisation du service gardiennage. Le CHU St-Pierre n’est pas un hôpital comme les autres: c’est à la fois un hôpital universitaire (plus de 500 lits, 2.800 membres du personnel dont de nombreux spécialistes) et un hôpital de ville, c’est-à-dire un établissement où, jour et nuit, un ballet d’ambulances amène une multitude de personnes nécessitant une prise en charge urgente : COVID, incidents cardiaques, victimes de bagarres ou d’accidents de toute nature, personnes fortement alcoolisées ou sous l’emprise de stupéfiants etc. Aux urgences, l’équipe du gardiennage a souvent fort à faire pour calmer les patients agités et faire en sorte que les soins de première nécessité puissent être assurés dans une atmosphère sereine. Sans compter le gardiennage pour les activités quotidiennes de l’hôpital qui ne relèvent pas de l’urgence. Et ce : 365 jours par an, 24 heures sur 24.
Par Guy Van Sinoy
Sans la moindre concertation
Le 19 avril dernier le Conseil d’administration du CHU St-Pierre, présidé par le député régional Mohamed Ouriaghli (PS), a décidé – sans la moindre concertation – de privatiser le service de gardiennage et de supprimer ainsi 30 postes de travail publics. Les organisations syndicales du secteur (CGSP-ALR, CSC, SFLP) appuyées par la CGSP-Police ne sont pas restées inactives. Le 23 mai après-midi elles ont tenté de mettre le point à l’ordre du jour du conseil communal de la ville de Bruxelles. Refusé. Le 30 mai à 7 heures du matin, une délégation CGSP-ALR s’est présentée au domicile du Président du CHU St-Pierre pour le rencontrer. En vain.
Une pétition contre la décision de privatiser le service de gardiennage, signée par 634 membres du personnel, a été remise début juin à la direction, sans avoir d’effet immédiat. La CGSP-ALR a décidé d’organiser un référendum sur la privatisation du gardiennage parmi le personnel de l’hôpital. Une carte blanche de soutien à cette initiative, signée par une centaine d’universitaires, ainsi que par des personnalités du monde du cinéma (les frères Dardenne, Ken Loach) a alors été publiée dans la presse.
Référendum
A l’initiative de la CGSP-ALR, un référendum sur la privatisation du gardiennage a été soumis à l’ensemble du personnel, du 14 au 16 juin. Afin d’éviter toute contestation quant aux résultats, la supervision des opérations et du dépouillement ont été confiées à une équipe d’universitaires de l’ULB.
La direction médicale de l’hôpital a réagi de façon extrêmement négative à ce référendum en adressant une lettre ouverte à l’ensemble du personnel. Elle affirme de façon provocatrice que les syndicats n’ont pas le monopole de la défense des services publics, qu’il n’y pas de débat public à avoir sur la question de la privatisation et que « l’on n’est pas dans un show télévisé ». Elle invoque l’existence d’abus et de dysfonctionnements sans apporter le moindre élément concret. Ce communiqué ne fait pas penser à un « show télévisé » mais plutôt à une dictature !
Large majorité contre la privatisation
Sur 767 votes exprimés lors de ce référendum, 661 sont contre la privatisation du gardiennage (32 pour, 69 abstentions et 5 nuls). « Beaucoup de personnes nous ont dit ne pas avoir osé participer au vote par peur de représailles…! C’est donc un résultat très satisfaisant compte-tenu des manœuvres d’intimidation de la direction » a déclaré Marc Lancharro, infirmier et délégué CGSP-ALR à l’hôpital St-Pierre.
Une deuxième question du référendum portait sur l’importance de consulter le personnel pour les grandes questions concernant l’hôpital (649 pour, 36 contre, 69 abstentions et 13 nuls).
Certes ce référendum n’est qu’une étape et la bataille contre la privatisation n’est pas encore gagnée. Mais, de même que la pétition, il a permis de mener campagne dans tout l’hôpital et de construire l’unité de tout le personnel. Comme le soulignait Mathieu Verhaegen, Président de la CGSP-ALR Bruxelles : « N’oublions pas que l’Hôpital St-Pierre a été établi depuis plusieurs siècles dans un des quartiers les plus pauvres (1) de Bruxelles. Le début de la privatisation de certains services va à l’encontre du rôle social que doit assumer cet hôpital. »
1) Le quartier des Marolles.