Il y a près d’un an et demi, la ‘‘bataille du Wisconsin’’ avait sonné le début du réveil de la classe ouvrière américaine. Les masses s’étaient alors soulevées avec énergie contre le gouverneur républicain Scott Walker et ses attaques contre les droits syndicaux. Ce 5 juin se déroule dans l’Etat un scrutin de rappel à l’encontre du gouverneur réactionnaire, une procédure inédite puisque seuls deux gouverneurs ont été ainsi destitués en deux siècles d’histoire.
Le gouverneur Walker est arrivé au pouvoir en 2010, porté par la vague du Tea Party à l’occasion des élections de mi-mandat et sur fond de profonde défaite pour le Parti Démocrate. Directement, il s’en est pris aux retraites et à l’assurance-santé des fonctionnaires mais, surtout, afin de faire passer ces attaques antisociales et d’autres qu’il prévoyait, il a voulu affaiblir la réstance en lançant une véritable offensive contre les droits syndicaux et en particulier contre le droit de négociation par conventions collectives.
C’est dans ce même Etat que sont nées les toutes premières conventions collectives de travail aux USA, dans le courant de l’année 1959. D’emblée, cette attaque a donc pris une dimension éminement symbolique, d’autant plus que cette offensive antisyndicale a débuté dans le contexte d’une autre, nationale celle-là, qui visait à détruire l’intervention du public dans l’économie. Ainsi, dans l’Etat de l’Ohio, le gouverneur Kasich a tenté de faire passer une loi autorisant les patrons à imposer leurs diktats dans le cas d’un conflit portant sur une convention collective. Une centaine de projets de loi visant à restreindre l’action syndicale ont été recencés à l’époque. Comme le disait le gouverneur Scott Walker, il s’agissait véritablement de ‘‘changer le cours de l’histoire’’.
Mais, le 10 février, lorsque le gouverneur Walker a présenté sa loi de programme budgétaire pour l’année 2011, c’est un véritable soulèvement qui a débuté, un soulèvement qui a constitué un avant-goût de la révolte plus large initiée en septembre de la même année avec le mouvement ‘‘Occupy Wall Street’’. Son programme comprenait de grandes réductions d’impôts pour les riches (à hauteur de 142 millions de dollars), avec une diminution du budget de l’enseignement de 1 milliard d’euros, une diminution salariale de 8% pour les fonctionnaires et une diminution du budget de l’assurance-santé pour les plus défavorisés. La riposte a surpris par son ampleur et sa vitesse : des milliers et des milliers de manifestants défilaient dans les rues tous les jours, avec également l’occupation de bâtiments officiels, dont celui du siège du Parlement de l’Etat. Sur les banderoles, on pouvait notamment lire ‘‘Manifestons comme les Egyptiens’’, en référence à la révolution égyptienne du 25 janvier 2011. Le 12 mars 2011, 200.000 personnes avaient défilé dans les rues, soit pas moins d’un 25e de la population de l’Etat.
Wall Street a deux partis, nous avons besoin du nôtre !
Finalement, ses propositions ont fini par être adoptées après de nombreuses semaines de manifestations de masse. La force du nombre était clairement du côté de la population, mais le gouverneur avait pour lui l’avantage du temps et la faiblesse des directions syndicales, qui ont tout fait pour éviter d’avoir à organiser une grève générale. Les liens entretenus entre la direction syndicale et le parti démocrate sont tels qu’aujourd’hui, dans ce scrutin de rappel, le colistier du candidat démocrate contre le camp républicains est le dirigeant du syndicat des pompiers. Pour le camp démocrate, à l’époque, il fallait surtout éviter de favoriser le développement d’une trop grande polarisation sur des thèmes de classe, ce qui aurait exposé les démocrates à plus de critiques de la part des républicains, mais aurait aussi pu permettre de plus ouvertement encore démasquer le rôle du parti démocrate en tant que parti de Wall Street.
Ce double jeu de la part du parti d’Obama peut encore se voir dans les sommes dépensées au cours de cette campagne pour le rappel du gouverneur Walker : les républicains ont dépensé trois fois plus d’argent qu’eux (17,8 millions de dollars). Ce n’est guère surprenant. Dans d’autres Etats, ce sont ces mêmes démocrates qui mènent la politique d’austérité, et Obama n’a pas désiré investir trop de moyens et transformer ce vote en une élection préfigurant les présidentielles.
Les militants de la base ont recueilli 900.000 signature pour revendiquer l’application de cette procédure de rappel, sur une population de 5 millions d’habitants à peine ! C’est en soi une belle victoire, comme le serait le départ deWalker. Mais quelque soit l’issue du vote, ce travail militant aura été volé par l’un des deux partis de Wall Street. Aucune confiance ne peut être accordée aux démocrates. Entre eux et les républicains, il n’existe que des divergence concernant le rythme de l’austérité, pas sur sa logique elle-même.
Nos camarades américain de Socialist Alternative font campagne autour du slogan ‘‘Wall Street a deux partis, nous avons besoin du nôtre’’. Cette nécessité d’un nouveau parti des travailleurs, un parti des 99%, est pleinement illustré dans cette ‘‘bataille du Wisconsin’’, où les liens entre les syndicats et le parti démocrate ont empêcher le mouvement de masse de balayer les lois scélérates de Walker et peuvent meintenant conduire au véritable vol de l’énergie militante qui a permis cette procédure de rappel.