Kazakhstan. Le mouvement de masse des travailleurs et de la jeunesse noyé dans le sang !

Solidarité internationale contre la dictature et l’impérialisme !

Comme les précédentes, l’année 2022 a commencé sur les chapeaux de roue. Au Kazakhstan, l’un des régimes autoritaires les plus stables d’Asie centrale a été ébranlé par un soulèvement de masse. La répression a tué au moins 225 personnes, assistée par l’intervention militaire des forces de « maintien de la paix » de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) dirigée par la Russie. Alors que la situation dans la rue commençait à se calmer, le régime mis en place par Nursultan Nazarbayev reste confronté à la crise politique et sociale la plus profonde de l’histoire indépendante du pays.

Par Eugenio (Bruxelles), article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

Le contexte du soulèvement

Les manifestations ont éclaté le 1er janvier dans la grande région pétrolière de Mangystau, avec pour point central la ville de Zhanaozen, un centre clé de l’organisation syndicale dans la zone post-soviétique, mais elles se sont rapidement étendues à tout le pays. Elles ont été déclenchées par le doublement soudain du prix du gaz de pétrole liquéfié, principale source d’énergie pour les travailleurs et les pauvres du pays.

Cependant, elles s’inscrivent dans une tendance croissante d’activisme syndical et de mécontentement généralisé à l’égard des élites dirigeantes au Kazakhstan et dans tout l’espace post-soviétique. Le président Tokayev a rapidement été contraint de faire des concessions, notamment en forçant la démission du gouvernement, mais cela n’a pas suffi à faire taire les protestations.
Celles-ci ont continué à prendre de l’ampleur et ont rapidement commencé à inclure des revendications politiques. Cela montre à quel point la crédibilité de la classe dirigeante a été ruinée par la dégradation des conditions sociales et économiques auxquelles sont confrontés les travailleurs et les communautés rurales pauvres, encore amplifiée par la mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19. Alors que les hommes d’affaires et les politiciens festoient dans la tour d’ivoire de leur capitale fraîchement construite, la majorité de la population est laissée dans la misère et doit survire avec des salaires dérisoires et le commerce informel.

La situation est particulièrement grave pour les jeunes, contraints d’envahir les villes à la recherche de perspectives économiques ou d’émigrer à l’étranger pour occuper les rangs les moins bien payés de la classe ouvrière en Russie ou en Chine. Ces jeunes travailleurs privés de leurs droits ont joué un rôle clé dans les manifestations, comme l’ont montré les slogans qui visaient les dirigeants vieillissants du pays et leurs copains.

Parasitisme capitaliste et intervention impérialiste

L’élite dirigeante du Kazakhstan est un parfait exemple de la nature parasitaire de l’économie capitaliste. Issue de l’appareil bureaucratique du Kazakhstan soviétique, cette classe dirigeante a ancré son pouvoir dans le pillage des richesses naturelles du pays, notamment ses abondantes réserves de gaz et de pétrole.

Cependant, contrairement à d’autres élites post-soviétiques dans les pays baltes ou en Géorgie, elle ne pouvait pas s’appuyer sur un fort sentiment national pour justifier la restauration de la propriété privée et l’érosion des droits socio-économiques. Au lieu de cela, elle a été contrainte de s’appuyer sur une figure bonapartiste, le président de la République socialiste soviétique du Kazakhstan de l’époque, Nursultan Nazarbayev, pour agir au-dessus des contraintes formelles de l’État et établir un cadre favorable aux intérêts du capital interne et externe.

Ce modèle a réussi à faire du Kazakhstan un acteur régional de premier plan, attirant les investissements de tous les grands blocs économiques eurasiatiques, tout en augmentant de manière exponentielle la richesse de l’oligarchie dirigeante, en particulier la famille et les proches collaborateurs de Nazarbayev.

Mais derrière cette façade de stabilité s’est toujours cachée une vérité indéniable : la classe dirigeante est faible. Elle ne peut compter sur les structures de la démocratie bourgeoise ou sur le soutien d’une classe moyenne enrichie pour justifier son pouvoir. Elle est donc obligée de s’appuyer sur la puissance pure de l’appareil d’État et sur le soutien de ses mécènes impérialistes. C’est pourquoi, dès que Tokayev a senti qu’il perdait le soutien des membres de bas et de haut rang de ses forces de sécurité, il a été contraint de fabriquer une campagne « anti-terroriste » pour discréditer le mouvement et justifier l’implication de l’armée russe.

« Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas la venue du printemps »

Alors que la poussière et la cendre s’installent dans les rues du Kazakhstan, l’avenir du pays n’a jamais semblé aussi incertain. Le système politique du pays subit une purge sans précédent alors que le fossé entre les différentes couches de l’élite se creuse, autour des figures de Nazarbayev et Tokayev. Ce dernier fait tout ce qui est en son pouvoir pour consolider son emprise au détriment de l’ancien président, ce qui contribuera indéniablement à accroître l’instabilité dans le pays.

Cette tension est également symbolisée par la présence croissante de bandes organisées de provocateurs dans les dernières phases du mouvement, ce qui ouvre la possibilité d’une violente lutte pour le pouvoir qui n’est pas sans rappeler celle à laquelle nous avons assisté à plusieurs reprises au Kirghizstan voisin.

Parallèlement, le régime n’a jamais été aussi dépendant politiquement des puissances étrangères, en particulier de la Russie et de la Chine, ce qui le rend encore plus vulnérable aux tensions qui se préparent dans toute l’Eurasie. Ses deux principaux mécènes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour stabiliser la situation dans le pays, de peur que les troubles ne s’étendent aux voisins du Kazakhstan, en particulier à la colonie de Xingjian de Pékin et aux possessions sibériennes riches en gaz de Moscou.

Mais les conditions qui ont conduit les travailleurs et les jeunes à se mobiliser ne feront que persister et s’aggraver alors que le capitalisme mondial entre dans une nouvelle ère de désordre. Même toute la puissance des impérialismes russe et chinois ne peut contrer l’avalanche de l’histoire. Tout comme la répression de la classe ouvrière russe par la milice tsariste en 1905 a ouvert la voie au soulèvement de 1917, les leçons de la lutte de janvier 2022 inspireront des enseignements clés à cette nouvelle génération de combattants contre la dictature et l’exploitation capitalistes. Il est crucial que les travailleurs et les jeunes du monde entier se solidarisent avec leur lutte et les soutiennent alors qu’ils s’efforcent de parvenir à des conclusions de grande portée sur la nécessité d’une transformation révolutionnaire de la société.

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