Depuis que les travailleurs belges, il y a trente ans, sont sortis de la moyenne pour se hisser dans le top 5 des travailleurs les plus productifs au monde, ils n’en ont jamais été chassés. Une étude du consultant PwC(1) l’a encore confirmé fin mars. Nulle part en Europe la production par travailleur n’est aussi élevée qu’en Belgique. Ce titre, les travailleurs en paient le prix en termes de burn-outs, d’usage record d’antidépresseurs et de crises cardiaques.
Par Eric Byl
Les données les plus consultées sur la productivité sont celles de l’OCDE(2). On y trouve qu’en 2010, les travailleurs belges produisaient en moyenne une valeur de 58,9 $ pour chaque heure de travail prestée. C’était un peu moins que ce que nos collègues norvégiens, luxembourgeois, irlandais et américains produisaient, mais beaucoup plus que ce qui se fait de manière générale dans le reste du monde. Ces données s’appliquent à l’ensemble de notre économie, PME et indépendants compris.
L’agence PwC a fait le même exercice pour les entreprises privées de plus de 250 travailleurs, en excluant le secteur financier, le travail temporaire et le nonmarchand. Il est ainsi apparu que dans ces entreprises, la production annuelle par travailleur dans notre pays est en moyenne de 239.000 € par an. Afin de produire en un an autant que 100 travailleurs belges, il faut 126 travailleurs néerlandais, 131 français, 132 allemand ou 176 britanniques. Il ne faut donc guère s’étonner de voir le baron Paul Buysse déclarer comme il l’a fait l’an passé dans Knack(3) : ‘‘Si la Belgique était une entreprise, je l’achèterais tout de suite !’’
Les travailleurs belges ne reçoivent en retour qu’une petite partie de leur production. Depuis l’introduction de la norme salariale en 1996, nos salaires se sont certainement accrus de 15% par rapport aux salaires allemands, mais ont baissé de 3 % et même de 15% par rapport aux salaires français et hollandais( 4). Ce sont surtout les grands actionnaires, les cadres de direction et les membres des conseils d’administration qui s’en vont avec les gros morceaux. Ainsi, les entreprises non-financières du Bel 20 s’apprêtent-elles à verser à leurs actionnaires 75 % de leur profit net réalisé en 2011(5) ! Le salaire annuel moyen du top-manager d’une compagnie cotée en bourse s’élève entretemps à 2 millions d’euro(6) et les présidents d’un conseil d’administration d’une entreprise du Bel 20 reçoivent une prime moyenne de 190.000 € pour une dizaine de réunions par an(7).
Mais le gouvernement ne va certainement pas parler de cela quand, une fois les élections sociales terminées, il va commencer à discuter de son plan de relance. Tout comme dans le cadre d’un plan d’austérité ou d’une correction budgétaire, ce seront les salariés, s’ils ne s’y opposent pas, qui se retrouveront une fois de plus du côté où tomberont les coupes. L’enjeu étant une nouvelle hausse de la compétitivité des entreprises, notre mécanisme d’indexation va se retrouver au centre des combats, tandis que sont à prévoir de nouvelles baisses de taxes pour les entreprises.
(1) PricewaterhouseCoopers, “Trends in Human Capital”
(2) Organisatie voor Economische Samenwerking en Ontwikkeling – http://stats.oecd. org/Index.aspx?usercontext=sourceoecd
(3) Knack interview 19 janvier 2011
(4)De Standaard 12 février 2012
(5)De Tijd 30 mars 2012 Belgische bedrijven keren driekwart van hun winst uit
(6) De Tijd 31 mars 2012 Crisis treft salarissen toplui niet
(7) De Tijd 4 avril 2012 Huygebaert en Buysse best betaalde bestuursvoorzitters