Guerre froide USA-Chine : Deux géants capitalistes sur la sellette

L’augmentation des tensions commerciales, diplomatiques et même militaires entre les États-Unis et la Chine montre que nous sommes entrés dans un monde différent. Pour la première fois depuis la guerre froide contre l’ancienne Union soviétique, l’impérialisme américain se sent fondamentalement menacé par un puissant challenger. Contrairement à ce que certains pensent – y compris à gauche – le capital américain n’est pas à couteaux tirés avec la Chine « communiste », mais avec le capitalisme chinois dirigé par le parti « communiste » chinois.

Par Peter (Leuven)

Depuis les années 1980, la Chine est passée d’une économie bureaucratiquement planifiée à un pays majoritairement capitaliste. En 2020, la Chine comptait plus de nouveaux milliardaires en dollars que les États-Unis. La production privée à but lucratif est devenue dominante. Les marxistes parlent plutôt de capitalisme d’État, en raison de la plus grande interférence de l’État dans l’économie. Cette situation est différente de celle lors de la précédente guerre froide : l’Union soviétique avait un système social différent, à savoir une économie planifiée, bien que soumise à un régime bureaucratique.

Des tensions croissantes, également avec Biden

Les tensions accrues entre la Chine et les États-Unis ne sont pas simplement le fait de l’administration Trump. Celle-ci avait bien augmenté les taxes sur les produits chinois et fermé les consulats en Chine. Son administration parlait d’une lutte entre « la liberté et la tyrannie ». Mais il ne s’agissait que d’un nouvel exemple d’hypocrisie capitaliste, comme le démontre largement la coopération historique et actuelle de l’impérialisme américain avec les dictatures du monde entier, telles que l’Arabie saoudite.

Avec Joe Biden, le conflit avec la Chine capitaliste d’État se poursuit. Il s’agit d’une lutte fondamentale entre deux groupes de capitalistes qui se disputent l’hégémonie sur le monde. Le régime de Pékin était même plus favorable à Trump car il estimait que celui-ci serait plus enclin à conclure des accords. Le capitalisme chinois – avec le vernis trompeur du Parti « communiste » – est un rival de la bourgeoisie américaine, de ses multinationales et de son État en termes de technologie, d’intelligence artificielle, de réseaux 5G et de suprématie militaire.

La flotte chinoise compte aujourd’hui plus de navires que la flotte américaine. La Chine se dote également d’une plus grande capacité nucléaire : de la « dissuasion stratégique », selon les termes de Xi Jinping. Parallèlement à sa puissance économique croissante, la Chine affirme des revendications plus impérialistes sur les îles de la mer de Chine méridionale et sur sa frontière avec l’Inde. En septembre, les États-Unis, ainsi que l’Australie et le Royaume-Uni, ont créé AUKUS, une alliance qui fournira à l’Australie des sous-marins à propulsion nucléaire. Les États-Unis ont également livré des équipements militaires d’une valeur de 20 milliards de dollars à leur allié indien en 2020. Les impérialismes américain et chinois forgent mutuellement des alliances stratégiques, politiques et économiques dans la lutte pour le contrôle de la région.

Taïwan est à ce titre un facteur important. Après que le régime de Xi ait soumis Hong Kong à une loi sur la sécurité nationale qui l’aligne de plus en plus sur le régime autoritaire de la Chine continentale, l’attention se porte sur Taïwan. Officiellement, celle-ci fait partie de la Chine, mais une invasion entraînerait des tensions extrêmement dangereuses avec le Japon et les États-Unis. D’autre part, le régime chinois n’acceptera jamais un Taïwan « indépendant » pour des raisons stratégiques et de prestige.

Via l’initiative « Belt and Road », les nouvelles routes de la soie, le régime chinois a rendu les gouvernements d’Afrique, entre autres, dépendants des prêts chinois. Cela sécurise ainsi l’accès aux matières premières et aux nouveaux marchés en construisant des ports et des infrastructures. L’impérialisme chinois tente de se présenter comme une alternative au capital occidental.

Le régime chinois n’est pas « progressiste », que ce soit dans sa politique étrangère ou sur son territoire. Au cours des dernières décennies, il a de plus en plus affaibli son propre État-providence issu de l’ancienne économie planifiée. Il a créé un régime dictatorial sophistiqué et brutal grâce à des technologies de pointe et n’a aucun problème avec les attaques contre les féministes, les personnes LGBTQI+ ou même simplement des « hommes à l’apparence féminine » afin de détourner l’attention de la crise économique et sociale.

Les causes sociales des tensions militaires

Depuis les années 1970, le capitalisme occidental traverse une crise prolongée de surcapacité, de baisse du pouvoir d’achat, de bulles spéculatives, d’endettement croissant,… La Chine s’est profilée dans ce marché mondial comme l’usine la moins chère du monde et a lancé une bouée de sauvetage au capitalisme occidental. Les deux grandes économies sont devenues structurellement imbriquées et ont relié l’ensemble de l’économie mondiale dans une chaîne de production complexe. La fragilité de cette situation est apparue clairement l’an dernier : des usines se sont arrêtées, des livraisons n’ont pu être effectuées à cause des grains de sable dans les rouages de la machine. Tel un sombre nuage, le conflit actuel entre les États-Unis et la Chine menace l’ensemble de l’économie mondiale.

Une crise de la dette se développe également en Chine. La croissance économique a été maintenue par un flux ininterrompu d’argent frais dans les banques contrôlées par l’État. Parallèlement, le coût de l’éducation, des soins de santé et du logement est devenu si élevé que les familles ont reporté la naissance de leurs enfants. La dette des ménages chinois a augmenté de 4.600 milliards de dollars entre 2015 et 2019. Au cours de la prochaine décennie, le nombre de femmes âgées de 22 à 35 ans en Chine diminuera de 30 %. Même après la levée de l’interdiction d’avoir plus d’un enfant, le taux de natalité est en chute libre puisqu’élever un enfant revient trop cher et que les services sociaux ont été amoindris.

En outre, le secteur de l’immobilier est entré en eaux troubles avec la menace de faillite du géant de la construction Evergrande. Cette crise peut s’étendre au reste du secteur et menace l’ensemble de l’économie chinoise. Le régime craint des débordements sociaux massifs. C’est également la raison sous-jacente des attaques contre certains capitalistes et de la réglementation dans un certain nombre de secteurs.

Cette guerre froide oppose, d’une part, l’ancienne puissance impérialiste classique mais déclinante des États-Unis et, d’autre part, la nouvelle puissance mondiale émergente, la Chine, qui a été en mesure de construire sa position de force sur base d’une économie planifiée. Mais au cours des dernières décennies, sous le contrôle du PCC, cette économie a été transformée en une brutale machine de capitalisme d’État dictatoriale. Prendre parti dans ce conflit revient à choisir entre la peste ou le choléra. La classe ouvrière, ni en Chine, ni aux États-Unis et ni dans le monde entier, n’a aucun intérêt dans ce conflit.

Les mobilisations se développent contre la crise du logement

À Amsterdam, le 12 septembre, 15.000 personnes ont manifesté contre la pénurie de logements abordables dans le pays en conséquence de la spéculation et de la loi du marché.

Face à la réduction du nombre de logements sociaux, le marché a fait grimper les prix. Les propriétaires spéculent sur le logement et achètent des propriétés facilement commercialisables pour les revendre plus cher. Des loyers plus élevés font également augmenter la valeur de vente.

Un appartement dans une ville aux Pays-Bas peut facilement coûter 1.000 euros par mois. De nombreuses personnes consacrent plus de 40 % de leur revenu au logement. Après la manifestation réussie du 12 septembre à Amsterdam, une autre suivra le 17 octobre.

Cette lutte est payante, nous l’avons déjà vu en Suède. Un mouvement de protestation crescendo, dans lequel notre organisation sœur Rättvisepartiet Socialisterna a joué un rôle important, a conduit à la chute du gouvernement et au retrait de la décision de laisser les loyers au marché.

À Berlin, l’expropriation de grandes sociétés de logement privées telles que Deutsche Wonen, qui possède pas moins de 113.000 appartements à Berlin, fait l’objet d’une campagne depuis des années. En même temps que les élections parlementaires, un référendum a été organisé à ce sujet à Berlin, mais la nationalisation elle-même doit être effectuée par le prochain gouvernement.

La résistance contre la soif de profit de la mafia du béton et des propriétaires est nécessaire. Elle ne peut qu’être renforcée par la revendication d’un plan massif d’investissement public dans le logement social pour assurer des logements sociaux durables, de qualité et abordables en nombre suffisant pour faire baisser les prix de tous les loyers.

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