La transition médicale des personnes transgenres n’arrive pas trop vite, mais trop tard

Une carte blanche de la philosophe Griet Vandermassen dans De Standaard (31 juillet) intitulé « Et si les hormones et la chirurgie étaient la mauvaise réponse » a abordé l’augmentation dite « explosive » des inscriptions dans les cliniques spécialisées dans l’étude du genre. Pourquoi tant de jeunes se reconnaissent-ils dans la transidentité ?

Par Mauro (Gand)

Statistiquement, il est correct de parler d’une augmentation exponentielle du nombre de cas enregistrés, ce qui illustre surtout à quel point il était difficile de trouver la voie vers une aide adéquate par le passé. L’augmentation est exponentielle, mais le nombre de personnes transgenres reste limité par rapport à la population globale.

Griet Vandermassen affirme qu’un nombre croissant de personnes regrettent certaines étapes de leur transition, sans faire reposer cette affirmation sur aucune donnée scientifique. Il existe toutefois bel et bien un petit groupe de personnes qui regrettent (une partie de) leur transition, autour de 0,2 et 0,3%. Le regret ne porte d’ailleurs généralement pas sur la transition elle-même, mais sur les conséquences psychosociales de celle-ci. On peut se sentir bien dans sa peau, mais subir le rejet de sa famille, perdre son emploi, ne pas trouver de logement,… La discrimination dont souffrent les personnes transgenres n’est plus à démontrer. Prévenir les regrets implique de défendre une société tolérante dotée du meilleur filet de sécurité qui soit : une sécurité sociale solide.

Griet Vandermassen semble profiter du nombre croissant de transitions pour remettre en question la prise en charge des transgenres. Elle déclare : « on dit que le traitement hormonal aide les jeunes souffrant de dysphorie de genre. C’est peut-être vrai parfois, mais dans l’ensemble, les preuves scientifiques sont minces. » Elle poursuit en disant qu’une transition de genre a « des conséquences désastreuses sur la sexualité » des personnes transgenres. Cependant, la majorité des personnes sont satisfaites de leur transition médicale. Griet Vandermassen revient sur les malentendus concernant les inhibiteurs de la puberté. Par exemple, il est affirmé que les inhibiteurs de la puberté ne réduisent pas les sentiments liés au sexe. Cette constatation est logique, étant donné que ces inhibiteurs ne font que ralentir la puberté, mais ne provoquent pas le changement physique souhaité. Lorsque l’hormonothérapie du sexe désiré est commencée au plus tôt à l’âge de 16 ans, la dysphorie de genre diminue.

La prise en charge affirmative des transgenres est remise en question sur base d’un cas spécifique d’une personne qui a cherché de l’aide de son propre chef en dehors des équipes habituelles. La plupart des personnes transgenres en Flandre sont assistées par des équipes multidisciplinaires spécialisées dans le domaine du genre, qui ont des années d’expérience. Les médecins qui décident de prescrire une hormonothérapie peuvent en effet le faire aujourd’hui. En raison des longues listes d’attente dans les équipes chargées des questions de genre, il y a effectivement des adultes qui trouvent leur chemin par eux-mêmes et (heureusement) des conseillers pour les aider. Tous ces travailleurs sociaux n’ont pas la même expérience. Par conséquent, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour former les médecins à guider et à soutenir la transition de genre. En définitive, c’est toutefois le patient lui-même qui, sous la direction d’un psychologue et/ou d’un médecin, évalue les mesures médicales qu’il souhaite prendre.

Là où Griet Vandermassen passe complètement à côté du sujet, c’est dans l’idée que les jeunes peuvent entamer une transition de genre trop facilement. La réalité est toute autre. Il y a de longues listes d’attente pour la plus grande équipe en Flandre, celle de l’UZ Gent. On peut patienter un an sur liste d’attente actuellement, mais cela devrait passer à plus de deux ans dans un avenir proche. En Belgique, les mineurs ne peuvent pas obtenir d’inhibiteurs de la puberté sans passer par une équipe de spécialistes du genre. C’est pourquoi, en réalité, il est souvent trop tard pour commencer à prendre ces inhibiteurs. Les personnes qui ne peuvent pas trouver un psychologue externe ou qui n’en ont pas les moyens sont laissées à elles-mêmes en attendant. Pendant cette période, les gens prennent souvent déjà des mesures sans l’aide de psychologues expérimentés. Il y a peut-être même un tout petit groupe qui prend certaines mesures trop rapidement ou sans être suffisamment informé. L’assistance aux transgenres doit être rapidement accessible pour ceux qui la demandent.

Griet Vandermassen a cependant raison de dire qu’il est insuffisant de considérer les choses sous l’angle uniquement médical. Nous vivons dans une société très binaire. La division entre garçons et filles s’est accrue dans différents domaines. Si la diversité des genres est caractéristique de nombreuses cultures non occidentales, elle n’a guère sa place ici. Pour l’instant, c’est une solution médicale qui retient l’attention. Dans l’ancien monde médical, les corps trans étaient conformes aux corps cisgenres, d’où l’idée que la chirurgie du genre était indispensable pour toutes les personnes trans. Un autre exemple est que l’on a accordé moins d’attention à l’opération de métadoioplastie pratiquée sur les hommes transgenres, qui se traduit par un pénis beaucoup plus petit que celui de l’homme cisgenre moyen. Les normes de genre affectent à la fois les personnes cisgenres et transgenres. Une libération de ces idées rigides et stéréotypées profiterait à toutes les personnes.

Toute cette polémique et ce débat démontrent la nécessité d’une recherche scientifique approfondie. Mais quiconque veut faire des recherches sur les jeunes et les adultes transgenres se heurte constamment à un mur. Il n’y a pas assez d’argent. Il faut davantage de ressources pour la recherche sur notre santé physique et mentale.

Les droits des femmes et les droits des personnes LGTBQI font l’objet d’une plus grande attention aujourd’hui. Les premières actions « Pride is a Protest » à Gand, Bruges et Anvers ont été un succès. Ces actions militantes ont fourni une alternative aux Prides commerciales. Ce qui était frappant, c’est la génération de jeunes qui ont pris la parole pendant le micro ouvert. Ces jeunes ont témoigné de leur combat pour être eux-mêmes et de leur quête d’acceptation. Ils et elles sortent dans la rue pour que l’éducation sexuelle dans les écoles ne soit plus hétéronormative et pour remettre en question les stéréotypes de genre. Cela permet de faire avancer la lutte pour la diversité de genres. En construisant un mouvement LGTBQI en solidarité avec d’autres mouvements (comme les syndicats, les sans-papiers, le mouvement pour le climat), nous pouvons commencer à combattre la LGTBQI-phobie dans la société en général.

 

 

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