Des millions de personnes ont participé à des mobilisations féministes ces dernières années. La jeunesse a organisé d’impressionnantes grèves internationales pour le climat. Le mouvement Black Lives Matter a eu de puissantes répercussions dans de nombreux pays. L’aspiration au changement grandit et pousse à l’activité militante. En plus de l’expérience pratique, des conclusions politiques sont tirées à un rythme accéléré: se concentrer sur les comportements individuels pour résoudre tous ces problèmes est insuffisant. Les personnes LGBTQI+ semblent elles aussi plus enclines à agir, comme l’illustrent la forte participation aux différentes actions contre la LGBTQI-phobie (notamment celles organisées par la Campagne ROSA) ou encore les délégations combattives qui ont fait leur réapparition dans les Pride.
Par Elise (Bruxelles)
Apprendre les uns des autres et se renforcer mutuellement
Les légendaires émeutes de Stonewall en 1969 répondaient directement aux discriminations et à la brutalité policière. Mais ce mouvement n’est pas né dans le vide : il a émergé à une époque où, comme aujourd’hui, plusieurs mouvements sociaux réclamaient des changements : le mouvement féministe, le mouvement des droits civiques et le mouvement anti-guerre. C’est dans ceux-ci que de premières expériences militantes ont été acquises (création de comités, discussions sur un programme, formulation de revendications, intervention à son lieu de travail, son école, son quartier, etc.) Aujourd’hui, de nombreuses personnes sont récemment entrées en contact avec l’activité militante et en ont également tiré des enseignements, comme la place centrale de la solidarité.
En faisant échos aux slogans des autres mouvements et en soutenant leurs luttes, une dynamique se crée qui représente bien plus que la simple somme des différents mouvements isolés. Ce n’est pas neuf. Il suffit de penser au soutien des activistes du Lesbians and Gays Support the Miners (LGSM) durant la grande grève des mineurs contre Thatcher au Royaume-Uni dans les années ’80 ou à la présence récurrente des personnes LGBTQI+ aux actions féministes. Sortir de la symbolique et arracher un véritable changement nécessite la construction d’un rapport de forces grâce à la solidarité mutuelle. C’est aussi à cela qu’il faut penser en formulant des revendications concrètes.
Covid-19, confinement et radicalisation
Le Covid-19 a temporairement mis en veilleuse de nombreux mouvements : les gens tombent malades, les mesures de distanciation sociale limitent les actions, l’isolement et la précarisation compliquent l’organisation des luttes,… Mais la crise sanitaire a également un effet radicalisant. La pandémie a exacerbé les violences domestiques, les inégalités et les discriminations, tout particulièrement les groupes les plus vulnérables.
La colère et la frustration doivent s’exprimer dans la lutte. Cela signifie organiser des actions de solidarité internationale avec les personnes LGBTQI+ vivant dans des pays où les législations et les politiciens conservateurs, néocoloniaux et/ou religieux caractérisent leur naissance comme un crime. Mais aussi réagir lorsque des politiciens de droite stigmatisent les personnes LGBTQI+, légitimant indirectement (pour certains, quotidiennement) la violence et les discriminations.
Nous devons entrer en action au niveau local et national pour mettre fin à la violence et aux discriminations LGBTQI+phobes. Des investissements publics massifs dans les soins de santé (pour s’en prendre aux longues listes d’attente concernant les transgenres, pour fournir un soutien psychologique à toutes et tous,…), dans l’enseignement (notamment des cours d’éducation sexuelle appropriés), dans le logement social et les emplois décents (pour lutter contre les discriminations sur le marché de l’emploi et du logement), dans les organisations socioculturelles LGBTQI+, dans les refuges, le secteur social, etc. sont nécessaires.
Nous continuerons bien entendu à défendre ces revendications après les actions « Pride is a Protest » du 27 juin. Elles seront notamment discutées dans les comités d’action locaux de la Campagne ROSA et reprises dans d’autres luttes (comme dans les actions féministes ou les actions du secteur des soins de santé). Notre combat va toutefois plus loin. Nous vivons dans une société divisée en classes sociales, la manière d’obtenir une réelle liberté et une réelle égalité sociale et économique fait partie de la lutte des classes. Les investissements nécessaires à notre bien-être seront toujours temporaires dans le système économique actuel, ils risquent de disparaître lorsque la pression sociale diminuera.
À Bruxelles, par exemple, une distribution de nourriture a été organisée pour les personnes LGBTQI+ pendant le confinement. Le projet arrive aujourd’hui à son terme en raison du manque de fonds structurels en dépit de sa popularité croissante. C’est une bonne chose que plus d’argent ait (enfin) été mis à disposition des refuges pour les personnes LGBTQI+. Mais une société où certaines villes comptent plus de 10.000 personnes sur les listes d’attente pour un logement social n’offre pas de solution à long terme pour les victimes de violence domestique, du sans-abrisme et de discrimination.
Il s’agit de changer fondamentalement la société, et pas seulement de lui donner un petit coup de peinture (arc-en-ciel) ici et là avec quelques mesurettes. Nous devons instaurer une société socialiste où les richesses produites seraient investies dans notre bien-être. Nous avons besoin d’une rupture avec la société de classe où la préservation des relations de pouvoir existantes (y compris par le contrôle social, la reproduction gratuite de la force de travail qui est source de profit pour le capitalisme,…) est liée à la famille nucléaire et aux normes de genre strictes qui alimenteront toujours les préjugés contre les personnes LGBTQI+. Nous nous battons pour une société où il n’y a plus de choix à faire entre ceux qui sont aidés et ceux qui ne le sont pas. Une société où tous les secteurs importants pour le bien-être des personnes LGBTQI+ (soins, logement, éducation, emplois, hébergement…) ne croulent pas sous le manque de moyens, mais où les moyens sont dégagés à leur profit et à celui de tous les travailleurs et leurs familles.