Jeunesse en Lutte. Pour un mouvement inclusif, pluraliste et démocratique !

Déjà avant la crise sanitaire, les étudiant.e.s étaient à bout. Mais aujourd’hui, c’est encore pire : 32% des étudiant.e.s galèrent plus cette année que l’année passée à payer leurs études. Un tiers a perdu son job étudiant, un quart a même du mal à s’alimenter convenablement. Et tout cela conduit à ce que 60% des étudiant.e.s se sentent complètement ou partiellement en décrochage scolaire et à ce que 10% envisagent d’arrêter leurs études. Beaucoup d’entre nous sont désespérés. 8% des jeunes ont même sérieusement pensé à se suicider durant la première vague. La détresse psychologique prend une ampleur monumentale mais on manque de moyens pour y faire face. La pandémie a dramatiquement souligné l’impact dévastateur du manque de moyens dans l’enseignement.

Déclaration des Étudiants de Gauche Actifs / Actief Linkse Studenten // Tract en version PDF

C’est dans ce contexte que plusieurs initiatives et actions ont vu le jour dans l’enseignement supérieur francophone en ce début d’année 2021 à l’initiative de la FEF, de COMAC, de l’USE ou encore des Étudiants de Gauche Actifs (EGA). A l’ULB, en mars, cela a donné lieu aux premiers pas d’un mouvement qui a pris le nom de Jeunesse en lutte. Après de premiers rassemblements à l’ULB qui ont réuni plusieurs centaines de personnes, d’autres ont également été organisés à Liège et Louvain-la-Neuve le 15 mars. Hélas, ces débuts prometteurs sont gravement compromis par l’attitude adoptée hâtivement face au tout premier débat concernant l’orientation du mouvement.

EGA s’est de suite impliqué dans le mouvement, en le faisant connaitre et en mobilisant pour ses rendez-vous par tracts et sur les réseaux sociaux, en émettant des propositions constructives sur la manière d’élargir le mouvement, en défendant le principe d’assemblées larges ouvertes à chacune et chacun sur le modèle de celle du 1er mars à l’ULB (avec la participation de 150 étudiant.e.s), etc.

Pour EGA, la réouverture des universités et hautes écoles doit s’accompagner d’un investissement public massif d’urgence dans l’éducation pour permettre l’application des mesures sanitaires. Cette augmentation des moyens permettra notamment de diminuer la charge de travail sur le personnel, d’assurer un véritable accompagnement des élèves et des étudiant.e.s et de mener une campagne de dépistage systématique. Pour en finir avec le chaos du marché, la lenteur et la méfiance autour de la vaccination, nous défendons l’expropriation et la nationalisation sous contrôle démocratique du secteur pharmaceutique. Nous avons également souligné l’importance de lier le mouvement à la grève générale du 29 mars, à la lutte des sans-papiers, à celle du collectif d’action militant La Santé en Lutte,…

Chacune de ses propositions pour construire le mouvement ou affiner ses revendications n’a jamais été présentée comme un ultimatum à prendre ou à laisser mais comme une contribution au débat.

Réprimer l’activité politique, une attitude antidémocratique et dangereuse face aux divergences

Lors de l’Assemblée générale du 18 mars, une polémique a émergé concernant la lutte contre le racisme. Nous reviendrons sur ce thème dans un prochain texte, sur base de l’expérience acquise par EGA/ALS des années ‘90 et ses campagnes Youth Against Racism in Europe et Blokbuster jusqu’à aujourd’hui avec la campagne Fight Racism With Solidarity lancé à l’occasion de la nouvelle vague du mouvement Black Lives Matter en 2020. Nous voulons prendre le temps de débattre en profondeur de la lutte cruciale contre l’oppression et les discriminations, du programme qui lui est nécessaire ainsi que de sa stratégie. Une question aussi importante ne peut être réglée à la va-vite. Nous espérons que cela pourra donner lieu à un échange de textes et, pourquoi pas, à un débat public, ou une série de débats publics.

Hélas, il n’a fallu que quelques jours pour qu’une Assemblée convoquée en moins d’une journée, avec la participation de 24 personnes à peine, décide (à 20 voix contre 4) que Jeunesse en Lutte excluait tous les cercles étudiant.e.s et les organisations de jeunesses de ses rangs, interdisait dans ses rassemblements les drapeaux ou les tracts d’organisations et interdisait même de « représenter le point de vue de son organisation/cercle/parti en Assemblée générale ». Comment pourrait-on prendre la parole en AG en mettant de côté ses convictions politiques ? C’est impossible sauf en se taisant. Et c’est bien de cela dont il est question.

Il s’agit d’une très grave atteinte à la liberté de s’organiser et à la liberté de la presse. Elle bafoue le courageux combat des étudiant.e.s et des travailleurs.euses de 1968 qui avait permis d’arracher le droit de s’organiser librement dans les universités. Ce genre de restrictions, la société capitaliste n’a pas encore osé l’imposer aux mouvements sociaux depuis que la classe ouvrière a arraché le droit de se réunir librement et de s’organiser comme elle l’entend ainsi que la liberté de la presse, malgré les tentatives visant à instrumentaliser la crise sanitaire pour limiter les droits démocratiques.

Le comble étant que cette approche autoritaire au sein de Jeunesse en Lutte provient d’un courant politique spécifique, l’anarchisme, qui cherche ainsi à imposer sa prétendue hostilité aux formes d’organisation qu’il estime concurrentes. «Prétendue», car ce courant est organisé au sein Jeunesse en Lutte, au même titre qu’EGA, à la différence que nous le faisons ouvertement et publiquement.

Imaginons un instant que le gouvernement impose un contrôle des pancartes, banderoles, drapeaux et tracts lors de manifestations syndicales. Ce serait considéré – à juste titre – comme une mesure anti-démocratique. Imaginons que les dirigeants syndicaux imposent un contrôle des banderoles, pancartes, drapeaux et tracts lors des actions syndicales. Ce serait considéré – à juste titre à nouveau – comme une mesure bureaucratique inacceptable.

Construire l’unité et la solidarité

Pour le mouvement ouvrier, le fait de s’organiser est une nécessité absolue. Il lui serait sans cela impossible de se battre contre les capitalistes qui disposent de tous les moyens. Les capitalistes préfèrent évidement affronter chaque travailleur.euses individuellement. Ce n’est pas sans raison qu’ils défendent que les organisations syndicales et politiques instrumentalisent les travailleurs.euses et limitent leurs possibilités pour ne servir que les fainéants. Le patron a horreur du « syndiqué » de la même manière que celui qui accentue le rôle de l’individu plutôt que celui de la classe a horreur de « l’organisé ».

La nature du travail salarié, surtout dans les grandes unités de production, pousse à la solidarité et à l’organisation. Il est apparu de plus en plus clairement dans l’histoire que se libérer en tant qu’individu ne peut être réalisé qu’au moyen de l’organisation collective. La collectivité étant diverse par essence – croyants et athées, d’origine belge ou migrante, jeunes et aînés, etc. – l’objectif de parvenir à l’unité impose le respect de la liberté d’expression de chacun et chacune, sans limitations et sans encadrement similaire à celui qu’ont par exemple subi les journalistes durant la guerre en Irak ou les syndicats à l’ère du stalinisme.

Aucun mouvement ne connaît d’homogénéité parfaite. Et bénéficier de l’expérience de toutes et tous représente évidemment une chance. Pour construire un rapport de forces favorable, l’unité du mouvement pour frapper plus fort tous ensemble est évidemment plus efficace que d’agir chacun et chacune dans son coin. Cette unité ne se construit pas qu’entre convaincus d’une même approche, mais dans la diversité d’opinions. La liberté de donner son avis (et donc la liberté de matériel politique et la liberté de la presse) en constitue un élément essentiel.

Les manœuvres politiques et la censure ne peuvent que constituer un frein au développement d’une lutte. C’est justement en défendant ouvertement ses idées qu’il est possible d’avancer. L’unité se construit dans la diversité, par la solidarité, pas en encadrant ou en limitant les droits des autres. Cette manière de considérer l’unité comme une camisole de force est semblable à la logique de parti unique des staliniens ou à l’interdiction de s’écarter de la ligne définie par la bureaucratie syndicale. La décision prise à l’AG du 22 mars représente un dangereux précédent pour les mouvements de la jeunesse autant qu’une attaque directe et honteuse contre des droits démocratiques essentiels pour la lutte. Jeunesse en Lutte doit revenir sur cette décision au risque de mettre en péril son propre développement dans la construction d’un rapport de force contre l’isolement, la précarité étudiante et pour un refinancement massif de l’enseignement.

Revenir sur cette décision doit également permettre de débattre sereinement et largement de l’avenir du mouvement. A ce titre, nous estimons crucial de travailler à son élargissement, par le biais de comités locaux qui peuvent s’impliquer dans la discussion sur le programme politique nécessaire et mobiliser avec vers de nouvelles Assemblées générales et rassemblements.

En ce qui concerne, nous allons bien entendu continuer à nous impliquer dans ce combat. Nous organisons notamment un rassemblement de solidarité avec la grève du front commun syndical à Liège ce 29 mars (13h, place du XX Août), nous serons également présents au rassemblement organisé par Jeunesse en lutte à l’ULB ce même jour (16h, Solbosch).

Nous vous invitons par ailleurs à notre meeting national “TO CHANGE THE SYSTEM, LET’S ORGANISE”.

 

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