La taxe kilométrique « SmartMove » déposée par le gouvernement bruxellois (PS-Ecolo-Défi-OpenVld-Sp.a-Groen) en décembre dernier pour entrer en vigueur en 2022 a fait couler beaucoup d’encre. En l’absence d’alternative crédible à la voiture pour se rendre au travail, la note sera très salée, navetteur ou non : entre 180 et 2.000€ par an selon la FGTB-Bruxelles. Même l’étude commandée par le gouvernement bruxellois parle d’un impact financier négatif pour absolument toutes les catégories.
Par Boris (Bruxelles)
SmartMove renoue avec la tradition des écotaxes socialement injustes présentées comme étant progressistes. Elle viserait les plus hauts revenus puisqu’elle revient plus cher pour les grosses cylindrées ? Faux. Cette taxe ne représente pas grand-chose pour les plus riches qui souhaitent se balader en grosse cylindrée ou en voiture de luxe. En réalité, plus les revenus sont faibles, plus cela est proportionnellement douloureux. Quant aux Bruxellois, l’abolition de la taxe de mise en circulation et de la taxe de circulation ne compenseront pas les nouveaux frais. L’autre moitié des travailleurs à Bruxelles, les navetteurs, sera doublement taxée : via leur lieux de travail et via leur domicile.
SmartMove vise à changer les comportements automobiles de manière à diminuer le nombre de kilomètres parcourus par des véhicules à Bruxelles de 7,7%, dont une diminution de 11% en heure de pointe pour réduire les embouteillages de 30%. Le rapport précise que cette baisse serait principalement réalisée par des Bruxellois et non des navetteurs. Les métros et les trams ne sont-ils pas déjà bondés en heure de pointe ? Des investissements sont prévus à la Stib, mais ils sont largement insuffisants pour répondre aux nouveaux besoins d’un réseau déjà saturé. Pour les navetteurs, aucune alternative crédible en vue non plus. La fin des travaux du RER n’arrivera pas avant 2031. Faute d’investissements publics massifs dans l’infrastructure et le transport public, l’objectif de passer de 20% à 40% de navetteurs utilisant les transports en commun en 2030 est un rêve.
SmartMove bénéficierait aux Bruxellois les plus pauvres puisqu’ils ne disposent pas d’une voiture et vivent dans les quartiers les plus touchés par la pollution de l’air ? 46% des ménages bruxellois ne disposent d’aucune voiture et ce chiffre grimpe à 68,8% pour les ménages qui ont moins de 1.000€/mois de revenus. L’argument est terriblement cynique au regard de la politique établie, synonyme d’appauvrissement collectif. La pauvreté est la première cause des problèmes de santé, ce qui vient à nouveau d’êtres illustré par le taux de surmortalité face au Covid. La pollution de l’air, un immense problème de santé publique, est causé pour 30% par la circulation automobile. Notre opposition à SmartMove n’implique pas que nous soyons favorables au tout-à-la-voiture, principe autour duquel Bruxelles a été conçue. Il est regrettable que Greenpeace ait défendu dans le mouvement pour le climat une proposition de taxe injuste via un péage urbain à Bruxelles. Cela ne traduisait en rien le sentiment des jeunes dans les grèves scolaires : ils ne défendaient pas un capitalisme vert mais revendiquaient un changement de système : system change not climate change !
Cette taxe kilométrique permettrait de rapporter 200 millions d’euros supplémentaires au budget annuel de la Région. L’opposition à cette taxe de la part des politiciens flamands et wallons ainsi que des organisations patronales pue l’hypocrisie. Aucun d’eux ne s’oppose en réalité à une nouvelle fiscalité automobile injuste pour les travailleurs. Les organisations patronales veulent un système harmonisé sur l’ensemble du pays et surtout que les employeurs n’en fassent pas les frais. De leur côté, avec le centre de gravité qui a glissé de plus en plus vers les Régions, chaque politicien traditionnel se base sur son propre électorat. L’idée même d’une taxe injuste n’est pas combattue, ce qui pose problème, c’est le glissement d’une partie de la fiscalité automobile de la Flandre et de la Wallonie vers Bruxelles.
C’est aux employeurs de payer intégralement le coût des déplacements des travailleurs entre le domicile et le lieu de travail. Nous défendons des solutions collectives comme alternative à la voiture grâce à un plan radical d’investissements publics dans l’infrastructure et les transports en commun, sans présenter la facture ni aux Bruxellois, ni aux navetteurs, mais aux plus riches qui ont profité de quatre décennies de transfert de moyens publics vers leur coffre-fort.