Plusieurs collectifs de sans-papiers occupent depuis dimanche l’église du Béguinage, située place Sainte-Catherine dans le centre de Bruxelles. Ils réclament un véritable dialogue avec les autorités et la possibilité de pouvoir travailler légalement. Nos camardes sans-papiers sont actifs dans ce mouvement et les membres de la campagne Solidarity du PSL sont intervenus à la première assemblée du comité de soutien.
Par Pietro (Bruxelles)
Le mouvement
Depuis ce dimanche 31 janvier 2021, l’église du Béguinage est occupée par plusieurs collectifs de personnes sans-papiers. La revendication principale est une régularisation de leur situation et le droit de travailler légalement.
Cette occupation par les sans-papiers vise à attirer l’attention des autorités bruxelloises, surtout le ministre président Vervoort (PS) et le ministre de l’emploi Clerfayt (Défi) en terme d’accès au permis de travail, et surtout des autorités fédérales, le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la migration Mahdi ( CD&V) pour la demande de régularisation.
Le choix d’occuper cette église n’est pas anodin puisque l’église du Béguinage a été un lieu symbolique qui a fait l’histoire du mouvement de sans-papiers dans la capitale. En 2009 plusieurs occupations ont été mises en place à partir du Béguinage. Une grève de la faim entamée par 200 sans-papiers dans l’église est passé à l’histoire comme un de moment les plus dur du mouvement.
Sur leur page Facebook de l’« Occupation politique 2021 », les occupants se définissent comme les oubliés du confinement. Les autorités politiques et le conseil national de sécurité n’ont rien fait pour trouver une solution et leur offrir un statut pendant cette période de pandémie.
200 personnes occupent en ce moment l’église, mais sur la liste d’accueil sont inscrites plus de 1000 personnes. Beaucoup d’entre elles sont ici en Belgique depuis plus de 10 ans. Aujourd’hui, l’absence de réponse du nouveau gouvernement ainsi que la crise économique qui touche les couches les plus pauvres et précarisées de la société est en train de transformer le désespoir en colère. Les collectifs dénoncent également la politique sévère et inhumaine envers les sans-papiers. Ils expliquent que cette action est entièrement pacifique et que l’occupation est un acte politique.
La dénomination politique de l’occupation démontre un pas en avant dans la conscience du mouvement des sans-papiers. La cause principale de cet avancée dans la lutte est bien entendu la crise économique qui frappe durement l‘économie informelle. Beaucoup des travailleurs sans papiers ont perdu leur travail au noir, et leur logement par conséquent, et ils se retrouvent aujourd’hui à la rue. Malgré cela, les sans-papiers ont qualifié cette occupation de politique afin de souligner l’importance de la lutte pour la régularisation et de mettre un coup de pression en plus sur la classe politique et la classe dominante.
Un autre élément important du changement de la conscience dans le mouvement est qu’on constate la forte présence de revendications liées au travail et à l’accès au marché de l’emploi. Ceci démontre que, depuis 2009, les sans-papiers ont toujours travaillé au noir, exploités dans l’économie informelle et abandonnés par les autorités au chantage des patrons qui les exploitent. La pandémie a aggravé toutes les contradictions présentes auparavant et elle a eu un impact sur la conscience des travailleurs, surtout dans les secteurs plus essentiels. Les sans-papiers aussi ont travaillé dans les secteurs essentiels tels que les soins aux autres (le care), dans le nettoyage et dans la petite distribution, sans aucune protection et sans réelle possibilité de dépistage. Ceci a permis le développement d’une conscience de classe. « Nous voulons avoir la chance de travailler, par exemple dans des secteurs où l’on manque de main-d’œuvre. Nous en avons marre de cette vie », a résumé un porte-parole des sans-papiers, dont la situation est encore compliquée par la crise sanitaire et sociale.
La politique de l’autruche du secrétaire d’état
Mercredi, les collectifs des sans-papiers ont, à juste titre, lancé un appel aux autres églises, mosquées, synagogues et lieux de culte de la capitale pour qu’ils accueillent également les militants et les soutiennent dans leur lutte.
Le secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Sammy Mahdi (CD&V), a réagi avec mépris à l’ensemble des revendications des sans-papiers et à l’appel à occuper également d’autres églises et mosquées. « Cela n’a aucun sens. Il n’y aura pas de vague de régularisation générale », a-t-il déclaré mercredi. « On ne me fera pas de chantage. »
Le secrétaire d’Etat fait comme si ces personnes n’existaient pas. Il nie la réalité de 100.000 travailleurs sur le territoire belge. Pour résoudre une situation, il faut la situer au bon niveau d’analyse : il n’est évidemment pas question ici de chantage, mais bien de la situation de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui survivent dans des conditions indignes et pour lesquelles des solutions, nécessairement collectives, doivent être apportées ! Il s’agit du rapport de force que les sans-papiers ont été capables de faire monter sur les responsables politique.
Les solutions passeront nécessairement par l’octroi d’un titre de séjour ! C’est nécessaire pour lutter contre le dumping social, pour lutter contre la mise en concurrence des travailleurs et pour garantir une meilleure condition de travail pour tous les travailleurs belges !
L’accès au travail est réservé aux personnes qui vivent légalement en Belgique ou aux personnes de l’étranger qui cherchent un emploi en Belgique, explique-t-il en justifiant la politique de division et de mise en concurrence prônée par ce gouvernement. « Les personnes qui n’ont pas le droit de rester ici doivent retourner dans leur pays d’origine », souligne Mahdi. Le gouvernement peut aider dans ce domaine, dit-il.
À nouveau, le secrétaire d’Etat met l’accent sur la politique des retours sans expliciter qu’aujourd’hui les ambassades sont fermée, le trafic aérien très limité et que les retours sont de plus en plus difficiles et très chers.
Le CD&V a peur de perdre encore une fois de plus des plumes à sa droite en faveur du VB et de la NVA. C’est pourquoi il défend la politique migratoire du gouvernement précédent. Ni ECOLO ni le PS veulent mener vraiment la bagarre au sein du gouvernement sur cette thématique. De cette façon, ce gouvernement va encore plus ouvrir les portes à la monté de l’extrême droite. Nous devons faire tout le contraire, résoudre les énormes inégalités dans la société et arrêter la politique de diviser pour mieux régner.
Nos méthodes et notre programme
Une centaine de personnes étaient présentes mardi soir à l’assemblée du comité de soutien à l’occupation politique de l’église du Béguinage. Les militants sans papiers du PSL ont défendu la nécessité d’organiser politiquement les collectifs dans l’occupation et d’élargir le mouvement.
Nous devons organiser des assemblées générales journalières pour discuter à chaque étape de la lutte et du prochain pas à franchir. À partir de cette assemblée générale, il faut essayer d’élargir le mouvement. Un premier pas pourrait être d’écrire une motion de solidarité au mouvement des sans papiers et en faveur de la régularisation afin de la faire signer par des associations et des structures syndicales. Cela pourrait servir à lier des contacts en Flandre par exemple. Elargir le mouvement au nord du pays est une étape cruciale. Cette motion pourrait également être soumise aux délégations syndicales pour faire le lien avec la lutte autour des salaires et de l’Accord interprofessionnel (AIP) et défendre l’augmentation des salaires en la combinant à la revendications d’emplois de qualités pour toutes et tous dans le cadre du combat contre le dumping social. Cette motion pourrait être proposée aussi aux mouvements étudiants pour y construire la solidarité et les faire rentrer dans la lutte en lançant des comités de soutien dans les universités et hautes écoles.
Pour faire plier le gouvernement, nous devons nous allier aux jeunes et aux travailleurs qui payent aussi les conséquences désastreuses de cette crise sanitaire et sociale.
Il est possible d’élargir le mouvement à d’autres occupations, de construire d’autres assemblées générales des sans-papiers et d’activer les collectifs et les occupations qui existent déjà mais aussi de politiser des occupations qui l’étaient moins. Il nous faut une coordination de tous les collectifs élue démocratiquement par les militants de de la base dans les occupations. Pour éviter que le mouvement tombe dans le désespoir et dans la méthode ultime de la grève de la faim, les militants sans papiers du PSL sont tous les jours sur le terrain et tentent de politiser les discussions avec les occupants, d’organiser des assemblés générales pour discuter des revendications et de la stratégie nécessaires pour construire un mouvement large.
Un autre aspect important à prendre en compte est constitué des risques sanitaires liés à l’occupation et à la peur qui pourrait se développer dans la population à cause du manque de respect des mesures sanitaire. Nous avons souligné la nécessité de tester tous les occupants et d’organiser un service de sécurité au sein de l’occupation. Une chambre de quarantaine a été instituée pour isolé une personne présentant des symptômes. C’est la politique du gouvernement qui nous met tous en danger. Comment peut-on combattre efficacement la pandémie en laissant les membres les plus vulnérables de notre société sans aucune protection sanitaire et légale ?
La régularisation de toutes les personnes sans-papiers doit être une première étape pour garantir la santé et les droits de tout le monde et lutter pour de meilleures conditions de vie et de travail. Nous devons continuer à lier la lutte des sans-papiers avec les combats des travailleurs.ses et des étudiants.es et nous organiser ensemble pour le renversement de ce système économique fondé sur la discrimination et l’exploitation.
C’est tout le système qui est coupable ! Nous devons condamner la politique d’asile meurtrière et les violences policières racistes qui terrorise nos communautés. Nous devons nous organiser pour défendre un programme de revendications sociales capable de combattre la marginalisation, la pauvreté et l’exploitation. La régularisation doit être centrale dans nos revendications, pour garantir l’égalité des droits aux membres les plus vulnérables de notre société. Combattons le racisme, le sexisme et toute autre forme de discrimination et exploitation avec la solidarité !
C’est pour ça que nous revendiquons :
- Régularisation immédiate et permanente de toutes les personnes sans-papiers!
- Jamais plus d’impunité policière ! – Stop à la criminalisation des sans-papiers !
- Des solutions sociales pour les problèmes sociaux : il faut des investissements dans l’enseignement, les soins de santé, les logements et les salaires plutôt que dans la répression policière. Taxons les riches au lieu de tirer sur les pauvres !
- Malcolm X a dit : “Il n’y a pas de capitalisme sans racisme”. Nous devons combattre le système capitaliste, un système d’exploitation économique pour la majorité au profit d’une infime élite.