Austérité et tragédies grecques, en Belgique aussi ?
Le plan de Di Rupo Ier pour aller chercher 11,3 milliards d’euros en priorité chez les travailleurs âgés, les chômeurs et les malades n’est pas encore d’application que la prochaine vague s’annonce déjà. Au cours du contrôle budgétaire de début mars, le gouvernement fédéral a parlé d’aller saisir deux milliards d’euros supplémentaires. Toucher à l’indexation, augmenter la TVA, instaurer une cotisation sociale généralisée et une nouvelle déclaration libératoire ‘‘unique’’ pour rapatrier de l’argent noir… Toutes ces mesures sont discutées. L’année prochaine, il sera à nouveau question de 12 milliards d’euros et, les deux années suivantes, d’encore 25 milliards ‘‘pour faire face au vieillissement’’. Entre temps, les gouvernements régionaux vont nous tomber dessus, suivis par les autorités communales après le mois d’octobre. Telle une avalanche, l’austérité arrivera de tous les côtés.
Par Eric Byl
Selon les politiciens, ces mesures sont nécessaires pour nous protéger de l’orage économique dont l’épicentre se situe au beau milieu de l’eurozone. Les banques et autres spéculateurs se sont aventurés bien au-delà de la zone de sécurité avec le crédit toxique. Les autorités ont dépensé des milliards d’euros pour les tenir à flot et se sont porté garantes de montants bien plus importants. La Belgique s’est portée garante pour 130 milliards d’euros, principalement pour Dexia. Si ces garanties sont utilisées, nous serons alors en pleine tragédie grecque. Mais même sans ce scénario, l’avalanche d’austérité démolira ce qui nous avait évité le pire : notre sécurité sociale et l’indexation des salaires.
Avec le dossier de cette édition (en page 8 et 9), nos lecteurs pourront prendre connaissance des conditions inhumaines imposées à la classe ouvrière et aux classes moyennes grecques. Le compromis n’est plus possible : il faut résister ou prendre la fuite, par l’émigration si possible, mais d’autres cherchent refuge dans la drogue, ou se suicident. Les allocations et les salaires ont été réduits de 30% en moyenne. L’économie n’est toutefois pas devenue plus compétitive pour autant, bien au contraire, elle s’est contractée de 15% depuis le début de la crise. A cela s’ajoutera encore une croissance économique négative de l’ordre de 4 à 7% pour cette année.
Plus de 3 millions de Grecs (sur 11 millions) connaissent déjà la pauvreté, avec des revenus inférieurs à 7.000 € par an. De plus en plus de gens font la queue aux soupes populaires ou aux polycliniques des Médecins du Monde car ils ne sont plus couverts par la sécurité sociale ou sont simplement dans l’impossibilité de payer la facture de soin minimale. Ces deux dernières années, 200.000 entreprises ont fermé leurs portes.
Les mesures d’austérité n’ont pas marché. La dette publique qui était de 129% du PIB en 2009 dépasse actuellement les 160% tandis que le déficit budgétaire est toujours de 10% du PIB. Après des années d’intérêts usuriers, les banques acceptent désormais que leurs obligations grecques ne valent désormais plus que 30% de leur valeur nominale. En échange de plus d’austérité drastique, la troïka a accepté de prêter encore 130 milliards d’euros à la Grèce. Mais même selon ses propres calculs – qui sous-estiment toujours le frein sur la croissance que constitue l’austérité – la dette publique grecque sera toujours de plus de 120% en 2020. En Italie, il n’en a pas fallu autant pour éjecter Berlusconi et imposer sans le moindre suffrage le technocrate Mario Monti. Même l’Union européenne admet que son plan ne sauvera pas la Grèce de la faillite mais ne fera que gagner du temps.
La Commission reconnait aujourd’hui que l’Union subira cette année une baisse économique de 0,3%. Les pays où l’austérité est la plus forte vont enregistrer leur plus grande chute économique. Dans la zone euro, seule l’Allemagne (+0,6%) et la France (+0,4%) connaîtront encore une relative croissance économique, mais seulement grâce à l’afflux de capitaux en fuite vers des lieux plus sûrs. En dehors de la zone euro, l’économie polonaise connaîtra une croissance grâce aux travailleurs polonais qui reviennent au pays et quittent l’Europe occidentale. Aucune relation positive de cause à effet n’a pu être établie entre l’austérité et la croissance. L’idée selon laquelle l’austérité est capable de redresser l’économie et de sécuriser l’avenir des jeunes est un écran de fumée qui sert uniquement à masquer la cupidité des patrons et des politiciens. On stoppe mieux une avalanche d’austérité en s’y prenant dès le début. Ceux qui pensent qu’il faut s’y opposer doivent le faire sans plus attendre.
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