17 syndicalistes condamnés à Liège. Il faut une grande campagne pour défendre le droit de grève !

Ce 1er décembre, la FGTB avait organisé des arrêts de travail consacrés à la condamnation de 17 syndicalistes pour « entrave méchante à la circulation ». Il s’agit très d’une atteinte sans équivoque aux libertés syndicales et d’un dangereux précédent pour tous les mouvements sociaux.

Retour sur les événements

La condamnation survenue ce 23 novembre constitue une attaque contre le droit démocratique à l’action collective. Le tribunal de Liège a condamné 17 syndicalistes de la FGTB – parmi lesquels Thierry Bodson, aujourd’hui président de la FGTB et à l’époque secrétaire général de son Interrégionale wallonne – pour avoir participé à un blocage routier effectué dans le cadre de la grève du 19 octobre 2015. A l’époque, les événements avaient donné lieu à une monumentale vague de propagande anti-grève dans les médias dominants. Les militants ont été condamnés à des périodes allant de 15 jours à un mois de prison (avec sursis) et des amendes relativement sévères pour action de grève. Toutes les autres charges ont été abandonnées.

La clinique CHC Hermalle avait notamment déposé plainte pour l’homicide involontaire d’une touriste danoise qui n’avait pas survécu à une opération tardive, prétendument suite au blocage organisé par des militants de la FGTB. A l’époque, très peu de monde avait attiré l’attention sur le fait que l’hôpital n’avait pas jugé utile de prendre des mesures à l’occasion de la grève, en s’appuyant sur le fait que la CSC n’y participait pas. Les médias n’avaient bien entendu pas saisi cette occasion pour alimenter le débat sur la médecine par prestation, qui entrave pourtant ouvertement la collaboration entre divers hôpitaux et médecins spécialistes. D’autre part, les embouteillages étaient quotidiens à cet endroit, qu’il y ait grève ou non, en raison du chantier du CHC. Ce 19 octobre 2015, d’ailleurs, les grévistes y avaient découvert des travailleurs indiens exploités et vivant dans des containers.

Finalement, la responsabilité de ce décès a débouché sur un non-lieu. On avait encore accusé les syndicalistes de dégradations de la voie publique et sur ce point également ils ont été disculpés. C’est finalement leur seule présence sur les lieux du barrage routier bien après que ce dernier ait été érigé, qui a conduit aux condamnations en se servant de la notion « d’entrave méchante à la circulation ». C’est en instrumentalisant cette même notion que le tribunal correctionnel d’Anvers a condamné en 2018 le président de la FGTB d’Anvers, Bruno Verlaeckt, dans le cadre d’une grève 2016. Force est de constater que la justice de classe ne connaît pas de frontière linguistique…

Une évolution inquiétante

En 1997, les syndicalistes des Forges de Clabecq avaient eux aussi bloqué une autoroute, des images devenues depuis lors symboles d’un syndicalisme de lutte. Le tribunal de Nivelles avait décidé des non-lieux et des suspensions du prononcé puisqu’il considérait cette manifestation comme relevant de l’exercice du droit de grève.

Mais il y a eu une très nette évolution de la jurisprudence depuis lors, tout particulièrement depuis l’extraordinaire mouvement de l’automne 2014. Le mouvement ouvrier avait alors démontré quelle est encore l’étendue de sa force en Belgique, avec une succession de dates annoncées ensemble. Ce plan d’action de 3 phases avait connu la plus grande manifestation syndicale depuis 1986, une série de grèves provinciales qui avait rencontré le succès tant au Sud qu’au Nord du pays et enfin une grève générale national le 15 décembre qui avait bloqué le pays avec toute la force de l’élan que ce plan audacieux lui avait donnée. Le camp patronal avait été autant effrayé que les travailleurs avaient été enthousiasmés. Ce n’est qu’en raison des hésitations dans les sommets syndicaux que ce gouvernement à la botte du patronat était resté en place.

Parmi les grands patrons et leurs employés politiques, la leçon a été comprise. Depuis lors, les recours aux actions judiciaires dans le but de pénaliser le droit de grève sont devenus beaucoup plus nombreux. Et la DH vient de révéler que le MR travaille actuellement sur une loi visant à « encadrer le droit de grève » afin de ne plus permettre la mise en place de piquets bloquants. Il serait également question d’exiger que les syndicats aient une personnalité juridique, une vieille revendication de la droite et de l’extrême droite qui vise à pouvoir noyer les syndicats sous une pluie de plaintes pour chaque trouble causé par une grève.

Une réaction à la hauteur des enjeux !

Les arrêts de travail lancé par la FGTB ce 1er décembre constituent le premier mot d’ordre d’ensemble depuis le début de la pandémie. Il y aurait pourtant largement eu matière à procéder de la sorte pour discuter des mesures sanitaires à adopter sur le lieux de travail et pour rassembler les diverses luttes qui ont eu lieu contre l’inaction du patronat. Pensons qu’il a fallu une dizaine de journées de grèves à AB-Inbev pour arracher de nouvelles mesures sanitaires après qu’une dizaine de travailleurs aient été contaminés ! De la même manière, les directions syndicales ont décidé de passer à côté de la manifestation nationale du groupe d’action militant La Santé en Lutte le 13 septembre dernier, alors que la pertinence des revendication du personnel soignant n’est plus à démontrer aujourd’hui.

Cette nouvelle attaque sur le droit de grève ne peut pas passer tout simplement. Il ne s’agit pas seulement de cette seule série de condamnation, il s’agit du droit à l’action collective de chacun d’entre nous. Une campagne nationale sérieuse contre cette condamnation politique est nécessaire. Nous ne préserverons pas le droit à l’action collective simplement en en parlant ou en l’écrivant sur les réseaux sociaux : nous devons faire usage de nos droits pour les préserver. Afin d’impliquer des couches plus larges de travailleurs dans l’action, les actions à venir doivent être bien préparées et bien construites. Une véritable campagne d’information visant à mobiliser, y compris pour des grèves, ne peut plus attendre.

Une nouvelle journée d’action est prévue le 10 décembre, Journée internationale des droits humains. Ce jour-là, la FGTB fera appel de la condamnation et il y aura plusieurs actions contre l’atteinte au droit de grève. Cela pourrait être un bon point de départ pour une campagne d’information qui repose sur des actions avec le large soutien de l’ensemble du mouvement ouvrier.

Nous vivons des temps incertains, mais nous savons déjà une chose : les patrons et leurs marionnettes politiques vont essayer de nous faire supporter les coûts de la crise sanitaire et de la crise économique. La défense de notre droit de grève est une priorité absolue et cela ne se fera pas uniquement par des actions symboliques.

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