La réforme des retraites illustre le choix à faire : Un syndicalisme de concertation et de service ou un syndicalisme de combat et démocratique ?

En dépit de la promesse de ne pas se contenter de points et de virgules, les dirigeants syndicaux ont organisé l’atterrissage du mouvement contre la réforme des retraites avec le gouvernement et les patrons. Pour les dirigeants du front commun syndical, la page est tournée. Désormais, nous travaillerons plus longtemps pour accéder à la retraite. Si nous ne voulons pas être totalement plumés lors des prochaines vagues d’austérité, il faudra que les trois millions de syndicalistes mettent un peu d’ordre en interne. Devons-nous nous satisfaire de soins palliatifs, d’un syndicalisme de concertation et de services, ou allons-nous nous battre pour disposer de syndicats combatifs et démocratiques ?

Par Eric Byl

Pour les travailleurs des professions lourdes, les invalides, ceux que le travail de nuit concerne, et les personnes âgées entre 57 et 61 ans, les concessions arrachées au gouvernement par la grève du 30 janvier répondent à des préoccupations réelles. Cela démontre que la lutte paie. Nous sommes surpris que le gouvernement soit aussi rapidement revenu sur ces mesures. C’était probablement déjà calculé à l’avance. Mais ce qui nous surprend et nous consterne encore plus, c’est que le front commun syndical s’en est satisfait et a clôturé le dossier. Qu’en est-il des pilotes de navires, des gardiens de prison et des pompiers ? Doivent-ils se démerder seuls ? Pour tous ceux qui ne font pas partie des exceptions citées ci-dessus, l’issue de la concertation laisse un goût amer.

N’était-ce pas l’objectif d’empêcher que les travailleurs paient encore la crise bancaire ? Nous proposions une alternative : 10 à 20 milliards d’euros par une lutte réelle contre la fraude fiscale, 5,4 milliards par l’abolition des intérêts notionnels, 9 milliards en mettant fin aux cadeaux fiscaux aux entreprises, et puis des taxes supplémentaires sur les profits d’Electrabel et sur les transactions boursières. Cela rapporterait beaucoup plus que les 11,3 milliards que Di Rupo Ier collecte chez les retraités, les malades et les chômeurs. La révision budgétaire de mars aurait été superflue, tout comme les spéculations sur l’index, sur la TVA, sur une cotisation sociale généralisée ou sur une déclaration libératoire ‘‘unique’’ destinée à rapatrier de l’argent noir.

Une manifestation de masse combative le 29 février dernier (journée d’action de la Confédération Européenne des Syndicats) aurait pu montrer à toute l’Europe que nous étions sérieux en parlant d’alternative. Nous aurions pu répondre aux menaces de licenciements, de fermetures ou de délocalisations par un appel à la nationalisation de ces entreprises, tout comme à ArcelorMittal. Si tout le mouvement syndical avait été ainsi mobilisé, cela aurait en outre inspiré les travailleurs à travers l’Europe et poussé les dirigeants européens à revoir leur politique de casse sociale. Les actions symboliques devant les bureaux de la Banque Nationale et la présentation solennelle du cahier de revendications de la CES aux dirigeants européens est aussi inutile que ne l’a été cette action pour des euro-obligations sur la place Schuman, le jour de la grève générale du 30 janvier.

L’attitude des dirigeants syndicaux n’est pas proportionnelle à la guerre de classe que livrent le gouvernement et le patronat, qui ne souhaitent pas de compromis honorable. Trop longtemps, les dirigeants syndicaux ont étés entraînés dans la logique néolibérale par les politiciens sociaux et chrétiens – démocrates. Cela explique notamment la politique spéculative d’Arco, la coopérative du mouvement ouvrier chrétien.

Sur 17,3 milliards d’euros de déduction des intérêts notionnels accordés en 2009, seulement 5% l’étaient pour les PME. Cela nuance l’utilisation qui en a été fait par la société de la famille de Rudy De Leeuw, le président de la FGTB. Bien sûr, il s’agissait d’une attaque orchestrée, mais n’aurions nous pas pu être en droit d’attendre un peu plus de fermeté sur les principes de la part d’un dirigeant syndical ?

Les dizaines de milliers de syndicalistes méritent une direction à leur image, une direction démocratiquement élue qui s’engage quotidiennement pour ses membres sans gain personnel, qui est droite dans ses bottes, qui négocie sur base de la construction d’un rapport de force, au lieu de parlementer et de soumettre les résultats à la base.

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