Débat : “Karl Marx est dans l’auditoire”

Mettez face à face dans la même salle un délégué syndical de la FGTB et un représentant de l’organisation patronale flamande Voka, et vous aurez des étincelles. Ce 23 février, les Etudiants de Gauche Actifs avaient organisé un débat entre partisans et adversaires de la grève générale du 30 janvier dernier. Face à une audience d’environ 150 personnes, le débat fut agité.

Rapport par Thomas K, photos par Max G

A la tribune, la gauche était représentée par Bart Vandersteene (du PSL), Thomas Decreus (un philosophe politique de l’Université de Louvain) et Sven Naessens (délégué FGTB à Total). Leurs adversaires de droite étaient Nick Roskams (de Students for Liberty, auteur d’une ‘‘lettre ouverte’’ au président de la FGTB Rudy De Leeuw très critique et largement relayée dans la presse flamande), Geert Moerman (directeur général de l’organisation patronale flamande Voka) et enfin Marc De Vos, de l’institut libéral Itinera.

Geert Moerman et Sven Naessens se sont particulièrement affrontés. La discussion était déjà animée concernant la grève pour franchir un nouveau cran au sujet des mesures anti-crise, surtout vis-à-vis de la sécurité sociale. Ce qui pour Geert Moerman n’est qu’un hamac pour paresseux est pour Sven Naessens le dernier filet auquel peuvent s’agripper des milliers de personnes en difficultés.

Il y a aussi eu des moments très drôles, comme lorsque Nick Roskams a voulu illustrer que ce sont ‘‘les entrepreneurs qui créent les richesses’’. Il a posé une question rhétorique, ‘‘Qui construit les entreprises?’’, sans véritablement attendre de réponse. Il était clair de son intervention qu’il pensait aux ‘‘entrepreneurs’’ utilisant leur capital pour lancer une société. Mais quelqu’un l’a devancé depuis la salle et dit d’une voix claire : "ce sont les travailleurs".

Bart Vandersteene a poursuivi dans cette ligne en suggérant d’adopter une approche marxiste, et de partir du fait que ce sont bien les travailleurs, la force de travail, qui créent de la valeur. Mais le débat a véritablement éclaté autour des causes de la crise économique actuelle. L’exemple de la Grèce illustre très clairement que la politique néolibérale conduit à un appauvrissement collectif massif.

Pour Nick Roskams et Geert Moerman, cette vision des choses est totalement dépassée, le mot ‘‘capitaliste’’ voulant d’ailleurs signifier aussi peu que cette idée des 1% contre les 99%, telle que mise en avant par le mouvement Occupy Wall Street. Mais le marxisme n’était pas le terrain sur lequel ils se sentaient le plus à l’aise, et ils se sont tournés vers les syndicats. Selon eux, les syndicats ne représentent même pas 10% des travailleurs. Mais lorsqu’on leur a demandé s’ils savaient comment les décisions étaient prises au sein de la FGTB, ils n’ont pas pu répondre. Marc De Vos a décrit la crise à l’œuvre en Grèce comme la conséquence de leur culture ‘‘malade’’, où règnent la corruption et le clientélisme. Le fait que les économies budgétaires étranglent littéralement les Grecs n’a pas été pris en considération.

Marc De Vos s’est par la suite fendu d’un tweet magistral : ‘‘Karl Marx est vivant, il se trouve dans l’auditoire D. La nuance est morte.’’ Oui, Marx avait tendance à être gênant, et ses idées le sont toujours. Pour beaucoup de patrons et pour tous les défenseurs du système, il reste le trouble fête par excellence. Pour ceux-là, toute voix dissonante dans le flot de la pensée unique néolibérale manque de ‘‘nuance’’. Leur système s’enfonce sans cesse plus profondément dans la crise, et la recherche de solutions anticapitalistes est devenue un phénomène plus répandu parmi la jeunesse. Marx est vivant, et il n’a pas fini de les déranger.

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