Une des tâches les plus cruciales des socialistes et des activistes à ce jour est d’établir une solidarité active et de créer des actions communes aux luttes des pays européens qui font face à de véritables attaques d’austérité. La Grèce est actuellement en première ligne de ces luttes. Là-bas, les mesures d’austérité sont allées si loin que jour après jour, elles représentent de nouvelles attaques contre la société elle-même : hausse massive du taux de suicide, enfants abandonnés par leurs parents dans l’incapacité de les nourrir, appauvrissement de couches de plus en plus larges de la population…
Paul Murphy, Socialist Party (CIO en Irlande) membre du Parlement Européen
- Grèce : Un demi-million de personnes sur la place Syntagma !
- La lutte internationale peut mettre un terme à la dictature des marchés !
Lorsque, la semaine passée, pendant un meeting de la Gauche Unitaire Européenne (GUE/NGL) au Parlement Européen, on a proposé qu’une délégation d’urgence soit envoyée en Grèce en soutien des travailleurs, j’ai tout de suite approuvé cette suggestion et décidé de faire partie de la délégation. Chaque jour, j’actualiserai un blog relatant mon expérience sur place.
Ainsi donc, 10 députés européens du groupe GUE/NGL sont arrivés à Athènes ce 23 février. L’agenda officiel du 24 est chargé : rencontre avec des représentants d’une lutte contre la fermeture de la section de logement social du Ministère du Travail, des représentants de métallurgistes occupant leur entreprise depuis maintenant 110 jours, ainsi qu’avec des députés du KKE (Parti Communiste grec) et de Syriza (une alliance de gauche radicale), les deux membres de la seule véritable opposition au Parlement Grec.
Il n’aura pas fallu longtemps pour constater l’évidence d’une crise sociale. A notre arrivée à la place Syntagma au centre d’Athènes, une manifestation du PAME (le syndicat lié au KKE) contre l’austérité venait tout juste de prendre fin. Quelques centaines de policiers se tenaient encore là avec une attitude menaçante, et la rue en face du Parlement était bel et bien bloquée. L’autre signe de la profonde crise dans laquelle est plongé le capitalisme grec, c’est le nombre en constante augmentation de sans-abris dans les rues.
Ce soir, j’ai eu une réunion avec nos confrères grecs de Xekinima, et nous avons visité le Ministère de la Santé, occupé par des travailleurs membres d’institutions psychiatriques et travaillant avec des enfants aux besoins particuliers. Nous avons eu une longue discussion avec eux sur les conditions auxquelles ils font actuellement face.
Tout comme en Irlande, c’est un exemple frappant de l’exploitation des plus faibles par la Troïka et le gouvernement. Auparavant, les personnes souffrant de troubles psychiatriques étaient réparties dans 3 ou 4 grands asiles dans des conditions difficiles. Ensuite, l’Europe a débloqué des fonds pour permettre le transfert des patients vers des institutions plus petites et mieux adaptées. Cependant, les travailleurs se plaignent qu’en 2005-2006, quand les fonds ont disparu, le Gouvernement n’a accordé aucune importance à ce secteur pourtant vital.
Depuis, le financement de ces services connaît de graves problèmes. Ceux-ci ont énormément souffert de la crise, et sont désormais menacés de fermeture. Ces institutions sont gérées par des ASBL financées par l’Etat. Suite aux dernières mesures d’austérité, leur budget a été réduit de 55%. Bien entendu, cela revient à dire qu’il est impossible de continuer à faire vivre ces services. Il n’y a plus d’argent pour payer les travailleurs ou nourrir les patients. En conséquence, pour la majorité des asiles, ce sera un retour à la sombre époque de l’institutionnalisation.
En ce qui concerne les enfants aux besoins particuliers, la situation n’est pas plus réjouissante. Les fonds pour les écoles sont passés de 25 millions d’euros 2009 à 11 millions en 2012. Une fois de plus, cela signifie qu’il sera impossible de maintenir ces écoles ouvertes. Selon les travailleurs, cela entraînera un retour à la sombre époque où, il n’y a pas si longtemps, les enfants aux besoins particuliers restaient enfermés chez eux, coupés du reste du monde.
Un point commun entre ces travailleurs et une majorité de ceux du secteur public, c’est de ne pas recevoir leur salaire depuis des mois. Tous ceux à qui j’ai parlé ont vécu jusqu’à six mois sans être payés, et m’ont confié en connaître certains qui n’ont pas été payés pendant une année entière. Leurs salaires étaient aussi très bas, autour de 1000 euros par mois. C’en est fini des travailleurs publics grecs autrefois bien rémunérés!
Cela fait deux semaines que ces travailleurs occupent le Ministère, qui est devenu le centre luttes du secteur de la santé. Demain auront lieu une grève des médecins de 48 heures avec une manifestation devant le Ministère, ainsi qu’une assemblée générale au sein du Ministère pour décider de l’avenir de la lutte. Il est clair que cette lutte, les années d’austérité, et les mouvements qui s’y sont opposé ont eu un puissant impact sur leur conscience politique. Aucun d’eux ne considère leur lutte comme un cas isolé ayant pour but d’assurer leurs intérêts personnels, tous ont fait le lien entre leur lutte et celle contre la Troïka et l’austérité en général. La question d’un nouveau système économique et d’une alternative politique était au cœur des discussions.
Il règne un profond sentiment de dégoût envers la tête des syndicats, qui n’ont rien fait pour canaliser la colère et l’envie de lutter du peuple grec. Les partis de gauche provoquent aussi une grande frustration du fait qu’ils ne proposent aucune alternative aux décisions de la Troïka.
Un des travailleurs a fait remarquer qu’après deux semaines d’occupation du Ministère, le premier député à venir les voir provient d’Irlande ! Après deux semaines d’occupation, une fatigue compréhensible se fait sentir chez les dirigeants des militants, tout comme chez une grande partie des militants du mouvement grec, après des années de dures batailles. Mais à côté de ça, il y a aussi la conscience que leur lutte est vitale pour contrer ce qu’ils considèrent comme une catastrophe humanitaire en Grèce, mais également pour tous les travailleurs en Europe, qui font eux aussi face à la sauvagerie de la Troïka.