L’attaque orchestrée contre Rudy De Leeuw confirme la nécessité d’avoir des dirigeants syndicaux de principe

Ces derniers jours, il a beaucoup été question du président de la FGTB, Rudy De Leeuw, à cause de la société créée par lui-même et sa famille afin de rénover un bâtiment délabré. Cette société a recouru au mécanisme de la déduction des intérêts notionnels. Cette campagne médiatique contre le président de la FGTB est à considérer dans le cadre de l’offensive lancée depuis un bon moment contre toute forme d’opposition à la politique d’austérité. Mais toute l’agitation entourant cet incident illustre l’absolue nécessité de disposer de dirigeants syndicaux de principe.

Ci-contre: Rudy De Leeuw et Bruno Tobback, président du SP.a

Dans l’offensive contre la résistance anti-austérité, ces dernières semaines, tous les arguments possibles ont été utilisés. Chaque période d’hésitation et chaque faiblesse des directions syndicales a immanquablement été instrumentalisée à grande échelle. Concernant la grève générale du 30 janvier, le fait qu’aucune décision claire n’ait été prise pendant des semaines a offert autant d’espace à la campagne antigrève pour qu’elle se déchaîne alors que les militants attendaient le feu vert pour l’action. Ensuite, encore une fois, c’est l’hésitation qui règne quant à la prochaine étape. Ici et là, on parle de la journée européenne d’action du 29 février, soit dans deux semaines à peine, mais nous ne savons toujours pas ce que cette journée d’action impliquera concrètement. Tout cela donne autant d’armes à nos adversaires, qui peuvent ainsi exploiter au maximum leur monopole médiatique.

D’autres faiblesses sont encore utilisées, notamment le fait que les syndicats ont pris peu d’initiatives pour impliquer les jeunes ces dernières années, ce qui permet de renforcer les tentatives visant à présenter l’opposition actuelle à la politique d’austérité comme un ‘‘conflit des générations’’ entre des anciens accrochés à leurs privilèges et des jeunes en quête d’avenir. Les liens entretenus entre la direction de la FGTB et les partis sociaux-démocrates au gouvernement, le PS et le SP.a, ont aussi été évoqués afin de lancer la rumeur selon laquelle le syndicat socialiste avait lui aussi tenu la plume dans l’écriture de l’accord gouvernemental. Maintenant, le président de la FGTB est dans la tourmente, sur base d’un évènement qui ressortira systématiquement à l’occasion de toute campagne contre la déduction des intérêts notionnels.

Clarifions immédiatement les choses : si les petites entreprises et les indépendants sont également accusés d’utiliser la déduction des intérêts notionnels, cela n’a rien à voir avec les grandes entreprises, qui abusent véritablement à tort et à travers de ce système. Les entreprises ont globalement utilisé le système des intérêts notionnels à hauteur de 17,3 milliards d’euros dans leurs déclarations d’impôts pour 2009 (pour les revenus de 2008), pour un coût pour les caisses de l’Etat de 5,7 milliards d’euros. Seuls 925 millions d’euros concernent les PME, soit 5% des 17,3 milliards. Voilà le contexte réel dans lequel il faut placer l’utilisation de la déduction des intérêts notionnels par la société de la famille de Rudy De Leeuw. Mais le fait demeure bel et bien : cela mine l’argumentaire syndical. De Leeuw n’est pas le seul à être ainsi visé, presque tous les délégués et militants FGTB ont dû subir des commentaires à ce sujet ces derniers jours. Alors que les militants doivent lutter contre leur propre patron tout en ayant à contrer l’offensive médiatique contre leurs actions, leur combat est sapé par le manque de fermeté sur les principes des dirigeants syndicaux. Il y a peu, la débâcle d’ARCO, le holding coopératif du Mouvement Ouvrier Chrétien, avait illustré que c’est d’ailleurs tout autant le cas à la CSC.

Rudy De Leeuw a déclaré qu’il ne pouvait pas demander à sa famille de payer plus d’impôts parce qu’il est président de la FGTB. Il a également expliqué qu’il avait démissionné du conseil d’administration de la société concernée en juillet dernier, ce qui n’avait pas encore été officiellement publié. La communication maladroite de De Leeuw n’arrange rien du tout. Le fait est toujours là : un président de la FGTB a tiré avantage de la déduction des intérêts notionnels. Et ce cas n’a pas dérogé à la règle : le mécanisme de la déduction des intérêts notionnels n’a pas créé le moindre emploi, si ce n’est celui de l’expert-comptable bien créatif de la société, dont le travail a assuré qu’un impôt de 5% seulement ait été payé sur un bénéfice de 13,665 euros.

Un grand nombre de faiblesses sont systématiquement utilisées par les médias de droite (c’est-à-dire toute la presse traditionnelle), comme le fait que l’aile des partis sociaux-démocrates dans la direction de la FGTB est sous la pression de la base pour lutter contre la politique d’austérité soutenue par ces mêmes partis, mais qu’elle reste finalement pieds et poings liés à ces mêmes partis. Rudy De Leeuw en est un excellent exemple : il est non seulement présent au bureau de parti du SP.a mais aussi président de la section du SP.a à Denderleeuw, une commune où son parti est en coalition avec la N-VA notamment. Inutile d’expliquer aux très nombreux militants de la FGTB que ce dernier élément constitue une faiblesse qui, sans le moindre doute possible, décrédibilise la FGTB. Il est grand temps que les liens entretenus avec les partis ‘‘sociaux-démocrates’’ soient brisés, et peut-être Rudy De Leeuw devrait-il commencer en démissionnant du bureau du parti du SP.a et de la présidence de la section de Denderleeuw.

Le comité fédéral de la FGTB a décidé de confirmer sa confiance en Rudy De Leeuw. Sa démission n’était pas à l’ordre du jour. De toute façon, si c’était pour être remplacé par un nouveau Mia De Vits (ancienne députée du SP.a au Parlement européen et actuelle députée au Parlement flamand, elle fut présidente de la FGTB entre 2002 et 2004), il peut tout aussi bien rester à son poste. Il est nécessaire de poser les questions suivantes : comment la direction syndicale est-elle élue et dans quelle mesure est-elle responsable devant sa base ? Au lieu de nommer des partisans du PS et du SP.a, il serait mieux d’élire démocratiquement et de façon transparente des dirigeants issus de la base. En outre, ces représentants syndicaux ne devraient pas gagner plus que le revenu moyen des membres qu’ils représentent et à qui ils doivent rendre des comptes.

Les attaques contre De Leeuw visent à affaiblir la base et à saper la force du syndicat. Le caractère aigu de ces attaques démontre que le gouvernement et le patronat optent de plus en plus pour un modèle de confrontation. Face à cela, en tant que syndicalistes, nous devons corriger toutes les faiblesses dans nos propres rangs.

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