Dès ses débuts, la nouvelle coalition d’austérité s’en est prise aux conditions de vie des travailleurs et de leurs familles. La vie de la population normale devient sensiblement plus chère avec une surenchère de nouveaux impôts et la liquidation de toute une série de subsides. Beaucoup d’allocations sont diminuées et font l’objet de conditions bien plus strictes et une série d’acquis sociaux sont brusquement démolis.
Par une militante de la CSC, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste, écrit avant les adaptations décidées cette semaine par le gouvernement.
Les pensions sous pression
Les attaques contre les pensions constituent une part importante de la politique d’austérité. L’âge légal de la retraite (65 ans) est pour l’instant préservé, mais le gouvernement veut assurer que chacun soit obligé de travailler jusqu’à 65 ans, sans pauses et sans réduction du temps de travail.
Quel est concrètement le contenu de ces mesures ?
- l’âge de la prépension sera graduellement augmenté de 60 à 62 ans pour 2016, sous condition d’avoir derrière soi une carrière de 40 ans au lieu de 35 ans.
- pour les statutaires, il faudra une carrière minimale de 38 ans (en 2013), les 40 ans seront introduits par après. la prépension à mi-temps est abolie depuis le 1er janvier 2012. les départs en prépension pour les entreprises en difficulté ou en restructuration ne seront plus introduits qu’à partir de 55 ans, au lieu de 50 ou 52 ans.
- la prépension à plein-temps était possible à partir de 58 ans (sauf pour les métiers lourds, les longues carrières et les entreprises en difficulté ou en restructuration), cet âge sera augmenté à 60 ou même 62 ans à partir de 2015, tandis que les conditions concernant la durée de carrière seront alourdies (40 ans pour les hommes, et une période de transition pour les femmes, qui atteindront cette durée de 40 ans en 2024).
- la prépension aura un impact négatif sur la pension. On calculera la pension pour toutes les années avant l’âge de 60 ans sur base d’un forfait mensuel de 1.777€. Les syndicats ont raison de dire qu’il s’agit d’une rupture de contrat pour ceux qui sont déjà en prépension ou en préavis.
- on ne parle dorénavant plus de prépension, mais de ‘‘chômage avec compensation par l’entreprise’’. Cela accentue encore une fois le problème : à partir de 2013, tous les prépensionnés de moins de 60 ans devraient être libres pour le marché de l’emploi (la chasse aux chômeurs sera donc étendue à tous ceux qui ont moins de 60 ans). Le contrôle et le suivi par l’ONEM commencera à partir de 2016 pour tous les prépensionnés jusqu’à 58 ans, au lieu de 50 ans maintenant.
A l’époque du Pacte des Générations déjà, en 2005, le débat sur les fins de carrière avait été mené assez brutalement, et toute une série d’acquis avaient déjà disparu (l’âge légal de la retraite pour les femmes était ainsi passé de 60 à 65 ans). Ce ‘‘Pacte’’ imposé comprenait toutefois l’introduction de toute une série de mesures destinées à adoucir la vie des plus âgés, comme le crédit- temps pour les plus de 50 ans (avec compensations augmentées, et sans perte de droits liés à la pension), la prépension à mi-temps et plein-temps, les pensions anticipées,… Maintenant, tous ces acquis sont attaqués, et des économies ciblent nos pensions, pourtant parmi les plus basses en Europe.
Les médias traditionnels essaient désespérément de présenter les réformes comme un conflit entre les générations : la plus jeune génération devra travailler pour payer les pensions des plus âgés, ce qui sera à terme intenable. Quant aux plus âgés ils seraient égoïstes et conservateurs, puisqu’ils refusent de travailler plus longtemps. Les économies ne touchent néanmoins pas que les jeunes, qui auront ainsi plus de mal à trouver un emploi. Elle vise aussi les travailleurs plus âgés qui devront attendre pour leur retraite. Jeunes et moins jeunes ont tout intérêt à lutter ensemble.
Avalanche d’austérité
Et ce n’est que le début de l’opération d’austérité. Le gouvernement et tous les partis traditionnels veulent attaquer les pensionnés et les chômeurs, au lieu de s’attaquer au chômage. Avec la perspective d’une autre année de croissance économique négative, nous savons que cela mènera à une perte d’emplois. Au même moment, les travailleurs plus âgés devront travailler plus longtemps : le chômage et la pauvreté qui vient avec, augmenteront parmi les jeunes.
En plus, le gouvernement prépare déjà une prochaine avalanche d’austérité. En février, une correction du budget doit déjà être opérée, et s’il le faut, « l’Europe » sera utilisée pour augmenter la pression. Ceci augmentera la pression contre le premier pilier des pensions (la pension légale). Mais d’autres éléments sont aussi repris dans la discussion. Ainsi, la proposition d’un saut d’index arrive dans l’actualité. L’indexation des salaires (leur adaptation à l’augmentation des prix) ne serait ainsi pas appliquée à une ou plusieurs reprises, avec des effets terrifiants pour nos conditions de vie, attaquées de façon continuelle. De telles mesures ne peuvent que renforcer la récession, et davantage d’économies suivront…
Prochain objectif : l’index ?
Une fois que l’avalanche est en mouvement, il est difficile de l’arrêter.
Soutenus par les encouragements de l’Europe, le gouvernement et le patronat sont en train de préparer un nouvel objectif. On parle de plus en plus de l’indexation automatique des salaires. Quelques mois après une montée des prix, nos salaires sont censés suivre. Un tel mécanisme qui a pour but de maintenir le pouvoir d’achat paraît inacceptable pour les libéraux.
L’Europe veut faire baisser notre pouvoir d’achat. Le commissaire européen Olli Rehn mène cette campagne depuis des mois, et il est largement soutenu par les employeurs et les partis libéraux comme la N-VA.
Il n’y a pas encore de propositions pour abolir l’indexation, mais certains suggèrent de faire un saut d’index. Les prix des biens qui déterminent l’index augmentent, mais nos salaires ne suivent pas. L’index a été fortement attaqué ces dernières années, entre autres par l’introduction de l’index-santé, début des années 1990. Malgré l’existence de l’index, notre pouvoir d’achat réel a baissé. Apparemment, cette baisse ne se fait pas assez rapidement aux yeux des libéraux. Le pouvoir d’achat des 99% est attaqué pour défendre les profits des 1% les plus riches.
Une stratégie pour réussir
Les attaques contre les pensions sont passées au parlement à une vitesse foudroyante. Le ministre Van Quickenborne (Open VLD) ne pouvait faire ça qu’avec le soutien du gouvernement entier, et parce que l’opposition a à peine mené la critique. Ceux qui pensaient qu’un gouvernement dirigé par le PS plutôt que par la NVA serait un ‘‘moindre mal’’ doivent se rendre compte de leur erreur. Il est clair pour tout le monde qu’avoir des liens avec des partis qui mènent l’austérité freine la résistance et nuit à la crédibilité.
Sous l’énorme pression de leur base, les syndicats organisent la résistance contre ces mesures. Mais la protestation est bien trop faible si l’on part de l’idée qu’il faut bien économiser d’une manière ou d’une autre. Pourquoi les travailleurs et leurs familles doiventils payer pour la course au profit d’une petite minorité de capitalistes ? Si ça c’est la logique du système, nous ne devons pas nous battre pour ‘‘l’améliorer’’, nous devons coupler notre lutte à la nécessité de construire un autre système.
Il est tout à fait correct de revendiquer qu’il faut aller chercher l’argent là où il est. Mais que faisons-nous pour réaliser cela, dans les faits ? Nous ne pouvons pas nous contenter de revendiquer une imposition plus importante pour les entreprises et les riches. Nous devons remettre tout le système en question, et formuler des alternatives. Sinon, nous risquons de finir avec un mauvais accord qui nous fera une fois de plus payer la note, et de plus en plus de gens penseront que la lutte ne sert à rien.
Nous devons prendre la lutte en mains, et l’organiser au mieux. Cela n’est possible que sur base d’un plan d’action dans lequel nous sensibilisons et mobilisons pour ne pas seulement changer le mécontentement en résistance, mais aussi pour en finir avec toutes les mesures d’austérité. La grève du 30 janvier est un premier pas, mais nous devons continuer la lutte par après. Une nouvelle proposition d’action émanera-telle du 30 janvier ? Elaborerons-nous, dans la lutte, un programme anticrise pour défendre les intérêts des 99% ? En tout cas, le potentiel existe clairement pour cela.
Nous devrions néanmoins construire des instruments pour renforcer notre lutte : des syndicats combatifs avec une participation démocratique de la base, et notre propre instrument politique sous la forme d’un nouveau parti des travailleurs. Pour y arriver, nous devrions partir d’un programme qui va à contrecourant de la logique d’économies budgétaires. Comme Einstein le disait : ‘‘Vous ne pouvez résoudre un problème avec la logique qui l’a provoqué.’’ Contre la logique capitaliste d’austérité, il nous faut une alternative socialiste démocratique.