Rarement une grève n’a été autant décriée dans les médias. On qualifie cette grève ‘‘d’irresponsable’’, comme s’il était normal de nous faire payer cette crise provoquée par les entreprises et les banques malades. Assommés par toute la propagande patronale, même certains travailleurs estiment préférable de payer. ‘‘Pour en être tranquille’’. Mais ce sera tout le contraire. Une fois que l’on cède au chantage, cela ne s’arrête plus. Si nous ne résistons pas avec énergie, on nous dira à nouveau de payer ces prochaines années et les attaques se suivront. C’est, en substance, pourquoi faire grève est aussi crucial et nécessaire.
Tract du PSL
Un retour au 19e siècle, aux saucisses et aux matraques
A entendre toutes ces pleurnicheries contre notre grève, on se croirait revenu à l’ère du prêtre Daens et des délires de Woeste, fin du 19e siècle. Woeste et sa classe trouvaient eux aussi que les revendications du mouvement syndical étaient irresponsables. Eux aussi détenaient entre leurs mains la quasi-totalité des médias. Daens était selon eux un démagogue, une menace pour l’avenir, bon pour l’excommunication. Bref, un criminel de droit commun. Les politiciens de droite et les patrons actuels ne sont pas bien différents avec leur plaidoyer pour limiter le droit de grève avec le service minimum, pour l’octroi de primes à ceux qui veulent travailler – avec Woeste c’était des saucisses – et pour que le gouvernement fasse respecter l’état de droit pendant la journée de grève. A la place de s’en prendre aux diamantaires et banquiers frauduleux, ils se tournent contre les grévistes, qu’ils veulent frapper d’amendes avec l’aide d’huissiers.
D’où vient cette virulence ?
Parce que le gouvernement et les patrons n’ont pas le moindre argument. Que deviendrions-nous sans indexation des salaires et sans protection sociale ? Ces mesures sont destinées à nous protéger de la crise. Mais au moment même de la crise, le gouvernement et les patrons veulent s’y attaquer pour aider à payer leurs dettes de jeu. Un saut d’index donnerait 1 milliard d’euros, mais sur une carrière de 40 ans, cela signifie une perte cumulée de 25.000 euros pour un travailleur ! Il n’y a donc qu’une seule chose à faire: isoler les syndicats et les grévistes, les intimider et les criminaliser comme de vulgaires bandits. C’est le type de lutte de classe que nous réservent les patrons et les politiciens.
Un plan d’action adapté à la tempête qui vient
Pour leur résister, nous avons besoin d’un plan d’action adapté pour la tempête qui arrive à notre rencontre. Cela implique des arrêts de travail pour informer les collègues et voter la grève collectivement. Cela implique des réunions publiques pour préparer le grand public à la confrontation et les impliquer dans la lutte. Cela implique de lier nos journées de grève à des manifestations régionales et nationales pour rassembler les militants et s’adresser à l’opinion publique. Cela implique également que nos collègues des PME, sur qui s’exerce plus librement la terreur des patrons, reçoivent un coup de main d’ailleurs pour pouvoir partir en action. A Liège, par exemple, des militants syndicaux bloqueront des ronds-points proches des entreprises. Le plan proposé par Nico Cué, le président des Métallos FGTB Wallonie-Bruxelles, d’une grève générale de 48 heures si celle de 24 heures échoue, puis d’une autre de 72 heures encore si nécessaire doit être sérieusement envisagé.
Si on veut réussir, on doit être à 100%
Mais il semble bien qu’une partie des directions syndicales soit intimidée. L’annonce selon laquelle tous les zonings industriels ne seront pas bloqués laisse des travailleurs qui n’ont pas de délégation syndicale à la merci de petits patrons. La grève ne pourra donc pas être véritablement générale. Cette journée de grève est annoncée depuis plus d’un mois mais, jusqu’il y a quelques semaines encore, les dirigeants syndicaux semblaient hésitants. Dans de nombreuses entreprises, aucun tract n’a été disponible jusqu’à ces derniers jours. Si le sommet hésite, il n’est guère surprenant que des doutes émergent également à la base.
Déjà 20% pour la grève
Tant les ‘‘représentants politiques’’ que l’ensemble des médias se prononcent contre la grève, mais une récente ‘‘enquête’’ a dévoilé que 20% de la population la soutient, et que 55% sont contre. 11% ont déclaré qu’ils allaient faire grève. Entretemps, notre sentiment est que la campagne de dénigrement des patrons, des politiciens et des médias a fait changé de camp plus d’un opposant à la grève ou ‘‘sans-avis’’. C’est nécessaire, on n’en restera pas à 11,3 milliards d’euros d’économies. Avec le contrôle budgétaire s’ajoute 3 milliards d’euros supplémentaires et, pour l’an prochain, il est question d’économiser 13 milliards. Les attaques viendront de partout, du gouvernement fédéral mais aussi des communautés, des régions et des communes après octobre. Après cela, le gouvernement et les patrons aborderont le problème du "vieillissement" et il faudra trouver 25 milliards d’euros pour les deux années suivantes. Celui qui est encore plus ou moins épargné aujourd’hui est attendu au tournant. Si avant même l’application de toutes les mesures 20% de la population est en faveur de la grève et 23% se disent neutres, combien seront-ils quand ce que l’on veut nous imposer sera clair aux yeux de tous ?
Notre pays en danger ?
Selon Di Rupo, les syndicats conduisent les ‘‘citoyens à l’abîme’’. Tobback a déclaré dans Le Soir qu’une grève générale est telle une bombe atomique, sans le moindre effet toutefois si le gouvernement ne tombe pas. Il avertit aussi qu’un gouvernement de droite prendrait des mesures vraiment de droite. La date de péremption de cette vieille histoire du ‘‘moindre mal’’ est pourtant dépassée depuis bien longtemps. Rik Van Cauwelaert, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire flamand Knack, a réagit aux critiques de Paul Magnette contre la politique ultralibérale de la Commission européenne en soulignant que les ‘‘socialistes’’ ont collaboré à la construction européenne, y compris au Pacte de stabilité européen et au ‘‘six pack’’. La même stratégie a sapé la base sociale des premiers ministres "socialistes" de Grèce, d’Espagne et du Portugal, où la droite est parvenue au pouvoir.
Avec de tels amis, pas besoin d’ennemis
Les soi-disant partenaires politiques des syndicats, les sociaux-démocrates et les sociaux-chrétiens, appliquent les politiques néolibérales depuis déjà des décennies. Ils nous disent qu’ils n’ont pas le choix, ce qui signifie en fait qu’ils ne veulent pas rompre les règles qu’ils ont eux-mêmes instaurées. C’est leur choix. Mais changer des points et des virgules n’est pas suffisant, il nous faut une politique fondamentalement différente. Les syndicats en ont développé les bases, mais les sociaux-chrétiens et démocrates n’en veulent pas. Ils nous menacent et disent que si ce gouvernement tombe, il y en aura un de droite. Ce chantage doit cesser. À un certain moment, on se doit de crier : faisons les tomber ! Et si on peut faire tomber Di Rupo, on peut faire de même avec De Wever. Mais nous ne pouvons évidemment pas continuellement renverser les gouvernements. Il existe des dizaines de milliers de militants syndicaux qui se dévouent à leurs collègues, quotidiennement, à leurs propres risques, et de façon désintéressée. Il existe de solides militants politiques, dont certains ont depuis des années abandonné les sociaux-démocrates et les sociaux-chrétiens tandis que d’autres ne leur ont jamais fait confiance. Les syndicats ont la capacité et les moyens de les rassembler en un même parti politique, pour assurer que les 20% et 23% dont nous avons parlé plus haut disposent, enfin, d’une expression politique.
Lier les luttes d’aujourd’hui au combat pour une société meilleure
Le Parti Socialiste de Lutte a dans ses rangs des délégués et militants syndicaux, des jeunes et des étudiants qui sont respectés pour leur engagement et leur persévérance. Nous défendons les besoins concrets d’aujourd’hui, en écoutant et en formulant nos propres propositions, mais en plaçant notre action actuelle dans le cadre de la lutte pour une autre et meilleure société. Nous luttons pour une société socialiste démocratique où la production sera destinée à satisfaire les besoins de tous et non à étancher la soif de profits d’une infime élite.