On ne peut pas mourir pour un contrôle d’identité ! Luttons ensemble pour changer de système !

Anderlecht. Photo : Wikicommons

Les faits qui ont amené à la mort d’Adil montrent encore une fois que la crise du covid19 exacerbe la violence de ce système contre les pauvres, les jeunes, les femmes, les migrants et tous les travailleurs. Ce sont eux qui payent avec la douleur et le deuil, l’incompétence de la classe dominante à tous les niveaux. Tout d’abord, nous voudrions exprimer nos sincères condoléances à la famille et aux amis d’Adil dans cette période de deuil. Nous voulons également mettre en exergue les causes politiques de cette tragédie et comment celles-ci sont liées à la nécessité d’un changement radical de système.

Par Pietro (Bruxelles)

Les faits

Ce vendredi 10 avril 2020, en plein confinement, un jeune homme de 19 ans a perdu la vie après une course-poursuite avec la police. Alors qu’il tente de dépasser une camionnette, une autre voiture de police engagée dans la poursuite arrive à toute vitesse en sens inverse le percutant de plein fouet. Adil meurt sur le coup. La police affirme que c’est le scooter qui aurait percuté la voiture mais cela reste à prouver car plusieurs témoins défendent le contraire. Son tort ? Être sorti en période de confinement.

La réponse populaire des habitants du quartier (Cureghem à Anderlecht) ne s’est pas fait attendre. Des émeutes ont éclaté dans la nuit de samedi à dimanche, suite à un rassemblement spontané de la population en solidarité à Adil, la réponse de la police a été toute suite la répression. Une centaine de personnes ont été arrêté après une intervention musclée de plusieurs centaines de policiers, de canons à eaux, de chiens, etc.

Les bases matérielles de la violence dans les quartiers populaires : une analyse de classe

La mort d’Adil est une tragédie qui démontre l’inhumanité de notre modèle de société capitaliste et encore plus sa totale incapacité à gérer cette situation de crise.

Adil était en train de fuir un contrôle de police qui, à cause des mesures d’urgence, aurait pu lui coûter 250 euros d’amende. S’il a fui, c’est bien pour échapper aux amendes disproportionnées qui peuvent représenter de 20 à 40 % des revenus mensuels mais également pour échapper à l’intervention de la police qui jouit d’une totale impunité dans les quartiers populaires. Sortir en période de confinement ne peut pas être une raison valable pour mourir. Cela est inacceptable et est un signe trop clair de la répression qui prend place dans les mesures d’urgence contre la pandémie.

Les quartiers de Cureghem à Anderlecht, comme d’autres à Bruxelles, n’offrent pas d’avenir à ces jeunes, avec des taux de chômage allant de 45 à 50% parmi la jeunesse suite à la désindustrialisation de la ville. Les enfants et les petits-enfants d’ouvriers immigrés -la moitié de la jeunesse bruxelloise- sont particulièrement touchés par cette situation. Depuis des années, les autorités communales gérées par les partis traditionnels ont négligé les populations en les stigmatisant. Ce sont les politiques néolibérales faites de coupes budgétaires en cascade de la région jusqu’aux communes qui représentent la base matérielle du racisme structurel. Celui-ci prend une forme spécifique dans la fréquence des contrôles et des discriminations dans les quartiers populaires.

Ces politiques d’austérité sont à la base du démantèlement social, des inégalités scolaires, des discriminations, de l’exclusion sociale et de la marginalisation de certaines couches de la population surtout d’origine immigrée de la classe ouvrière.

Comment les contrôles au faciès, les injures racistes et la violence gratuite de la police peuvent-il améliorer notre sécurité ? Cela n’engendre-t-il pas au contraire un climat d’insécurité et de dialogue impossible avec la police et les autorités ?

Le débat dans la société et la réponse des partis traditionnels

Plusieurs personnes ont commenté et ont posé la question suivante dans le débat public : « si ce jeune garçon n’avait rien à craindre, pourquoi a-t-il tenté d’échapper aux contrôles ? » La réponse de certains est qu’il avait certainement quelque chose à se reprocher. D’autres encore lancent des appels moraux à la réconciliation et à la paix sociale sans essayer de comprendre les vraies origines de cette violence. Pascal Smet (SP.A), secrétaire d’Etat bruxellois, a lui aussi posé des questions sur la course-poursuite : « Et quand des dizaines de jeunes se mettent à s’attaquer à la police, c’est qu’il y a quelque chose de grave. Une rupture de confiance. De la défiance. De l’incompréhension. Et carrément de la haine. Et ce des deux côtés. Parce que c’est bien ça la situation à Cureghem. »

Nous ne pouvons pas analyser les faits de manière anecdotique, il nous faut une lecture sociale pour pouvoir comprendre cette réalité. La réaction d’Adil est le résultat d’années de répression, de racisme et d’abandon social qui se vit dans les quartiers populaires. De plus, les autorités et les discours dominants visent à mettre la responsabilité de la contagion sur les comportements individuels, comme si un jeune en scooter pouvait être un danger pour la population alors que le ministre de la santé n’a pas été capable de fournir les masques nécessaires pour protéger les travailleurs de la santé. Comme si le fait que des entreprises non-essentielles sont toujours en activité n’était pas criminel, alors que 85% des entreprises contrôlées ne respectent pas la distanciation sociale. Comme toujours ce sont les classes plus défavorisées qui payent le prix de ce manque d’organisation du système.

Le ministre De Crem affirme également : « C’est totalement inadmissible, Ce sont des fauteurs de troubles qui ont utilisé un incident dramatique pour créer le chaos. Cette attitude n’a rien à voir avec le deuil ou le chagrin. » Selon lui, « Il s’agit de jeunes gens qui ne peuvent pas fonctionner selon nos normes et valeurs. » Il est extrêmement clair ici que le gouvernement utilise le racisme comme arme de stigmatisation envers les quartiers populaires afin de masquer sa responsabilité dans la gestion de la crise.

On voit bien que les politiques traditionnels sont incapables de comprendre ce qui est en train de se passer. La mauvaise gestion de la crise sanitaire, le manque d’investissement public depuis des décennies dans la santé et dans les services publics, le manque total de volonté de la classe dirigeante de mener une politique sérieuse de dépistage et de mises en sécurité de la population mènent les autorités à devoir confiner la population. Tout ceci mène à l’utilisation de mesures répressives contre ceux et celles qui ont plus de mal à vivre cette situation de confinement à cause des inégalités que le système a créé depuis trop longtemps.

Les partis traditionnels mystifient complètement la réalité du confinement. Comme si on pouvait imaginer que le confinement soit pareil pour quelqu’un qui vit dans une villa de plusieurs centaines de mètres carré et pour quelqu’un qui vit dans 40 mètre carré et/ou sans revenu. L’énorme inégalité sociale que cette société nous impose devient de plus en plus évidente pour tout le monde.

Gouvernement des pouvoirs spéciaux – de la violence de la police à la violence sociale

Les violences policières restent pour la plupart impunies, comme l’a confirmé une condamnation prononcée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme envers la Belgique. Les plaintes déposées au comité P (Comité permanent de contrôle des services de police) sont d’ailleurs souvent classées sans suite, cet organisme a notamment été sujet de critiques sévères de l’ONU, qui remet en cause son indépendance et son impartialité.

Toutes les mesures exceptionnelles prises pendant la période du confinement seront également utilisées contre le mouvement social et syndical, et contre nos droits démocratiques.

Nous devons enlever le contrôle de la police des mains des politiciens à la rhétorique martiale et répressive. Il nous faut lutter contre les violences policières, l’impunité face aux abus de pouvoir et l’utilisation des forces de police contre nos piquets de grève, nos manifestations et nos actions. Ce qui est nécessaire, c’est un contrôle démocratique sur la police exercée par la collectivité et les organisations du mouvement des travailleurs afin que celle-ci soit réellement utile pour les travailleurs et les jeunes.

Il nous faut lutter pour un plan massif d’investissements publics pour la santé, l’enseignement pour des logements sociaux. Ces investissements permettraient de résorber les pénuries et de créer des dizaines de milliers d’emplois de qualité et socialement utiles pour offrir à chacun une perspective d’avenir. Il nous faut également lutter pour un enseignement démocratique et de qualité et gratuit et des salaires qui permettent de vivre décemment, l’instauration d’un salaire minimum de 14€/h serait un bon premier pas dans ce sens. Mais pour accéder à ces revendications légitimes, nous allons devoir affronter la logique de profit des entreprises selon laquelle il faudrait se préparer à retourner au travail alors que la pandémie sévit toujours ! Pour bénéficier d’un avenir qui ne soit pas marqué par le désespoir, la misère et la répression, nous devons lutter contre ce système capitaliste et en faveur d’une transformation socialiste de la société.

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