Nigéria : Premier jour d'une grève générale illimitée – Le pays mis à plat par la classe ouvrière

Ce lundi 9 janvier 2012, des dizaines de milliers de Nigérians ont défilé dans les rues de Lagos (l’ancienne capitale et principale ville du pays) contre la suppression des subsides des autorités pour le carburant. En conséquence de cette mesure antisociale, les prix de l’essence ont grimpé de 65 nairas (0,3 euro) jusqu’à 140 nairas (0,7 euro), puis 200 nairas (environ 1 euro). Le prix de la nourriture, des transports et des bien et services de base ont ensuite vertigineusement augmenté.

Par des correspondants du Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

Cette situation se développe alors que les salaires reste inchangés malgré l’inflation galopante et en dépit du fait que le salaire minimum national de 18.000 nairas (environ 85 euros) n’est toujours pas appliqué dans de nombreux Etats du pays. Dans ce contexte, il est aisé de comprendre la profonde colère de la classe ouvrière et des pauvres du Nigéria.

Depuis le 2 janvier, cette attaque antisociale vicieuse fait face à des protestations massives, certaines tout à fait spontanément, à travers tout le pays. A Kano et Abuja (la capitale officielle du Nigéria) des tentatives ont été faites d’occuper les places publiques, en référence au processus révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et aux protestations de masse contre l’austérité en Europe et aux Etats-Unis. Nombre de ces courageuses actions des masses ont été confrontées à la brutalité policière, comme à Ilorin (dans l’Etat de Kwara), où un manifestant a été tué.

Le lundi, dès 5 heures du matin, la foule se massait en divers point, à Lagos et dans tout le pays. Des feux et des barricades annonçaient clairement que la révolte des masses avait commencé. Ce mouvement est le plus suivi et le plus étendu au pays au Nigéria, et particulièrement à Lagos, depuis la fin de la guerre civile. A Lagos, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté et ceux qui ne pouvaient pas rejoindre la manifestation centrale ont organisé des actions plus limitées dans leurs communautés et dans leur voisinage. Tant la classe ouvrière que des éléments de la classe moyenne ont été activement impliqués dans les manifestations. Des associations d’avocats et de médecins pouvaient notamment être vues aux côtés d’ouvriers. Partout, les principales artères étaient désertes; magasins, marchés, bureaux,… tout était fermé.

Au contraire d’autres protestations où les militants et syndicalistes devaient défendre les barricades pour protéger les effets de la grève, les masses sont venues d’elles-mêmes rejoindre les piquets et les barricades. A l’arrêt de bus de Agbotikuyo à lagos, par exemple, où des camarades du DSM ont joué un rôle crucial, les efforts de la police pour briser le piquet ont été contrariés par les masses des quartiers, venus en renfort soutenir la barricade. De là, ensuite, un milliers de personnes sont parties en manifestation. Rapidement, 3.000 personnes étaient présentes dans ce cortège improvisé.

Sur les pancartes des manifestants, on pouvait notamment lire: “Les masses nigérianes refusent la suppression des subsides”, “Une mesure pour l’élite, par pour les masses”, “Le retour à l’ancien prix n’est pas négociable”, “Jonathan [le président] doit partir”, “Pour un nouveau parti des travailleurs de masse”, etc.

De très nombreuses personnes qui n’avaient pas pu rejoindre la manifestation ont exprimé leur soutien à la grève générale nationale, aux actions de masse et à l’appel pour que le Président Goodluck Jonathan réinstaure immédiatement les subsides du carburant dans les intérêts de la majorité écrasante de la population nigériane. Partout, des meetings et assemblées organisent la mobilisation indépendamment des syndicats, ce qui est une autre illustration de la profonde colère des masses.

Le tract produit par le Democratic Socialist Movement (DSM, section du CIO au Nigéria) condamne le système économique actuel et appelle à son remplacement par une alternative socialiste, un système basé sur la nationalisation des secteurs-clés de l’économie et leur contrôle démocratique à travers une planification démocratiquement élaborée pour satisfaire les besoins de la population du pays.

Dans les rues de Lagos, certaines rues étaient devenues des terrains de football pour les enfants. Tout était déserté, à l’exception des endroits où l’on pouvait trouver des journaux, où ,les gens s’amassaient avant de rejoindre les rendez-vous des protestations. Les policiers, en certains endroits, n’ont pas dérangé les manifestants, et certains ont d’ailleurs ouvertement exprimé leur solidarité. Un jeune homme, Aderinola Ademola, a toutefois été tué par un policier tandis que trois autres ont sévèrement été blessés. Selon des témoins, ils ont été agressés alors qu’ils jouaient au football sur la route. La police a fait une déclaration annonçant l’arrestation du criminel et sa détention, mais il est impossible de vérifier cela. Il faut construire une campagne contre ces brutalités policières. C’est d’autant plus important au vu des rapports de violences qui arrivent de Kano et d’ailleurs. Plusieurs autres personnes auraient été tuées.

A côté des dizaines de milliers de manifestants de Lagos, les rapports d’autres villes parlent d’un même succès avec 2.000 personnes à Benin (dans l’Etat d’Edo, où 214 exemplaires de “Socialist Democracy”, le journal du DSM, ont été vendus), 3.000 personnes dans l’Etat d’Osun (nos camarades y ont vendus 468 exemplaires de SD),… Dans son matériel politique, le DSM appelle à la création de comités d’action démocratiques dans les quartiers, les lieux de travail et les universités, afin d’impliquer de plus en plus de personnes dans l’organisation active de la lutte contre cette attaques et les autres mesures anti-pauvres des autorités. Il est tout à fait correct de revendiquer la restauration de l’ancien prix de l’essence, mais ce n’est pas assez.

La suppression de ces subsides a agis telle une étincelle qui a mis le feu aux poudres, mais la base réelle de cette colère des masses est faite de la constante politique néolibérale d’attaques contre la population qui a marqué des dernières années. Le chômage des jeunes est de 42% (soit plus de 28 millions de personnes), l’enseignement et les soins de santé ont été commercialisés, le réseau routier et électrique se sont effondrés,… Pour la plupart des gens, et plus encore pour les jeunes, l’avenir s’annonce des plus sombres sous le capitalisme. C’est pourquoi le DSM appelle à lutte contre la suppression des subsides pour le carburant, mais aussi contre toutes les mesures néolibérales. Notre slogan principal est : “Dégageons le gouvernement anti-pauvres de Jonathan, pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres.”

Nous avons besoin d’une révolution pour renverser ce système où 1% de la population consomme 80% des ressources de la société, pour chasser ce gouvernement et le remplacer par celui des masses. Dans le cadre de cette lutte, il faut construire un nouveau parti des travailleurs de masse armé d’un programme socialiste défendant la propriété publique du secteur pétrolier sous le contrôle démocratique des travailleurs.

Le gouvernement espère que cette lutte s’épuisera à cause de la pauvreté, du manque d’approvisionnement,… C’est pourquoi le mouvement doit poursuivre sa route et aller de l’avant. Cette société capitaliste ne va nulle part, c’est un cul-de-sac. Le pouvoir de la grève actuel est tel que le gouvernement pourra être forcé de faire des concessions, mais uniquement pour qu’il puisse gagner du temps. Les travailleurs doivent utiliser ce mouvement pour aller plus loin.

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