Le Socialist Party a mené dans les années 1990 une campagne victorieuse qui obligea le gouvernement irlandais à annuler une taxe sur l’eau. De la même manière, il lutte depuis plusieurs années pour construire, avec d’autres organisations mais surtout avec les habitants des quartiers une campagne similaire sur la Bin Tax (taxe supplémentaire sur les déchets ménagers).
Marie-José Douet
"Fiers, sans regrets, combatifs , et encore plus déterminés à continuer la lutte."
Ce sont les premières paroles de nos camarades, élus du Socialist Party, Clare Daly conseillère municipale de Dublin et Joe Higgins, député à l’assemblée irlandaise (Dail) à leur sortie de prison le 18 octobre.
Ils avaient été condamnés à 1 mois de prison. Leur crime ? Défendre les pauvres et les travailleurs dans leur combat contre la taxe spéciale sur les ordures ménagères (BinTax). Comme l’a dit Clare avant d’entrer en prison (refusant la proposition de faire des excuses pour échapper à cette sentence) : "C’est notre mandat, nous avons été élus pour défendre les travailleurs qui refusent cette taxe ! "
Nos camarades ont été rejoints en prison par plus d’une dizaine de militants de la campagne, très souvent des habitants des quartiers, grands-mères, jeunes, chômeurs. Tous avaient refusé de payer la taxe, donc de voir leur poubelle non ramassées. Tous ont refusé à leur procès de s’incliner devant l’injonction qui leur était faite de s’excuser et de jurer de ne pas reprendre toute activité liée à la campagne. Lisa, une jeune femme a été enfermée avec son bébé qu’elle allaitait !
Pas une taxe écologique mais une double taxe !
Le gouvernement justifie cette deuxième taxe sur les déchets pour des motifs écologiques mais 98% de la pollution ne provient pas des déchets ménagers !
Pendant les années 1990, l’économie irlandaise a connu un boom important mais la crise économique mondiale touche aussi le capitalisme irlandais. L’écart entre les riches et les pauvres en Irlande du Sud est le deuxième plus élevé dans les pays de l’OCDE juste derrière les Etats-Unis. Alors tout est bon pour faire payer aux pauvres la crise qui s’accentue dans le pays. Et la Bin Tax est une mesure transitoire avant de privatiser les services communaux, restrictions budgétaires publiques obligent !
La solidarité s’organise et la mobilisation grandit.
Dès l’arrestation de nos camarades et des militants de la campagne, la solidarité a grandi. Une manifestation de 5000 personnes a eu lieu à Dublin le 11 octobre du centre de la ville jusqu’à la prison de Mountjoy. De nombreux syndicalistes y participaient. Car en décembre, des coupes budgétaires vont être votées à Dublin avec des licenciements à la clé. Les 14 et 15 octobre, les militants ont bloqué 7 dépôts de camions poubelles malgré l’intimidation des conseils municipaux et la répression policière. 90% du service poubelle de Dublin était fermé. En même temps, la solidarité internationale s’organise. De nombreux syndicalistes et élus d’Irlande et du monde entier (Suède, Écosse, France, Sri Lanka…) envoient des messages de soutien et demandent l’abolition de la Bin Tax. Des rassemblements devant les ambassades ont ainsi eu lieu à Bruxelles, à Londres, Lagos…
Alliance des comités et des éboueurs
Le pouvoir ignore cette mobilisation et multiplie les provocations. Il se moque du problème d’hygiène posé par le tri sélectif des déchets et envoie une entreprise privée ramasser les poubelles à Dublin sud si les habitants paient 100 euros ! La colère est immense chez les résidents. Le 27 octobre, 5 nouveaux blocages de dépôts ont lieu. Malgré plusieurs charges policières, les piquets tiennent, des éboueurs refusent de sortir les camions et quand les piquets sont levés, ils applaudissent les militants anti-BinTax ! En même temps, un tract à leur adresse est distribué expliquant ce que seraient leurs conditions de travail sous contrat privé, l’absence de droit syndicaux. Le soutien actif des éboueurs est de plus en plus important.
La campagne a obligé les conseils municipaux à faire ramasser toutes les poubelles. Mais 20 personnes peuvent aller en procès dans les jours qui viennent. Si la détermination des militants et des éboueurs est grande, il est temps que les centrales syndicales se mobilisent. Ce mouvement peut être le début d’un mouvement social qui comprend les luttes contre la privatisation de la Poste, des transports en commun, de la compagnie aérienne et ouvrir une crise politique majeure. Joe et Clare ont été emprisonnés, alors que les élus les plus impliqués dans les affaires de corruption l’an dernier ne sont toujours pas passés devant le tribunal.
Nos camarades élus, toujours dans les luttes de Dublin, maintiennent aussi la pression dans les conseils municipaux ou au parlement. Nous construisons cette lutte pour qu’elle soit victorieuse, avec d’autres militants organisés ou non bien sûr, tout en avançant toujours notre analyse du capitalisme et notre combat pour le socialisme.