Voici une interview d’Eduardo, étudiant en comptabilité d’origine Cabindaise et militant du PSL et d’EGA à Bruxelles, qui a été violement attaqué par la police sur son lieu de stage en marge des manifestations à Matonge suite au résultat frauduleux des élections au Congo.
Tu as été victime de violence policière en marge des manifestations à Matonge de mardi dernier ? Que c’est il passé ?
Eduardo: Le mardi 6 décembre, vers 15h30, j’ai entendu des bruits assez violents venant de la galerie de la Porte de Namur, où j’effectue mon stage en comptabilité au théâtre Molière – Muziek Public comme étudiant. Je suis descendu, voir ce qui se passait. Au moment où j’ai entrouvert la porte, des policiers m’ont violement attrapé, m’accusant d’être un “fouteur de merde”. J’ai répondu pacifiquement que j’étais sur mon lieu de stage et pas en train de participer à la manifestation. Plutôt dans la journée, des manifestants se rassemblaient pacifiquement dans le quartier contre la fraude électorale au Congo par la clique de Kabila malgré le refus de la Commune d’Ixelles d’autoriser la manifestation.
J’ai alors reçu un premier coup de matraque et je me suis réfugié dans le théâtre, où ils m’ont poursuivit jusqu’à la loge technique. Devant mes collègues, il m’on attrapé et passé à tabac pendant de nombreuses minutes. J’ai été roué de coups de matraque et de coup de pieds par plusieurs policiers. Ils ont également lancé leurs deux chiens sur moi, qui m’ont mordu abondement aux jambes. Mes collègues et ma maitresse de stage ont été bousculés afin d’être maintenus à l’écart. Ils essayaient de raisonner la police expliquant que je n’étais pas un manifestant mais que je travaillais là. Ce qui ne les a pas empêché de continuer à me rouer de coups au niveau de la poitrine, des côtes, du dos… Heureusement je protégeais la tête avec mes bras.
Et ensuite tu as été embarqué par la police?
Oui. Ils m’ont emmené avec de nombreux manifestants à la caserne de police d’Etterbeek. Là, j’ai été tenu en détention pendant 12h. J’ai demandé à pouvoir voir un médecin vu mes nombreuses blessures, dont des plaies ouvertes suite aux morsures de chiens, mais cela m’a été refusé. J’ai été mis en cellule avec une vingtaine d’autres personnes. Beaucoup d’autres arrêtés ont également subit des violences. La plupart étaient d’origine africaine de tous âges, apparemment, ils arrêtaient chaque personne se trouvant dans le quartier en fonction de la couleur de leur peau.
Il y avait également deux jeunes d’origine belge dans ma cellule. Ils m’ont raconté qu’ils ont été traités de “cons car ils étaient blancs et qu’ils soutenaient les africains” par un policier. Ils avaient reçu des coups et ont été arrêtés. Face aux maltraitances, nous avons fait savoir notre mécontentement aux policiers. Ils nous ont répondu en lançant des sprays lacrymogènes dans la cellule, ce qui nous fait suffoquer et nous a brûlé les yeux et la peau. Les effets ont duré près de deux heures.
Qu’en est-il de la plainte collective avec tes collègues au Comité P ?
Deux de mes collègues ont déjà porté plainte au service interne de police le même jour, vu la gravité de la violence avec laquelle les policiers mon frappé. Moi, j’ai porté plainte pour les dommages que j’ai subis par pure violence gratuite. A ce jour, je ne suis toujours pas remis du choc. J’effectue toujours mon stage à cet endroit, où j’ai été victime des forces de l’ordre. L’idée de devoir croiser mes agresseurs m’effraye, d’autant plus qu’ils sont très présents ces derniers temps vu les fréquentes manifestations. C’est douloureux pour moi sur le plan psychologique.
Mais je porte surtout plainte pour que te telles violences ne se reproduisent pas et ne puisse pas rester impunies. On a encore vu dans les médias, la violence qu’a subit Niki, la jeune Indignée grecque quelques jours avant la manifestation du 15 octobre dernier à Bruxelles, à laquelle ont participé près de 10.000 personnes. Ce ne sont pas des incidents isolés, mais une violence gratuite fréquemment utilisée par la police contre ceux qui résistent ou contre les jeunes de nos quartiers, pour délit de sale gueule.
J’ai moi-même participé aux manifestations des Indignés à Bruxelles ainsi qu’aux actions des syndicats, car je suis persuadé que nous devons lutter contre le système capitaliste, qui ne profite qu’aux banquiers et aux patrons, pas à la majorité de la population. Partout, la répression est de plus en plus dure, contre les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ou encore contre les travailleurs et les jeunes en Europe qui manifestent contre l’austérité.
Que penses-tu de ces manifestations à Matonge ?
Je connais beaucoup de gens dans le quartier qui ont été manifesté. La plupart sont pacifiques mais, malheureusement, comme souvent, il y en a quelques uns qui sont venus juste pour casser. Mais la politique de la commune d’Ixelles d’interdire les rassemblements a créé un climat de tension. Les actes de vandalisme ont été une occasion idéale pour la police afin de réprimer violement les actions et de s’en prendre à toute une communauté minoritaire en la criminalisant.
Je trouve que les manifestants ont raison de protester contre les fraudes électorales manifestes lors des élections au Congo. Cela ne veut absolument pas dire pour autant que j’ai la moindre confiance envers des figures du type de Tshisékedi, qui est aussi un pantin des puissances impérialistes comme Kabila ; et un ex-ministre de Mobutu. Mais ce qui anime surtout le sentiment des Congolais à Bruxelles ce n’est pas un soutien à Tshisékedi, c’est le sentiment que Kabila doit dégager. Pour moi, ce n’est que l’action indépendante des masses des travailleurs et de pauvres en Afrique qui est capable de mettre fin à la domination des pays impérialistes sur ce continent.