Changements climatiques : l’équilibre fragile de l’extrême Nord

Durant les dernières années, voire les derniers mois, différents phénomènes météorologiques inusités – que ce soit par leur force ou leur manifestation plus fréquente qu’à l’accoutumée – se sont produits. Que ce soit les tornades, les crues printanières, les canicules à répétition ou les trop nombreuses périodes de gel-dégel, tout le monde est affecté à divers degrés. Et ça, c’est juste pour le Québec. Ou plutôt, juste pour la partie la plus au sud du Québec.

Par Alexandra L., Alternative Socialiste (CIO-Québec)

L’extrême Nord canadien est pourtant un écosystème fragile dont nous dépendons toutes et tous. L’Inuit Nunangat est cette partie de l’Arctique canadien qui est composée de 51 collectivités réparties sur 4 territoires : l’Inuvialuit, le Nunavut, le Nunavik et le Nunatsiavut. Le mot inuit Nunangat sert à désigner la terre, l’eau et la glace. Les Inuits considèrent que leur terre natale fait partie intégrante de leur culture et de leur mode de vie.

Un équilibre fragile

Selon certaines sources, on évalue que dans un peu plus de 10 ans, la température annuelle moyenne du Nunangat sera proche de 2°C. La température annuelle moyenne est actuellement de -4,4°C à Kuujjuarapik. Le réchauffement climatique fait fondre des glaces éternelles causant une augmentation du niveau de la mer. Aujourd’hui, pas loin de 40% de la couverture de glace de mer a pratiquement disparu dans le Nunangat.

Dans une région où règne l’insécurité alimentaire, la chasse et la pêche sont des moyens de subsistance essentiels à la survie des communautés. Les personnes autochtones aînées ont constaté des changements dans les vents et les nuages, rendant difficile de prévoir la météo selon l’expertise traditionnelle. Certaines routes traditionnelles sont maintenant inaccessibles. Maintenant que les lacs et les rivières fondent plus vite, les routes sont dangereuses au printemps et le dégel du pergélisol rend les déplacements en VTT plus laborieux l’été.

L’insécurité alimentaire

De nos jours, 7% de la population canadienne vit dans l’insécurité alimentaire contre plus de 25% des Inuits, voire jusqu’à 70% selon certaines sources. Le coût des denrées de base est souvent de deux à trois fois plus élevé que dans les grands centres urbains. Les moyens de subsistance traditionnels sont donc essentiels pour la survie des Inuits. Malheureusement, les changements climatiques affectent aussi les animaux et les plantes. Les changements dans les courants marins apportent des contaminants. Les changements dans la végétation affectent la survie du gibier.

Le passage du Nord-Ouest

Depuis le début de la colonisation, on rêve de ce passage du Nord-Ouest qui aurait permis aux commerçants européens d’arriver en Asie plus rapidement. Pour les États impérialistes que sont les États-Unis, la Russie et le Canada, il est essentiel d’assurer le contrôle des eaux et des terres arctiques. Que ce soit dans le but de prospecter et d’extraire des ressources naturelles ou encore d’assurer sa prédominance militaire, la région est stratégique. La délocalisation forcée de familles d’Inukjuak à Grise Fiord et à Resolute dans les années 50 témoigne de cette volonté du gouvernement canadien d’occuper ces terres nordiques.

L’exploitation des ressources naturelles dans ces régions est potentiellement nuisible aux communautés y vivant. Elle a aussi un impact environnemental certain. Par exemple, l’exploitation par Baffinland Mining du secteur de Milne Inlet pourrait avoir un impact négatif sur les narvals qui fréquentent les lieux. L’augmentation du trafic maritime qui sera généré aura, elle aussi, un impact sur les écosystèmes de l’Arctique.

Il ne faut pas non plus négliger l’impact social, culturel et communautaire que pourrait avoir l’arrivée massive d’entreprises capitalistes sur les territoires Inuit. Le mode de vie des peuples inuits est basé sur des traditions ancestrales, la chasse et la pêche. Les ressources alimentaires traditionnelles se font plus rares et le coût du transport de denrées provenant du sud accentue l’insécurité alimentaire de plusieurs familles.

Dans le respect de la communauté

Il ne faut pas refuser d’emblée tout changement dans le Nunangat et les autres régions nordiques. La création d’emplois ainsi que le développement économique écologiquement responsable peuvent être profitables à toutes les communautés, à condition que celles-ci soient impliquées démocratiquement dans les décisions et qu’elles rompent avec la logique du libre marché. Il en va du droit fondamental de ces peuples à l’autodétermination. Personne ne connaît mieux qu’eux les enjeux de leurs territoires. Personne n’est mieux placé qu’eux pour les gérer.

Les États capitalistes comme le Canada rechignent à reconnaître le droit à l’autodétermination des peuples autochtones, car ils veulent contrôler les ressources pour les exploiter en toute impunité. Leurs profits en dépendent. Dans ce contexte, la lutte pour l’indépendance politique et économique du Nunangat est une lutte contre les intérêts des capitalistes canadiens et québécois.

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