A la mi-novembre, une entrevue a eu lieu à Zhenoazen, l’épicentre d’une grève longue de plusieurs mois de la part des travailleurs du pétrole au Kazakhstan. Cette rencontre s’est déroulée entre Birzhan Nurymbetov, vice-ministre du travail, le maire de la ville Orak Sarbopeyev et des représentants des travailleurs des firmes OzenMunaiGaz et KarazhanbazMunai. Des représentants desdites compagnies, de la ville, de la police et d’autres organismes d’Etat ont également assisté à cette réunion.
Concert de Solidarité avec les travailleurs du Kazakhstan, à Namur, ce vendredi 25 Novembre, au Cinex (plus d’infos).
D’après les grévistes, le vice-ministre du travail Nurymbetov a reconnu la poursuite de la grève et a offert aux travailleurs leur complète réintégration dans leur emploi, bien qu’il n’ait pas concédé de prime pour les travaux dangereux, motif qui avait déclenché la grève. Les travailleurs ont, pour l’instant, refusé cette proposition. D’autres négociations pourraient avoir lieu.
Ceci recouvre une importance majeure: le ministre a reconnu que les licenciements auxquels les compagnies avaient procédés n’ont pas valeur légale alors même que les tribunaux n’ont pas fini de statuer sur cette question. En acceptant cela, le ministre a de facto reconnu la grève qui était auparavant considérée comme terminée. Comme un signe de ‘‘bonne volonté’’, Nurymbetov a proposé aux grévistes que tous ceux qui avaient été licenciés pourraient être rétabli dans leurs fonctions mais sur base de leur ancien salaire.
Les représentants des travailleurs ont rejeté cette proposition. Ils ont fait valoir que l’une des principales exigences des grévistes devait d’abord être entendue. Il s’agit de la sortie de prison de l’avocate des grévistes, Natalia Sokolova, qui a été outrageusement condamnée à une peine de prison de 6 ans pendant la grève. Bien que la grève ait démarré sur base du mécontentement des travailleurs à propos de leurs salaires et de la demande d’une prime pour les travaux dangereux , Natalia Sokolova a été arrêtée et condamnée à la demande de la direction. Les grévistes ne veulent pas abandonner leur avocat.
Le vice-ministre du travail ne parle plus de trouver du travail pour les grévistes occupant d’autres sites de production. Sa rhétorique a complètement changé, avec un appel aux grévistes de retourner à leur ancien lieu de travail. Ceci est en contradiction avec la déclaration de Timur Kulibayev, fils du président et chef de file des principaux actionnaires de la compagnie pétrolière, qui a affirmé que la grève était finie et que 2 500 travailleurs avaient étés licenciés. Sa ‘‘solution’’ était d’offrir 250 emplois non qualifiés, à des salaires beaucoup plus faibles, sur d’autres lieux de travail.
Nurymbetov et son équipe ont proposé le début de ‘‘négociations supplémentaires’’ la semaine prochaine, dans le but de discuter en détail les exigences des travailleurs en grève dans les deux sociétés. Au cours de ces négociations, les deux parties auraient un nombre égal de représentants. Ils ont suggéré que les grévistes devraient être aidés par des représentants des syndicats ‘‘indépendants’’ de la ville de Karaganda, Belkin et Chaika, qui ont déjà démontré leur loyauté envers le gouvernement du Kazakhstan. Ces soi-disant syndicats ont contribué à miner la grève en mettant en avant que l’on devrait trouver du travail aux grévistes dans d’autres endroits.
Bien entendu, ces premières propositions de négociation, avec un programme peu clair et des participants dont la légitimité est douteuse, ne garantissent pas la résolution de la grève ni que les demandes des travailleurs seront satisfaites.
Une transparence et une démocratie maximale
Comme la crise au Kazakhstan s’approfondit, comme travailleurs dans d’autres secteurs préparent de nouvelles protestations et en raison des élections législatives du début de l’année prochaine, les autorités sont désireuses de résoudre la grève du pétrole. Elles craignent d’utiliser la force pour mettre fin au conflit, de peur de provoquer un conflit plus large. Elles ont décidé d’essayer de régler le différend grâce à divers types d’intermédiaires, de syndicats ‘‘officiels’’ (c’est à dire jaunes), pour tenter de trouver un compromis temporaire qui enlise la grève. Il semble qu’ils puissent essayer de former une ‘‘commission de réconciliation’’, c’est-à-dire de créer une diversion .
Il est donc important que des mesures soient prises afin d’assurer que les représentants des travailleurs pendant les négociations n’acceptent pas des conditions intolérables pour les grévistes. Il doit y avoir une transparence et une démocratie maximale au cours de ces discussions, avec des exigences claires et énergiques des grévistes.
Les travailleurs du pétrole en grève doivent élire leurs propres représentants, avec le droit de les révoquer à tout moment au cours des négociations. Les travailleurs doivent s’opposer aux ‘‘médiateurs’’ pro-gouvernementaux qui représenteront pas les intérêts des travailleurs mais essayeront plutôt de faire pencher la balance en faveur du gouvernement.
Toutes les négociations doivent être menées de façon ouverte et transparente, et toutes les décisions devraient être avalisées par un vote ouvert des grévistes et non par les négociateurs. Les négociations devraient être basées autour de la sortie de prison de Natalia Sokolova, demande centrale des grévistes et la réintégration de tous les travailleurs. Le rétablissement des quelques grévistes, tout en laissant les autres devant les portes, est le meilleur moyen pour les employeurs de diviser les grévistes. Cela donnerait aux employeurs la possibilité de se débarrasser des travailleurs les plus militants et des leaders. Tous les grévistes devraient être rétablis à leurs anciens postes de travail, là où ils ont travaillé avant et pas à d’autres postes avec des conditions différentes.
C’est en maintenant une position ferme et de principe que les grévistes et leurs représentants obtiendront un résultat positif pour les travailleurs du pétrole. Les gains réalisés pourront alors être consolidés en utilisant l’expérience de cette grève héroïque pour établir une union syndicale couvrant toutes les implantations du secteur pétrolier, avec des structures entièrement démocratiques et des dirigeants éprouvés et fiables.