Retour sur le dimanche noir précédent et la riposte antifasciste qui a suivi

Blokbuster, début des années ’90

24 novembre 1991. Le jeune Filip Dewinter lève un gant de boxe en l’air pour encourager ses partisans. Son Vlaams Blok (qui deviendra le Vlaams Belang en 2004) est devenu le plus grand parti d’Anvers et a franchi pour la première fois le seuil des 10% en Flandre. De 3 sièges fédéraux, le Blok est passé à 17 députés (12 à la Chambre, 5 au Sénat). Immédiatement, on a parlé d’un ‘‘dimanche noir’’. Le choc est grand. Des jeunes et des travailleurs déferlent dans les rues contre le racisme et l’extrême droite.

La percée de l’extrême droite entraine une riposte antifasciste

La percée du Vlaams Blok s’est déroulée dans un contexte de perte de confiance dans les partis traditionnels. Dès le début des années 1980, une politique d’austérité néolibérale a entraîné une baisse du niveau de vie d’une grande partie de la population. Cette tendance s’est encore renforcée après la chute du mur de Berlin et l’offensive idéologique néolibérale qui l’a accompagnée. Il n’était pas surprenant que le rejet des partis traditionnels, en particulier des socialistes censés défendre les travailleurs, ait tant augmenté. Tout comme en France avec le FN, le Vlaams Blok a pu en profiter. Parallèlement, la violence raciste a fortement augmenté en Allemagne de l’Est, avec 3 morts et 449 blessés dans 1.300 cas enregistrés en 1991.

Cela a immédiatement suscité une réaction. Les jeunes et les travailleurs voulaient montrer leur rejet du racisme et de la violence raciste et de grandes manifestations nationales ont eu lieu, mais surtout des dizaines d’actions locales. Des actions ont été organisées contre de nombreuses réunions locales du Vlaams Blok. Au cours de l’été 1991, la campagne antifasciste Blokbuster a été créée par les marxistes qui forment aujourd’hui le PSL. L’objectif était d’organiser la colère des jeunes contre le racisme et le fascisme et de discuter des réponses à apporter autour de slogans tels que ‘‘Des emplois, pas de racisme’’ et ‘‘32 heures par semaine sans perte de salaire’’. Ces revendications entendaient s’en prendre au terreau fertile de l’extrême droite et apportaient une réponse sociale. Bientôt, il y eut environ 50 comités Blokbuster avec plusieurs milliers de jeunes antifascistes organisés en leur sein.

Blokbuster a pris l’initiative d’organiser une manifestation européenne, entre autres après le choc de la violence raciste mortelle exercée contre des demandeurs d’asile à Rostock, en Allemagne. Le 24 octobre 1992, un an après le dimanche noir, 40.000 jeunes et travailleurs ont ainsi manifesté à Bruxelles contre le racisme ! Un an plus tard, une nouvelle ‘‘Marche des jeunes pour l’emploi’’ a suivi, faisant suite aux précédentes grandes manifestations de 1982 et 1984. Entre-temps, le 24 novembre de chaque année, des grèves scolaires et étudiantes prenaient place contre l’extrême droite et le racisme. Beaucoup de jeunes actifs contre le Vlaams Blok dans les années 1990 sont devenus plus tard des délégués syndicaux très actifs et combattifs.

Similitudes et différences entre 1991 et aujourd’hui

26 mai 2019, nouveau dimanche noir. Le Vlaams Belang relégué dans l’arrière-cour électorale à partir de 2006 a fait un retour spectaculaire. Ceux qui pensaient que la N-VA coupait l’herbe sous le pied de l’extrême droite en sont pour leurs frais. La politique antisociale du gouvernement fédéral a poussé la N-VA à mettre de plus en plus l’accent sur les réfugiés. Cela a rendu le racisme plus acceptable, au grand bonheur du Vlaams Belang. En outre, le VB a instrumentalisé la colère contre le politique menée par la N-VA et le gouvernement.

D’importantes différences existent entre le dimanche noir actuel et celui de 1991. Aujourd’hui, le Vlaams Belang fait un score plus élevé que le Vlaams Blok à l’époque. Alors que le Blok était avant tout un phénomène urbain, les résultats les plus élevés du Belang ont été obtenus dans les zones périurbaines et à la campagne. Le Vlaams Belang n’est plus un phénomène neuf : en 2004, le parti a remporté jusqu’à 24% des voix. Par rapport à 1991, les partis traditionnels et toutes les institutions de l’establishment sont encore plus discréditées. Autre différence : il existe aujourd’hui une gauche radicale au Parlement, ce qui signifie que le débat officiel ne se limite pas aux partis établis et à l’extrême droite. Avec une présence parlementaire et une position forte dans le mouvement ouvrier, le PTB peut apporter une contribution importante à la résistance contre la politique d’austérité et contre l’extrême droite.

Des similitudes existent aussi avec la situation des années 1990. Beaucoup de jeunes n’ont pas encore connu le Vlaams Belang en tant que menace réelle, après plus de 10 ans d’érosion de l’extrême droite. Ils sont choqués par la percée du VB et par le fait que les organisateurs de forums de discussion néonazis, racistes, sexistes et homophobes siègent maintenant au parlement. Comme au début des années 1990, la croissance du VB s’est accompagnée d’un grand nombre de déclarations inacceptables, d’intimidation et de violence raciste. Beaucoup de jeunes et de travailleurs veulent riposter. C’est important : la mobilisation limite la portée de l’extrême droite dans la rue. En même temps, elle offre l’occasion de discuter de nos réponses au terrain fertile de l’extrême droite. Blokbuster a défendu cette approche dans le mouvement antiraciste des années 1990 et a continué ses activités alors que l’extrême droite était moins considérée comme une menace concrète. Nous entendons continuer sur cette voie.

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