Sombres perspectives budgétaires pour la région Bruxelles-Capitale

Tunnel Kortenberg à Bruxelles. Photo : Wikimedia

Les investissements nécessaires se heurtent au carcan budgétaire

En début d’année, le Bureau fédéral du Plan publiait ses perspectives : le déficit budgétaire serait de 7,7 milliards € au Fédéral cette année. Il s’envolerait ensuite à près de 10 milliards en 2020. En mai, c’est le Centre de Recherches en Économie Régionale et Politique Économique (CERPE) de l’Université de Namur qui a sorti ses perspectives pour le budget de la Région Bruxelles-Capitale : le prochain exécutif ne disposera d’aucune marge budgétaire pour de nouveaux investissements publics et la dette de la région passerait de 4 à 8 milliards € de 2019 à 2024 !

Par Nico M. (Bruxelles)

Dans le cadre du pacte européen de stabilité et de croissance, les différents gouvernements doivent remettre leur budget à la Commission européenne pour être validé. Ce mécanisme assure que l’austérité soit appliquée à tous les niveaux de pouvoir, il est d’ailleurs utilisé par les politiciens traditionnels comme excuse pour leurs politiques asociales. Au vu des dépenses d’investissements à Bruxelles (275 millions en 2018, près du double en 2019) ce mécanisme ne permettra pas de marges pour d’autres investissements, à moins de geler des projets qui semblent inéluctables comme la rénovation des tunnels ou l’extension du métro.

Une situation ni nouvelle ni isolée

Le problème est profond : ce sont des décennies de sous-financement qu’il faut chercher à combler. Avec leur politique d’austérité, les gouvernements successifs ont transféré les moyens publics vers les profits des grandes entreprises, ou dans le sauvetage des banques. Les investissements publics en Belgique ont chuté de moitié en 25 années. Pour atteindre le niveau des années 70, il faudrait investir environ 15 à 20 milliards d’euros par an.

Des budgets limités mais des besoins massifs : Bruxelles s’effondre littéralement

Les chaussées effondrées dues aux canalisations vétustes illustrent les défis. Vivaqua prévoit de rénover 1,1% du réseau de distribution et 1,3% du réseau d’égouttage par an d’ici 2024. Problème : il faudra trouver 85 millions chaque année pour ne pas creuser la dette. Du coup c’est une hausse des factures d’eau pour les consommateurs qui est maintenant envisagée. Le manque de places de crèches, de logements sociaux, de classes d’école, les collections qui pourrissent à cause de l’humidité dans les caves des musées ou encore les tunnels bruxellois, sont autant d’exemples des graves carences dans l’infrastructure.

Le manque de financement public touche aussi les travailleurs : manque de personnel, surcharge de travail, salaires sous pression… Les syndicats des administrations locales et régionales de la capitale mènent campagne depuis un an pour notamment des hausses de salaires de 10% et la suppression du barème le plus bas. Depuis, c’est le personnel soignant des hôpitaux qui est entré en lutte face au sous-effectif.

Enfin, le mouvement de grèves internationales de la jeunesse contre le réchauffement climatique a forcé tous les partis traditionnels à promettre des investissements publics dans la transition écologique durant la campagne, par exemple dans les transports publics.

Briser les carcans budgétaires

Nous sommes pour un programme politique qui parte des besoins et qui cherchent les moyens de les combler. Après des années de négligence, il nous faut un plan radical d’investissements publics. Le débat crucial autour des limites budgétaires prend donc place plus largement aujourd’hui notamment autour des négociations avortées entre PS et PTB. C’eut été une occasion importante pour la gauche de tracer une perspective qui ne repose pas sur une logique de limites budgétaires volontairement imposées. Au contraire, pour que les intérêts de la population soient prioritaires, il faut briser la camisole financière.

Face au manque de moyens publics, les partenariats public-privé ou les privatisations sont brandis comme l’alternative. La solution n’est pas l’avidité des entreprises qui vont chercher le profit maximal. Peut-on s’attendre à un assouplissement des règles budgétaires strictes et sortir certains investissements extraordinaires en dehors des calculs de la commission ? Mais alors qu’en est-il du manque d’effectifs en personnel, des demandes d’augmentation de salaires etc. Ceux-ci continueront à se heurter aux limites des budgets ordinaires. Qui va choisir quels investissements seront ou non comptabilisés ? Qui va nous faire croire que la dette publique ne sera pas approfondie et donc utilisée pour nous imposer de nouvelles cures d’austérité ?

Nous sommes d’accord avec le PTB quand il explique qu’il faut ‘‘rompre avec les règles d’austérité imposées pour investir dans les besoins sociaux et écologiques’’. Mais alors le programme et les campagnes électorales doivent servir à préparer les électeurs, la classe des travailleurs aux défis que cela suppose.

Un gouvernement progressiste qui voudrait briser les règles budgétaires devra compter sur la construction à la base d’un rapport de force. Une campagne électorale doit populariser largement cela et éviter les illusions concernant les promesses électorales. Une telle politique devra reposer sur la lutte collective pour le non-paiement de la dette publique, la mise sous propriété publique des banques et des secteurs-clés de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité. Et ainsi assurer que les moyens ne soient pas mobilisés dans des placements spéculatifs ou dans les poches des actionnaires, mais puisse servir de source de financement aux investissements publics nécessaires.

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