Une lettre ouverte de Merlin de Halleux, caporal chez les pompiers de Bruxelles.
Hier, avec mes collègues nous sommes descendus dans la rue. Je me dois de dire quelques mots à ce propos parce que le traitement qui en est fait dans la presse est au mieux incomplet et ne décrit pas ce que nous vivons. Mais comment reprocher aux gens de ne pas saisir les problématiques d’un milieu si fermé que celui des secours et à fortiori des pompiers ?
Il se fait qu’être pompier c’est assumer un grand nombre de situations, auquel le commun des mortels ne peut ou ne veut pas être confronté. Au delà des attentats qui ont profondément marqué un grand nombre de collègues, qui ont et auront à jamais ces images en eux, il faut aussi savoir que notre métier est usant par un grand nombre d’aspects : la misère sociale, la violence croissante de la société à mesure que la pauvreté s’installe, les cancers auxquels nous sommes exposés, ne sont que quelques facettes de ce que nous devons affronter.
Et ces sacrifices nous y consentons et nous défendons les gens, jours après jours, avec ferveur et dévotion. Mais ces dernières années, les difficultés s’accumulent pour nous : tout d’abord une réforme qui devait venir améliorer la situation des secours de Belgique a tourné en une vaste opération de promotion des officiers au détriment de la base. Cela a clairement créé un fossé entre nous et les instances dirigeantes et politiques.
Ensuite, des problèmes de corruption (n’ayons pas peur des mots) ont éclaté, entraînant une série de difficultés pour les hommes qui se voient privés de matériels, de tenues convenables, parfois même de chaussures. Cet hiver plusieurs casernes ont connu des pannes de chaudières tellement celles-ci sont mal entretenues et vétustes. Nous montons régulièrement de garde en sous effectif en raison du manque de personnel.
La liste est longue de problèmes que nous rencontrons et dans la plupart des cas c’est les pompiers qui payent les erreurs venant d’en haut. Alors quand, suite à une erreur fiscale et à un conflit entre l’ONSS et le Service d’Incendie de Bruxelles, on nous a annoncé des changements dans notre mode de rémunération et que nous avons appris que celui-ci serait avantageux pour les officiers et défavorable pour les pompiers, cela a été la goutte qui a fait déborder le vase.
Par ailleurs, il est clair qu’en se penchant plus avant sur cette proposition il apparaît que celle-ci est une voie royale vers un changement d’horaire de travail (de 24h de garde vers 12h de garde). Ce nouvel horaire permettrait à nos chers politiques de faire en sorte que nous soyons moins nombreux la nuit que la journée, ce qui est tout bonnement inacceptable. Inacceptable pour les pompiers mais aussi pour la population qui serait clairement mise en danger.
En clair, les politiques envisagent d’économiser sur les dépenses liées aux pompiers sans se soucier de l’impact que cela aura sur les conditions de travail et sur l’efficacité du service. Il me semble que nous ne méritons pas un tel traitement. Les gens méritent qu’on donne les moyens à ceux qui s’engagent corps et âme dans la protection de la population de pouvoir travailler dans des conditions qui ne soient pas en soit, une épreuve supplémentaire.
=> Bruxelles. Les pompiers ripostent pour défendre leurs primes de garde et de spécialisation