Deux démocraties ?

Photo : Jean-Marie Versyp

Dans le cadre du capitalisme en crise, le démantèlement de la Belgique est inévitable

Le discours de Bart De Wever a été repris par les médias francophones : il y a deux démocraties en Belgique. Mais ce constat ignore les similitudes : la punition des partis au pouvoir, l’érosion des partis traditionnels (la Belgique francophone rejoignant une tendance européenne déjà bien entamée en Flandre) et la percée des partis radicaux – en d’autres termes, la déroute du centre politique.

Par Anja Deschoemacker

Mais bien sûr, on ne peut contourner le fait qu’en Flandre, la droite et l’extrême droite sont les plus grandes formations. En dépit de ses pertes électorales, la N-VA reste incontournable pour le gouvernement flamand, alors qu’en Wallonie et à Bruxelles les partis de gauche modérés et radicaux forment le groupe le plus important, le PS étant incontournable pour les gouvernements wallon et bruxellois, également en dépit de ses pertes.

S’interroger sur le choix des électeurs montrera à nouveau que la majorité des électeurs de la N-VA et du VB n’ont pas voté pour ces partis en raison de leur nationalisme flamand. Cependant, les partis nationalistes flamands ont maintenant 43% des voix, et ce sans compter les nationalistes flamands au sein du CD&V. Mais le rêve de la N-VA – parvenir à grandir jusqu’à devenir majoritaire – s’est brisé. Les nationalistes flamands modérés qui étaient prêts à mettre la question communautaire en suspens en échange d’une politique de droite thatchérienne ont perdu des voix au profit des nationalistes ‘‘durs’’ du VB. Des comparaisons sont effectuées avec la Catalogne, où le CIU nationaliste modéré bourgeois d’Arthur Mas a joué du tambour nationaliste, mais n’a pris des mesures en vue d’un référendum que lorsqu’il y a été contraint par son affaiblissement en faveur de formations nationalistes plus radicales telles que l’ERC. La manière dont la N-VA va faire face à cette pression deviendra claire dans les semaines et les mois à venir.

Comment les autres partis flamands feront-ils face à ce nouveau paysage électoral ? La réalité des régions et des communautés a déjà conduit tous les partis flamands (à l’exception du PTB) à adopter un profil ‘‘flamand’’ dans le passé. C’est encore clair aujourd’hui, par exemple dans l’appel presque unanime de la Flandre pour l’abolition des zones de police à Bruxelles et même des communes. Quel soutien apporteront-ils à des projets concrets lorsqu’ils seront mis sur la table ?

À court terme, toutes les discussions porteront sur la formation extrêmement difficile d’un gouvernement fédéral. De Wever exclut de gouverner avec PS et Ecolo et déclare en même temps qu’un gouvernement fédéral doit inclure une majorité flamande. La combinaison des deux rend impossible un gouvernement fédéral. En même temps, la bourgeoisie usera de toute son influence pour éviter une autre longue période sans gouvernement. Les partis flamands traditionnels et Groen seront-ils tentés par cette pression de constituer un gouvernement fédéral sans la N-VA? Ou vont-ils céder à la pression de la N-VA pour exclure le PS, ce qui signifierait immédiatement un nouveau gouvernement sans majorité francophone ?

Cela soulève l’autre question très importante : quelle sera la réaction en Belgique francophone ? Pour former une majorité fédérale sans le VB, il ne suffit pas de compléter le gouvernement précédent par le cdH (s’il est prêt à le faire). Peut-on acheter Ecolo/Groen avec une loi climat? Et qui fera la meilleure offre: la N-VA ou le PS ?

Sous la pression de ces résultats, un nouveau front flamand peut-il être conclu pour faire avancer la réforme de l’État dans le sens du confédéralisme ? Récemment, le CD&V s’est à nouveau exprimé en tant que sympathisant de l’idée. Ce résultat peut-il être utilisé par la bourgeoisie pour affaiblir la sécurité sociale, qui est un acquis central du mouvement ouvrier déjà mis à mal par le biais de sa régionalisation ? Si cela devient le scénario, le rêve politique de Bart De Wevers – ‘‘enfumer’’ les Wallons – deviendra réalité. Après tout, la Belgique n’est pas principalement unie par des institutions bourgeoises, mais par une véritable solidarité dans des réalisations telles que la sécurité sociale, les négociations salariales centrales, les syndicats nationaux, etc. Il ne s’agit plus seulement de ‘‘deux démocraties’’, mais aussi de ce que fera Bruxelles. Il s’agit d’une région où le peuple flamand dispose d’un droit de veto, mais où seulement 16% de la population a voté pour des listes flamandes (dont seulement 18,3% pour la N-VA et 8,3% pour le VB).

Beaucoup de questions, mais il est clair qu’avec l’affaiblissement de ses partis, la bourgeoisie a perdu encore plus de contrôle sur la situation. La seule force qui peut en prendre le contrôle en développant un programme qui réponde aux besoins de chacun est le mouvement ouvrier. Tout pas vers un nouveau gouvernement de droite doit recevoir une riposte vive des syndicats. Chaque gouvernement doit être mis sous pression par une action de masse autour de revendications centrales telles que le salaire minimum, de meilleures allocations sociales, la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire,…

Le nombre d’élus que le PTB/ PVDA a envoyé aux parlements est une bonne chose. Mais ce ne sera vraiment un grand pas en avant que si ces positions sont utilisées pour que la classe des travailleurs marque de son empreinte les développements à venir.

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