Arco : l’échec de la ‘‘banque éthique’’

L’idée selon laquelle les membres des institutions coopératives déterminent la politique de ces institutions et sont donc capables de mettre l’accent sur des objectifs éthiques est fortement remise en cause par la crise de Dexia. Dexia n’est pas seulement une banque qui s’écroule, c’était la banque des communes et du mouvement ouvrier chrétien.

Article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

La scission de Dexia et la dépréciation des actions de cette banque ont de profondes implications pour le Groupe Arco qui est le holding coopératif du Mouvement ouvrier chrétien. Le groupe dit vouloir défendre et gérer les intérêts financiers et économiques de ses membres et ce ‘‘de façon durable et avec une forte préoccupation pour les aspects relatifs à l’économie de l’entreprise et aux aspects sociaux, environnementaux et éthiques.’’ Arco compte près de 800.000 membres et contrôle 13% de Dexia.

Lors de sa nomination à la tête d’Arco, en 2007, Francine Swiggers n’avait, selon les termes de La Libre, ‘‘pas l’air de vouloir jouer les révolutionnaires’’ quand elle affirmait “Je plaide pour la continuité. Mais je ne peux pas dire que notre stratégie actuelle est valable pour l’éternité”. Effectivement, ce n’était pas valable pour l’éternité…

Le groupe Arco s’engageait à ce que les opérations financières prennent toujours en compte ‘‘les intérêts du personnel, des clients et de la société en général.’’ Maintenant que la bulle spéculative de Dexia a éclaté, cela semble bien cynique. Par le biais d’Arco, c’est le Mouvement ouvrier chrétien qui est aussi entré dans la logique néolibérale du pari et de la spéculation afin d’engranger des gains à court terme. Cette politique a été dessinée par le Président Dehaene, soi-disant proche de l’ACW, le Mouvement ouvrier chrétien en Flandre.

Arco provient de la Fédération nationale des coopératives chrétiennes (FNCC), créée en 1935. Francine Swiggers, Présidente du Comité de Direction de la société Arco, est aussi le trésorier national de l’aile flamande du MOC. Arco est un vestige des coopératives des années 30. La coopérative socialiste ‘‘Banque du travail’’ a, elle, péri en 1934 lors de la tempête financière de l’époque consécutive à la crise capitaliste. La FNCC a survécu et est devenue Arco.

De nombreux membres du MOC ont finalement atterri à la banque Dexia via la banque Bacob. Au sein de l’aile chrétienne des ouvriers, ceux qui avaient des économies à la Bacob ont rapidement été sollicités pour acheter des actions d’Arco en échange d’un dividende annuel et d’un certain nombre d’avantages pratiques (y compris une aide juridique, mais aussi par exemple une réduction sur les billets pour le parc de loisir Efteling). Cette participation financière était présentée comme un investissement solide, un investissement sur l’avenir.

Mais le gouvernement a dû intervenir avec une garantie de l’État parce que les placements d’Arco n’étaient, en fait, pas si sûrs que ça… et ce qui est ‘‘social’’ ou ‘‘éthique’’ dans l’implication de Dexia dans les jeux de spéculation n’est pas très clair ! Les 800.000 membres de la société Arco ont été busés.

Du côté du MOC, il n’y a pas d’évaluation sur la façon dont les affaires de la banque coopérative ‘‘éthique’’ sont devenues un casino spéculatif. Le grand patron du MOC flamand, Patrick Develtere, également administrateur de Dexia, place la responsabilité pour ces problèmes sur le dos de la récession américaine: ‘‘La banque n’a pas eu le temps de rectifier les erreurs du passé. La cause réside dans la maladie américaine. Pendant que la banque était encore en train d’en éliminer les conséquences, elle a été frappée par la crise de la dette européenne.’’ Develtere n’a pas l’intention de démissionner comme administrateur de Dexia: ‘‘Nous aspirons encore et toujours à une relation durable à long terme avec Dexia.’’

Malgré la garantie de l’Etat pour les membres d’Arco, beaucoup de membres du MOC se sentent floués par une politique qui a été soutenue par leurs dirigeants. L’échec de cette politique n’est pas simplement à imputer à la ‘‘maladie américaine’’, mais à la complète adhésion à l’idéologie néolibérale de profits à court terme grâce à la spéculation. C’est avec cela que la direction du Mouvement ouvrier chrétien doit rompre.

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