Sri Lanka. Non aux attentats terroristes ! Unis, les travailleurs peuvent repousser le racisme et la division

L’United Socialist Party au Sri Lanka, la campagne Tamil Solidarity et le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) condamnent fermement les attaques atroces qui ont eu lieu au Sri Lanka le dimanche de Pâques (21-04-2019).

Des attaques bien coordonnées ont eu lieu en huit endroits, dont trois églises qui se remplissaient alors à l’occasion des prières du dimanche de Pâques. Outre six sites à Colombo, des églises célèbres à Negambo et Batticalo ont également été visées. Au moment de rédiger le présent article, on estime que plus de 300 personnes ont perdu la vie et plus de 500 autres sont blessées. Il semblait que le nombre de morts devait encore augmenter. Les victimes de cette attaque aveugle venaient de tous les principaux groupes ethniques et religieux du Sri Lanka : des gens parlant les principales langues, le tamoul et le cinghalais, de même que des musulmans, des hindous, des bouddhistes ainsi que des chrétiens. Des Britanniques, Chinois, Néerlandais, Portugais et Turcs qui étaient dans le pays sont également décédés dans l’attaque.

On ne sait toujours pas qui était derrière tout cela. Personne n’en a encore revendiqué ces attaques. Le gouvernement sri-lankais affirme que les attaques ont été perpétrées par des « extrémistes religieux ». On ne sait pas très bien quel groupe est à l’origine de ces attaques insensées. Le premier ministre a établi un lien entre ces meurtres et l’attaque qui a eu lieu en Nouvelle-Zélande. Dans cette incertitude, la peur s’empare du pays. Le gouvernement a fermé tous les médias sociaux et a déclaré l’urgence nationale ainsi qu’un couvre-feu. L’armée s’est déployée dans les rues alors que le gouvernement continue de maintenir le pays dans une atmosphère très tendue.

Le choix des lieux où les attentats ont été commis et l’extrémisme religieux qu’ils révèlent ont choqué toutes les communautés. Bien que des massacres de cette nature n’aient jamais eu lieu dans l’histoire du Sri Lanka, les meurtres violents ne sont pas choses neuves. Cette année marque le dixième anniversaire de la fin brutale de la guerre civile qui a duré trois décennies. Plus de 140.000 personnes auraient péri au cours de la dernière phase de la guerre uniquement. Le principal parti d’opposition actuel, le Sri Lanka Freedom Party (SLFP) et l’ancien président Mahinda Rajapaksa et sa famille sont largement responsables des massacres génocidaires perpétrés contre la minorité tamoule durant la guerre avec les LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul) qui ont combattu pour disposer d’une nation séparée. Dans le passé, le clan Rajapaksa contrôlait une grande partie de l’appareil d’État, y compris le ministère de la Défense.

Depuis la fin de la guerre en mai 2009, les tensions entre les trois principales communautés vivant au Sri Lanka se sont considérablement exacerbées. Aucune mesure concrète n’a été prise pour améliorer les conditions de vie des dizaines de milliers de victimes de la guerre. Nombre d’entre elles sont toujours détenues en tant que prisonniers politiques. Aucune mesure n’a été prise pour régler la question des disparitions ou celle de la libération des terres occupées par l’armée. Les droits démocratiques continuent d’être bafoués.

Le triomphalisme de la famille de Mahinda Rajapaksa dès la fin de la guerre a renforcé le chauvinisme bouddhiste. Bien que l’extrémisme bouddhiste ne soit soutenu que par une petite minorité de la population majoritaire cingalaise de l’île, il a été consciemment encouragé par la famille de Mahinda Rajapaksa. L’ancien ministre de la défense Gotabaya Rajapaksa a été directement impliqué dans la création du Bodu Bala Sena (BBS), une organisation de moines bouddhistes ouvertement raciste. Cette organisation a ciblé la communauté musulmane. Leur propagande haineuse a débouché sur un certain nombre d’attaques contre la minorité musulmane. En outre, les sentiments anti-musulmans ont été renforcés, en particulier dans la partie orientale du Sri Lanka où vivent la majorité des musulmans.

Jouer sur ces divisions est considéré comme nécessaire par ceux qui cherchent à retourner au pouvoir sans rien n’avoir à offrir à la masse des gens ordinaires. Ils cherchent donc à disposer d’une base parmi les groupes de droite et leurs partisans tels que Gotabaya Rajapaksa. Gotabaya a créé une organisation appelée Eliya à cet effet. Les membres dirigeants de cette organisation prônent ouvertement la haine contre d’autres communautés, en particulier contre les musulmans parlant la langue tamoule.

L’expulsion de tous les musulmans du nord par les LTTE dans les années 1990 a ouvert de larges divisions entre les Tamouls hindous principalement basés au Nord et les musulmans. Les blessures infligées au cours de cette expérience ne sont pas encore complètement cicatrisées. Depuis les émeutes de 1915 contre les musulmans, la communauté musulmane du Sri Lanka est la cible de toutes sortes de préjugés, elle se sent marginalisée. L’isolement qui en résulte et la crainte justifiée d’une attaque contribuent à une situation où les dirigeants autoproclamés ont bénéficié d’une énorme autorité alors qu’ils se présentent comme une voix forte pour la communauté. Cependant, ce séparatisme n’a pas permis d’améliorer les conditions de vie de la majorité des musulmans qui vivent dans une pauvreté extrême.

Cette situation ainsi que les événements mondiaux ont entraîné l’émergence d’un certain radicalisme religieux d’extrême droite au sein de la population musulmane. Cependant, seule une petite minorité de la population musulmane souscrit à ces idées. La majorité de la population musulmane s’oppose aux idées de l’islam politique de droite. Il est également bien connu dans le passé que le gouvernement sri-lankais a formé des groupes paramilitaires et les a armés afin de les utiliser dans la guerre contre les LTTE. Pendant de nombreuses décennies, les gouvernements de droite du Sri Lanka ont trouvé les diverses formes d’extrémisme religieux utiles pour les mobiliser, promouvoir la violence intercommunautaire et, en fin de compte, maintenir leurs régimes instables en place.

C’est pour cela que beaucoup de gens soupçonnent aujourd’hui que le ministère de la Défense – ou du moins les partisans de l’ancien ministre de la Défense – est impliqué d’une manière ou d’une autre dans ces attaques. Le ministre de premier plan Mano Ganesan a admis que les agents de la Division de la sécurité ministérielle (DSM) avaient été avertis il y a quelques jours que des kamikazes visaient des politiciens. Il est également apparu que de nombreux ministres et leurs familles se sont préparés à se protéger contre toute attaque éventuelle. Le gouvernement sri-lankais n’a absolument pas averti la population de cette nouvelle et n’a fait aucun effort pour empêcher cette attaque.

Les forces de droite ont déjà toutes tenté de tirer profit de ces horribles meurtres. Tout en prétendant être solidaires de toutes les communautés et en prêchant l' »unité », ils propagent déjà la haine. Les partisans du Premier ministre indien Narendra Modi tentent de tirer parti de cette tragédie en affirmant qu’il s’agit d’une attaque organisée par des ressortissants pakistanais. Le célèbre homme politique de droite Subramaniyam Swamyam a déjà appelé au retour de la famille Mahinda pour contrer Daesh. Il a également appelé à voter en faveur de Modi pour éviter que de tels événements ne se produisent en Inde.

Bien que le gouvernement sri-lankais et tous les partis de droite aient lancé des appels à la « paix et à l’unité », leurs partisans et leurs dirigeants sont déjà en train de répandre la haine. Le personnel lié à l’organisation Eliya, dirigée par Gotabaya Rajapaksa, n’a pas manqué d’audace en contactant les principaux organisateurs de Tamil Solidarity pour leur demander de coopérer contre le « terrorisme islamique ». Ils ont prétendu qu’il s’agissait d’une intervention étrangère. La campagne Tamil Solidarity condamne ces attaques et collaborera avec toutes les forces véritablement en défense des droits de toutes les communautés. Mais c’est précisément la politique de division et de bellicisme de Rajapaksa et de ses partenaires qui a attisé la flamme de la division religieuse et ethnique dans le pays. Tamil Solidarity a donc rejeté cette proposition.

Il existe une crainte généralisée que des représailles puissent être exercées contre la minorité musulmane, en particulier par les extrémistes bouddhistes. La tension entre les Tamouls et les musulmans de l’Est peut également s’exacerber. Les gouvernements sri-lankais faibles ont toujours eu recours à la division ethnique et religieuse pour se consolider et rester au pouvoir. Gotabaya Rajapaksa, en particulier, devrait selon toutes vraisemblances se servir de cet incident pour se remettre en évidence et revendiquer son statut de candidat aux prochaines élections présidentielles.

Cependant, en peu de temps, les travailleurs et les pauvres de toutes les communautés ont démontré que d’autres puissantes traditions existent au Sri Lanka : celles de la solidarité. A l’hôpital de Kalmunai, une foule immense s’est réunie pour faire don de sang. Ce fut aussi le cas dans les hôpitaux du nord, dominé par les Tamouls, ainsi que dans le sud, dominé par les Cinghalais. Le Sri Lanka a une très longue histoire de lutte unitaire. L’United Socialist Party (USP, section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Sri Lanka) s’inscrit dans cette tradition et continue de lutter pour construire une lutte unifiée de la classe ouvrière afin d’arracher tous les droits démocratiques, y compris le droit à la religion, la liberté d’expression et de réunion, le droit de grève et les droits nationaux des Tamouls. L’USP soutient également qu’il ne suffit pas de lutter pour des revendications démocratiques et souligne que la lutte unifiée doit s’en prendre au système capitaliste et établir une économie socialiste démocratiquement planifiée afin de mettre fin à toute oppression.

On ne saura peut-être jamais qui est derrière ces meurtres odieux. Mais nous pouvons nous opposer ensemble aux conditions qui constituent le terreau propice à la menace d’attentats terroristes.

Nous devons nous unir pour lutter en faveur de meilleures conditions de vie et de droits démocratiques pour tous. Nous devons nous opposer à toute propagande la haineuse et diviseuse reposant sur les boucs émissaires. Seules la classe ouvrière et les masses pauvres paient le prix de ces attentats terroristes.

La classe capitaliste au pouvoir saisit toujours cette occasion pour réprimer nos droits démocratiques et consolider davantage son emprise sur le pouvoir. Tout en condamnant cette terreur, nous devons également nous opposer à l’hypocrisie de l’État sri-lankais qui est lui-même un État terroriste. L’action de unifiée de la classe ouvrière et la construction d’organisations de masse de la classe ouvrière est la seule chose qui peut nous protéger contre les divisions futures et l’escalade d’attentats qui pourraient survenir à l’avenir.

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