8 mars. Hong Kong – Les travailleuses migrantes en lutte contre l’esclavage moderne


‘‘Ma première expérience en tant que travailleuse domestique à Hong Kong a été très mauvaise, je n’ai pas eu de jours de congé et l’employeur m’a même confisqué mon téléphone portable’’, raconte Mica, une travailleuse domestique migrante de 27 ans originaire d’Indonésie. La bataille que Mica a dû mener pour se sortir d’un contrat de travail cauchemardesque et éviter d’être expulsée de Hong Kong l’a poussée à s’organiser.

Par Socialist Action (CIO-Hong Kong)

Elle a rejoint le groupe indonésien de militantes migrantes KOBUMI, qui coopère étroitement avec Socialist Action dans diverses campagnes, et organise avec nous une manifestation à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes pour défendre des revendications propres aux migrants mais aussi en solidarité avec les luttes féministes mondiales.

Notre manifestation aura lieu à Hong Kong le dimanche 10 mars, le seul jour de congé pour les travailleurs domestiques migrants. Et certains n’ont même pas ça. Selon une nouvelle étude, environ six pour cent d’entre eux se voient refuser le moindre jour de congé, en toute illégalité.

‘‘L’employeur a refusé de me donner des congés, j’ai travaillé pendant trois mois sans prendre un seul jour de congé’’, nous explique Mica. ‘‘Le travail était très dur. Le patron avait fait une liste de mes tâches et du nombre de minutes que je pouvais y consacrer. On m’a accordé 15 minutes pour emmener l’enfant à l’école et ensuite revenir à la maison. Me rendre à l’école et au supermarché étaient les seules occasions où j’avais le droit de sortir. Ils avaient pris mon téléphone pour le placer sous vidéosurveillance afin de voir si je l’avais utilisé pendant la journée en leur absence. Une fois rentrés, ils vérifiaient ce que j’avais fait en leur absence grâce aux caméras.’’

Aussi mauvais que ça puisse paraître, il y a des histoires encore pires que celle de Mica. 380.000 travailleurs domestiques migrants représentent 10 % de la main-d’œuvre de Hong Kong. La plupart sont issus d’Indonésie et des Philippines et travaillent ici pendant des années, voire des décennies, en ne voyant leurs propres enfants et leurs familles qu’une fois par an. Amnesty International qualifie cela de ‘‘sorte d’esclavage des temps modernes’’. Les conditions de vie des femmes migrantes sont souvent bien pires en Arabie saoudite et dans les États du Golfe – Hong Kong est généralement considérée comme un « paradis » en comparaison.

Beaucoup de travailleuses domestiques ont vécu des expériences terribles. Les heures de travail sont longues pour des salaires de misère, mais il y a aussi des violations telles que la confiscation de passeports, de cartes bancaires et de téléphones. Les abus physiques et sexuels constituent de graves problèmes qui ne sont souvent pas signalés par les victimes de peur d’être licenciées et de devoir quitter Hong Kong.

En février, une employée de maison philippine, Baby Jane Allas, a été diagnostiquée d’un cancer du col de l’utérus. Son médecin lui a prescrit un congé de maladie mais, peu de temps après, ses employeurs ont mis fin à son contrat, ce qui l’obligeait à quitter Hong Kong dans les deux semaines, selon ce qui est prévu par la loi. De cette façon, elle serait tout simplement privée de soins. Allas est une mère célibataire qui subvient aux besoins de cinq enfants aux Philippines. Des sympathisants et des amis l’aident aujourd’hui à porter l’affaire devant les tribunaux locaux et à demander une prolongation de visa.

Pour le gouvernement de Hong Kong, les migrantes sont un moyen bon marché pour combler le vide créé par son refus d’investir dans les services publics tels que la garde d’enfants et les soins aux personnes âgées. Ces secteurs sont affamés alors que l’argent coule à flots vers les magnats capitalistes.

Un gouvernement des riches et une exploitation infâme 

C’est l’une des rares économies où les déficits budgétaires et le ‘‘socialisme’’ sont interdits en vertu de la mini constitution de Hong Kong, la Loi fondamentale. Le gouvernement ne consacre qu’environ la moitié de la moyenne de l’OCDE aux soins de santé et à la protection sociale en pourcentage du PIB (OCDE : les 36 pays les plus riches au monde). Les maisons de repos pour personnes âgées sont en nombre insuffisant en raison du sous-financement. Plus de 30.000 personnes sont sur liste d’attente pour une place dans un centre de soins et, chaque année, environ 4.000 d’entre eux décèdent avant d’en obtenir une.

Le gouvernement de Hong Kong est l’un des plus riches au monde : ses réserves dépassent les mille milliards de dollars de Hong Kong (soit 127 milliards de dollars US). Ce gouvernement non élu, nommé par la dictature chinoise, consacre des sommes gigantesques pour des contrats d’infrastructure alors que Hong Kong possède déjà une infrastructure de classe mondiale, cela afin de transférer des moyens publics aux grands propriétaires et aux magnats de l’immobilier milliardaires qui dominent l’économie.

Les travailleurs domestiques sont exportés à Hong Kong par les gouvernements capitalistes d’Asie du Sud-Est, des gouvernements qui appliquent des politiques capitalistes similaires et qui considèrent cette traite des êtres humains comme un bon moyen d’attirer au pays des devises fortes puisque les fonds envoyés par les travailleurs à l’étranger représentent une part importante du PIB de l’Indonésie et des Philippines. Cela atténue également la pression sur le marché intérieur du travail. Cette activité est gérée par des ‘‘agences de recrutement’’ sans scrupules, malhonnêtes et parasitaires qui perçoivent des honoraires illégaux et forcent les femmes migrantes à s’endetter.

Une étude réalisée en 2017 par des étudiants de l’Université de Hong Kong a révélé que plus de 70% des agences de recrutement facturent des frais excessifs. La limite légale est de 431$HK, mais des frais de 15.000 $HK à 20.000 $HK – équivalent à presque cinq mois de salaire – ne sont pas rares. Cela pousse les femmes à s’endetter et elles sont obligées de tolérer toutes sortes de traitements – du déraisonnable au violent – afin de rembourser ces dettes.

Une enquête réalisée en 2019 par l’Université chinoise révèle que plus de 70 % des travailleurs domestiques migrants travaillent plus de 13 heures par jour, tandis que près de 9 % d’entre eux déclarent travailler plus de 16 heures par jour et 5,9 % déclarent ne pas avoir droit à leur jour de congé légal une fois par semaine.

La règle de résidence, qui oblige les travailleurs domestiques migrants à être logés chez leur employeur, est la cause principale de cette surcharge de travail et du refus d’accorder un temps de repos suffisant. Les heures ne peuvent pas être réglementées lorsqu’un travailleur vit aussi à la maison et qu’on lui demande d’accomplir des tâches ménagères, de nettoyer ou de s’occuper d’enfants, à toute heure du jour ou de la nuit. Seulement 43 pour cent des travailleuses domestiques de l’enquête disposaient de leur propre chambre. Les autres sont obligées de dormir dans les couloirs, les salles de bains, les réserves ou même de partager un lit avec les enfants.

Voici la réalité telle qu’elle se présente dans une ville aux appartements notoirement trop petits, sauf pour les riches. Plus de 120 travailleurs migrants sont décédés à Hong Kong en 2016, principalement de maladies liées au stress comme l’hypertension.

La riposte est vitale !

Les organisations de migrants militent depuis des années pour l’abolition de la règle de résidence. Cette mesure a été introduite en 2003 en tant que mécanisme de contrôle social afin d’empêcher les migrants de s’implanter davantage dans l’économie locale et de limiter leur pouvoir de négociation. Ne pas respecter cette règle peut entraîner diverses sanctions allant de l’annulation d’un permis de travail à des poursuites pénales et à 14 ans d’emprisonnement.

Le résultat peut-être le plus choquant de ces enquêtes concerne les niveaux de rémunération moyens qui, en 2017, étaient de 4.277 $HK (soit 545 $US) par mois, soit en dessous du salaire minimum des migrants qui était de 4.310 HK$ à l’époque (il a depuis été augmenté de 100 $HK par mois).

Il y a des douzaines de raisons pour lesquelles les travailleuses migrantes et les travailleuses locales doivent s’unir et combattre ce système injuste, en s’assurant d’utiliser la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes comme prochain point de ralliement pour cette lutte. L’écart de rémunération à Hong Kong s’est creusé, les femmes gagnant en moyenne 22 % de moins que les hommes, contre 19 % il y a dix ans. A 60 ans, l’écart de rémunération entre hommes et femmes est encore plus important : les travailleuses ne perçoivent en moyenne que la moitié du salaire de leurs homologues masculins ! Les syndicats locaux, historiquement faibles à Hong Kong, n’ont pas fait assez pour défendre les droits des femmes ou pour assister l’organisation des migrants. Nous exigeons que cela change !

Notre manifestation ce 10 mars comprendra des danses et des chants de femmes migrantes indonésiennes et des discours de Socialist Action, de KOBUMI et d’autres groupes de militants migrants. L’événement sera donc très international. Socialist Action diffusera des tracts en trois langues (anglais, chinois et indonésien). Nous marcherons également jusqu’au consulat indonésien. Des militants pour la démocratie et le député empâché Leung ‘‘cheveux longs’’ Kwok-hung, seront parmi les orateurs.

  • #MeToo : de la rue vers les lieux de travail ! Non aux abus sexuels et à la violence – pour le droit à « vivre dehors » pour les travailleurs domestiques migrants !
  • Non au racisme et au sexisme ! A travail égal, salaire égal !
  • Non à la « règle des 2 semaines » pour trouver un nouveau contrat : égalité des droits pour les travailleurs domestiques migrants pour changer de contrat de travail !
  • 8 heures de travail par jour pour tous !
  • Non aux agences de recrutement pour migrants : droits égaux pour l’engagement des travailleurs domestiques migrants !
  • Libérez les féministes et militantes ouvrières emprisonnées en Chine !
  • Pour un système de retraite universel à Hong Kong – Taxez les riches au lieu de favoriser les projets immobiliers !
  • Des investissements massifs dans les services publics – pour la gratuité des soins de santé, des écoles, des soins aux personnes âgées et des services de garde d’enfants afin d’alléger le fardeau des femmes de la classe ouvrière !
  • Pour le socialisme et un nouveau parti des travailleurs : brisons le règne antidémocratique des magnats milliardaires !
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