Italie : retour sur l’énorme manifestation des “indignés” à Rome le 15 octobre dernier

La violence d’une minorité utilisée pour tenter de faire baisser l’opposition croissante

Le 15 octobre, une des plus grandes manifestations de ces dernières années s’est déroulée. Même si les estimations sont très divergentes, il semble qu’elle ait rassemblé entre 300.000 et 500.000 personnes. Le sentiment anticapitaliste dominait largement la manifestation, mais d’une manière un peu amorphe. La protestation visait la Banque Centrale Européenne (BCE), les mesures d’austérité, le payement de la dette et la dictature des banques. Cette humeur s’exprimait au travers des idées très répandues de renvoyer les “lettres à l’Italie” de Trichet et Draghi à leur expéditeur. Le même jour, Draghi (l’homme de Goldman Sachs en Italie, tout nouveau président de la BCE) déclarait qu’il sympathisait avec les motivations des manifestants !

Par Guiulano Brunetti, ControCorrente (CIO-Italie), article initialement publié le 20 octobre

Contro Corrente (CIO-Italie) est intervenu et a manifesté aux côtés du mouvement lancé par Giorgio Cremaschi, président du syndicat des métallos (FIOM), sous les slogans “Nous devons les arrêter ! Nous ne payerons pas leur dette !” Un grand nombre de jeunes étaient présents dans la manifestations, aux côtés des syndicalistes et des forces politiques de gauche. En première page, notre journal ‘Resistenze’ titrait : “Indignés, mais contre qui et pour quoi?”, “Le problème n’est pas seulement Berlusconi” et “Nous avons besoin d’une REVOLUTION en Italie”. Comme l’attestent les excellentes ventes de ce journal, ceci exprimait les sentiments de nombreux travailleurs et jeunes manifestants qui recherchaient davantage que des mots, mais une stratégie politique pour vaincre la crise.

Comme c’était prévisible, les médias ont délibérément voilé la signification et la portée de la manifestation, en se concentrant sur les actes de violence d’une minorité. Ils l’ont fait pour discréditer la portée de cette grande protestation aux yeux de la population et pour décourager de futures mobilisations. Ils ont honteusement essayé de réduire une journée importante de lutte à des actions d’une poignée de jeunes cagoulés sans perspectives. Ils ont refusé de parler du caractère de l’événement, à savoir la colère des gens ordinaires contre le système, les banques et la dette, et ils “oublient” de mentionner qu’un bon nombre des éléments violents ont été chassés de la manifestation par les délégations de travailleurs et les syndicats, y compris la FIOM.

Violence

Nous comprenons que les jeunes soient enragés et que certains soient attirés par l’action directe violente, surtout lorsqu’ils ne voient aucune force politique pour les représenter. Mais casser les vitres des banques et mettre le feu aux voitures ne sont pas des actions qui font progresser la lutte. Au contraire, elles peuvent en éloigner les gens ordinaires et offrir un prétexte à la répression. Dans la manifestation de Rome, des manifestants pacifiques ont été mis en danger : un d’entre eux a perdu trois doigts en essayant d’écarter un cocktail Molotov. Des groupes comme le Black Block, souvent infiltrés par des ‘agents provocateurs’ se nourrissent de la colère des jeunes en créant des tensions et en donnant au gouvernement des prétextes pour introduire des mesures répressives plus draconiennes.

Après la manifestation, la police a mené de larges perquisitions dans les maisons des militants et dans les centres sociaux, en essayant de trouver des boucs émissaires pour ce qui s’était passé dans la manifestation. Le maire de Rome a interdit toute manifestation dans le centre de la capitale. Ceci pourrait réduire le droit de la FIOM de manifester le 21 octobre, date de l’appel à une grève de 8 heures des usines FIAT et du chantier naval Fincantieri, avec une manifestation de masse à Rome. Les violences du 15 octobre ont été utilisées par les autorités pour essayer de dissuader les militants de se déplacer à Val di Susa pour la journée de solidarité avec le mouvement ‘No TAV’. Elles ont également été utilisées par le président Sarkozy pour ‘interdire’ les italiens de traverser la frontière française pour rejoindre les protestations contre le sommet du G20 à Cannes.

Nous nous opposons totalement à ces mesures antidémocratiques et répressives. Nous sommes également contre d’autres propositions comme la réactivation de la loi “Reale” de 1975, qui permet à la police de mener des arrestations préventives et de tirer à balles réelles pour maintenir ‘la loi et l’ordre’ et de maintenir des gens en détention jusqu’à quatre jours sans aucune charge. Ces propositions ont été scandaleusement avancées non par la la Ligue du Nord, mais par Antonio Di Pietro, le dirigeant du parti “l’Italie des valeurs”, un parti qui s’apprête à former une coalition avec les partis de ‘gauche’ lors des prochaines élections, ou par Nichi Vendola et le PRC (Parti de la Refondation Communiste).

L’opposition grandit

Il y a beaucoup de leçons à apprendre. La manifestation du 15 octobre était pour ainsi dire une mobilisation spontanée suite aux mobilisations croissantes des semaines précédentes. C’est un signe que l’opposition au gouvernement Berlusconi, aux patrons et aux banquiers progresse. De futures protestations et manifestations de masse doivent être organisées, encadrées et défendues contre les infiltrateurs, les provocateurs et ceux dont les actions cherchent à nuire au mouvement. Cet encadrement doit être organisé par les manifestants eux-mêmes, en impliquant particulièrement le mouvement ouvrier organisé.

Nous ne pouvons pas faire confiance aux forces de l’Etat qui lancent des attaques brutales sans distinction contre les manifestants et qui accroissent la tension. Le souvenir du meurtre de Carol Giulani est toujours vivant tout comme celui de l’attaque brutale de la police contre l’école Diaz, qui aurait pu provoquer un massacre lors des protestations contre le G8 à Gênes, il y a dix ans.

Pour que le mouvement puisse grandir et progresser, il doit être capable de faire le lien entre la colère légitime largement répandue contre la situation actuelle et un programme anticapitaliste avec la construction d’une force politique organisée capable de remettre en cause le système capitaliste lui-même.

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