Grève à Aviapartner : la lutte paie

L’aéroport de Zaventem a connu la plus longue grève de son histoire à la fin du mois d’octobre avec la grève courageuse des travailleurs d’Aviapartner qui a duré 6 jours. A l’image du personnel de Lidl, Ryanair ou Bpost, les travailleurs se sont mobilisés pour défendre leurs conditions de travail. La tendance se confirme dans différents secteurs : trop c’est trop.

Par Nicolas Menoux

Une grève courageuse car les grévistes se sont retrouvés sous un feu nourri de critiques à tout-va dans les médias. A côté des traditionnels références au ‘‘chaos’’ et autres ‘‘prises d’otage’’, les journalistes accusaient les syndicats de ne pas comprendre la catastrophe que leur grève constituait pour les entreprises aéroportuaires, ‘‘mais aussi pour l’aéroport national dont la réputation a fatalement souffert’’(1). Pas un mot pour les réelles causes de ce ras-le-bol. Sandra Langenus, secrétaire du syndicat socialiste, explique assez clairement : ‘‘la direction n’a réglé aucun problème,(…) manque d’effectifs sur le terrain ; salaires pas en ordre ; procédure de réintégration des travailleurs malades non respectée ; heures supplémentaires en forte augmentation ; les chefs d’équipe qui ne sont pas sûrs que la sécurité est respectée ne signent plus de plan de chargement, … Laisser partir un avion avec plus de 180 passagers à bord sans être sûr à 100% que la sécurité est garantie, voilà une responsabilité que beaucoup de travailleurs ne souhaitent plus prendre’’(2).

En fait, la direction a joué avec le feu. Déjà en janvier 2018, l’entreprise a connu une grève à propos des questions du manque de personnel et du manque de matériel notamment. Comme rien n’a fondamentalement avancé depuis, cette nouvelle grève était inévitable et c’est bien l’attitude de la direction qui l’a déclenché. Si on remonte un peu plus loin, en 2013, l’aéroport avait déjà connu une grève de 5 jours, cette fois-ci chez le bagagiste Swissport. Idem : les conditions désastreuses de travail étaient pointées. Avec la solidarité des travailleurs d’Aviapartner à l’époque, les grévistes de Swissport avaient arraché des concessions. Dans ces deux cas les travailleurs sur le tarmac payent la libéralisation du secteur et la politique de sous-traitance. La compétition entre compagnies, que ce soit chez le personnel de bord comme à Ryanair, ou chez les sous-traitants au sol, dans tous les cas ce sont les travailleurs qui la payent: augmentation de l’exploitation, de la flexibilité et de la productivité, salaires limités… et sécurité minée !

La réputation de l’aéroport a souffert de cette grève ? Remettons les choses en place : l’exploitant de l’aéroport, la Brussels Airport Company, a distribué plus de 837 millions d’euros de bénéfices à ses actionnaires entre 2007 et 2015. Cette recherche de profits pour une minorité est la source des mauvaises conditions de travail à l’autre bout de la chaîne. Qui souffre de cette situation ? Les corps, les dos des bagagistes : chaque jour les bagagistes trimballent chacun quelques 30 tonnes, chargent et déchargent des avions à 3 plutôt qu’à 5. Ceux qui attaquent la grève feraient bien de s’exprimer sur ce que devrait accepter les bagagistes : 50 tonnes, 60 tonnes ? Une direction capitaliste comme celle d’Aviapartner ne cède rien si elle n’est pas forcée de le faire. Un des points d’accord de janvier concernait le versement d’une prime. La direction a tardé à la verser mais, surtout, elle a changé le mode de calcul afin de la réduire par rapport à ce qui avait été négocié.

La grève n’est pas un moyen cosmétique, c’est le moyen que nous possédons pour forcer la minorité qui nous exploite à répondre à nos revendications légitimes. C’est la grève qui a forcé Ryanair à venir à la table de négociations, c’est elle encore qui a arraché des concessions à Lidl. Ces 6 jours auront arraché un plan de recrutement (notamment 47 temporaires reconvertis en fixes), les équipes seront composées de 4 ou 5 personnes, des primes ou encore 3,2 millions d’investissements pour remplacer le matériel défectueux. La lutte paye ! Mais il faut rester vigilant, jusqu’au moment où toutes les promesses seront concrètement réalisées de façon correcte.

(1) ‘‘Aviapartner: pourquoi la grève a duré aussi longtemps’’, Le Soir, 31 octobre 2018.
(2) https://www.btb-abvv.be/fr/nouvelles/66-nouvelles-transport-logistique/674-greve-chez-aviapartner-c-etait-ecrit-dans-les-etoiles

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