L’électricité de plus en plus chère, sans aucune garantie de service fourni !

Photo: Flickr/nathanchantrell

Contre l’échec du marché privé, la reprise en mains publiques du secteur de l’énergie

Peut-être lisez-vous cet article à la bougie après que l’électricité ait été coupée ? Les chances que cela se produise en novembre sont finalement très limitées, mais l’échec de la politique en vigueur a conduit à l’élaboration d’un plan de délestage. Cette panne d’électricité potentielle s’ajoute à la série d’échecs du gouvernement fédéral. La politique du laissez-faire qui domine depuis longtemps – les grands producteurs et distributeurs d’énergie peuvent faire tout ce qu’ils veulent – n’a entraîné ni sécurité énergétique ni politique énergétique durable.

Par Arne (Gand)

Le chaos du marché de l’énergie

En Belgique, la production d’énergie a toujours été privée. EBES a été créée en 1956 à partir de trois sociétés énergétiques régionales, dont la SEE (créée par la Société Générale). Les autres grands producteurs d’électricité – Intercom et Unerg – étaient étroitement liés les uns aux autres par l’intermédiaire d’actionnaires importants tels que la Société Générale, le Groupe Bruxelles-Lambert et Albert Frère. En 1990, ils ont fusionné pour former Electrabel.

La distribution de l’énergie a été organisée en fonction de l’utilisateur. Les communes ont obtenu le monopole de la fourniture d’électricité aux particuliers et aux petits consommateurs. Les gros consommateurs ont pu se tourner vers les distributeurs d’électricité communaux ou directement vers les entreprises privées. A partir de 1922 et de la première loi intercommunale, les entreprises communales d’énergie ont formé des alliances toujours plus complexes. Les collaborations avec le secteur privé se sont également multipliées, les entreprises intercommunales mixtes devenant la norme.

Après la Première et la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement belge a refusé de nationaliser l’ensemble du secteur énergétique, contrairement à presque tous les autres pays d’Europe occidentale. Le privé est resté en charge du marché, avec une concentration qui a conduit au monopole d’Electrabel en tant que producteur et fournisseur d’énergie.

En 2005, la libéralisation complète de l’approvisionnement en énergie a été mise en œuvre : en plus d’Electrabel, d’autres fournisseurs d’énergie sont arrivés comme Luminus (propriété d’EDF en France), la société néerlandaise Eneco, Lampiris (aujourd’hui propriété de Total) et Essent (propriété de la société allemande Innogy). Steve Stevaert (SP.a) faisait alors remarquer que ‘‘la libéralisation du marché de l’énergie est bonne pour les citoyens’’. Absurde. En 2006, Electrabel a annoncé une hausse de prix qui a augmenté la facture moyenne de 105 euros par an. Electrabel – qui appartenait déjà à l’époque au holding français Suez, devenue Engie – a réalisé un bénéfice de 3,6 milliards d’euros la même année, notamment grâce aux cadeaux fiscaux.

La libéralisation était une bonne affaire pour les géants de l’énergie, pas pour la population. Entre 2007 et 2017, le coût de l’électricité a augmenté en moyenne de 71,8 % pour une famille ordinaire. ‘‘Environ un cinquième des ménages belges vivent dans la précarité énergétique’’, déclarait l’an dernier la Fondation Roi Baudouin.

Le manque d’investissements conduit au délestage

En novembre, un seul des sept réacteurs nucléaires sera opérationnel. Le mauvais entretien des autres réacteurs et centrales amène notre pays à réaliser presque par hasard une sortie du nucléaire. La défaillance des réacteurs entraîne une pénurie d’électricité imminente. Entre-temps, des capacités supplémentaires ont été trouvées ailleurs, mais le risque d’une carence en électricité demeure pour le début de 2019.

La menace d’une pénurie d’électricité est utilisée pour faire monter les prix de l’énergie. Cette stratégie a également été utilisée en 2014 avec la clôture prévue des réacteurs Doel 1 et 2. Rétrospectivement, il s’est avéré qu’il n’y a jamais eu de véritable risque de pénurie d’électricité. C’était l’occasion de faire payer 100 euros de plus par an aux familles. La même chose menace aujourd’hui de se produire pour l’électricité et le gaz. De Tijd rapportait en octobre que les prix de l’électricité et du gaz pourront potentiellement augmenter de 270 à 400 euros sur l’année !

Les centrales nucléaires ont été construites dans les années 1970 et 1980 et n’étaient pas destinées à être maintenues en activité aussi longtemps. Cependant, elles génèrent des profits faciles à encaisser ; même longtemps après avoir été amorties, cet argent n’a pas été pour autant investi dans d’autres productions d’énergie. On a connu des problèmes de fissures dans les réacteurs Tihange 2 et Doel 3. Dans le réacteur Tihange 3, il y a un problème avec l’acier du béton armé. Le manque d’investissements dans des alternatives retarde la sortie du nucléaire. Le lobby nucléaire, soutenu par la N-VA, utilise la situation pour mettre en garde qu’une sortie du nucléaire conduirait à des pannes d’électricité et à des augmentations substantielles de prix.

En 2008, la CREG – la Commission de régulation de l’électricité et du gaz – avait déjà tiré la sonnette d’alarme en annonçant une pénurie d’énergie imminente en raison de nos importations élevées d’énergie. Contrairement à tous les pays voisins, la Belgique a importé plus d’énergie entre 2000 et 2008 qu’elle n’en a exporté. Les importations ont augmenté de 149% et ont rendu la Belgique encore plus dépendante des grandes entreprises énergétiques étrangères. Les importations massives n’ont pas entraîné de baisse des prix. En 2017, un Belge ayant une consommation moyenne avait une facture, en moyenne, de 996 euros, contre 534 et 585 euros aux Pays-Bas et en France.

Le refus d’investir suffisamment dans la production d’énergie renouvelable est lié aux intérêts financiers des grandes entreprises énergétiques qui contrôlent le marché belge. Au lieu d’investir, on fait des économies jusqu’à ce que la lumière menace de s’éteindre.

Nationalisons le secteur énergétique !

Les politiciens font diverses propositions pour faire baisser le prix de l’énergie. Ils parlent de taxes, d’une réduction de la TVA ou d’un contrôle des prix. Ce sont des propositions intéressantes, mais elles ne mettent pas fin à la recherche de profits des grandes entreprises énergétiques. Les taxes sur les entreprises du secteur sont répercutées sur les utilisateurs. Une réduction de la TVA est certainement nécessaire, car l’énergie n’est pas un produit de luxe, mais cela ne provoquerait qu’une baisse temporaire de la facture, les fournisseurs pourraient rapidement saisir l’occasion pour augmenter leurs tarifs.

Les grandes entreprises énergétiques dominent le marché européen et disposent d’un pouvoir énorme dans les seuls intérêts des principaux actionnaires. Les dividendes priment sur les investissements dans les énergies renouvelables et l’amélioration des infrastructures. Les intérêts de ces entreprises sont opposés à ceux de la population. L’énergie est trop importante pour être laissée au marché ! Les décisions concernant le secteur de l’énergie doivent être prises par les travailleurs, les utilisateurs et la communauté dans son ensemble.

Au niveau local, des coalitions progressistes pourraient prendre des mesures telles que l’interdiction d’une coupure du gaz et de l’électricité des foyers. Il serait également possible de créer des sociétés d’énergie pour développer elles-mêmes des sources d’énergie renouvelable. Mais il faudra bien davantage pour apporter des changements structurels. L’ensemble du secteur de l’énergie – de la production à la distribution – doit être placé entre les mains du secteur public afin d’être contrôlé par la collectivité et que les ressources disponibles puissent être utilisées pour le développement des énergies alternatives.

Cela sera nécessaire : le réchauffement de la planète remet de plus en plus en question la politique énergétique. Le besoin d’une politique énergétique durable est énorme. Le GIEC l’a réaffirmé début octobre : ‘‘seuls des changements rapides, profonds et sans précédent dans toutes les composantes de la société’’ peuvent encore limiter le réchauffement climatique. Ceux qui contrôlent le marché de l’énergie aujourd’hui n’offriront pas ces changements. Dans les actions climatiques (voir aussi page 15), nous devons également inclure la lutte pour la reprise en main publique du secteur.

L’énergie publique devrait permettre une production d’électricité respectueuse de l’environnement et des factures abordables. Pour mettre fin à la soif de profit d’entreprises telles qu’Engie-Electrabel et Co, rejoignez le PSL et mener campagne en faveur de la nationalisation du secteur et d’alternatives respectueuses de l’environnement.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai