La crise mondiale a entraîné, dans le monde entier, une renaissance de la lutte de classe. Il serait trop long d’énumérer ici toutes les luttes qui ont fait irruption depuis le début de cette année. Tant les jeunes que les travailleurs ont recours à l’arme de la lutte collective, avec des mobilisations de masse et des grèves générales, pour riposter contre des plans d’assainissement sans précédent.
Par Els Deschoemacker, article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
La Belgique a jusqu’ici échappé à cette tendance à cause d’une combinaison de facteurs qui se renforcent mutuellement. L’économie belge a été en mesure de profiter de la reprise relativement rapide de l’économie allemande, qui a pu temporairement sortir de la crise. Mais le récent ralentissement économique mondial risque probablement d’y mettre fin à court terme. La croissance de certaines des plus grandes économies européennes, comme l’Allemagne, la France ou les Pays Bas, s’est déjà arrêtée. L’économie belge ne sera pas la seule à en subir directement les conséquences. Cela menace d’approfondir toute la crise européenne.
Cette situation a laissé un peu de temps à la classe politique belge pour tenter de régler ses affaires internes avant de procéder aux assainissements. Ce facteur est apparu comme favorable à la croissance économique. L’impasse politique belge a empêché la mise en place par l’élite belge d’une politique d’austérité désastreuse contre la population, comme dans le reste de l’Europe. Même le Financial Times expliquait : ‘‘La croissance belge est soutenue par l’impasse politique’’. Une attaque plus frontale contre les conditions de vie des travailleurs ne semblait donc pas être à l’ordre du jour, ce qui a eu un effet stimulant sur l’économie et sur les recettes publiques, mais aussi sur la paix sociale.
Le rôle des directions syndicales est facteur supplémentaire qui explique l’agitation sociale limitée. Malgré le mécontentement croissant à la base contre le sous-financement systématique des services publics (enseignement, transports publics, santé,…) et contre les réductions de salaires, le sommet syndical utilise systématiquement la situation de crise en Europe pour effrayer ceux qui veulent descendre en rue. Avec des arguments comme “ce que nous vivons ici n’est pas si mauvais’’ ou encore ‘‘il faut céder un peu pour éviter le pire’’, on s’est ainsi assuré que tout le monde reste tranquille.
La question nationale n’a pas non plus aidé à stimuler l’action et le débat politique. En jouant systématiquement le rôle d’écran de fumée, elle a orienté le débat loin de conclusions telles que la nécessité de s’organiser contre ce que les politiciens nous réservent. Ni les ménages wallons ni les ménages bruxellois ne constituent une menace pour la prospérité des Flamands. Inversement, pas un seul travailleur flamand n’élabore de plans pour faire payer la crise à l’ensemble des travailleurs. Ce sont les partis politiques, des deux côtés de la frontière linguistique, qui s’accordent à vouloir nous faire payer la crise.
Inévitablement, cela va conduire à la confrontation sociale mais, aussi longtemps que les travailleurs ne construisent pas leur propre instrument politique pour organiser chaque jeune et chaque travailleur contre la casse sociale, le poison nationaliste – tout comme n’importe quelle division – restera un obstacle à la lutte. Seul un programme et un parti unissant tous les travailleurs de Belgique – francophones, néerlandophones ou germanophones, immigrés ou ‘‘belges’’, hommes ou femmes, gays ou hétéros – a une chance de réussite contre toutes les mesures d’austérité qui nous pendent au nez !