Scandale dans la footosphère

Photo : Ruaraidh Gillies – The revamped Main Stand Anfield, CC BY-SA 2.0

Ce ne sont pas les supporters qui posent problème, mais les dirigeants corrompus et les agents de l’ombre

Aux petites heures du mercredi 10 octobre, une série de figures au sommet du football belge a été réveillée dans le cadre d’une enquête judiciaire concernant blanchiment d’argent, fraude fiscale et corruption privée dans la Jupiler Pro League, l’échelon supérieur du football belge. Ce scandale démontre à nouveau la capacité qu’a le capitalisme de pourrir en profondeur le sport.

Par Tim (Gand)

L’enquête tourne surtout autour de Mogi Bayat et Dejan Veljkovic, deux agents de joueurs qui ont gagné d’énormes sommes d’argent avec des transferts de joueurs dans le football belge. La justice veut aujourd’hui savoir s’il y a eu blanchiment d’argent et fraude fiscale dans le traitement de ces transactions. Veljkovic est également soupçonné d’avoir joué un rôle dans le trucage du match de relégation du FC Malinois. Dans ce cadre, une série d’administrateurs du KV ont été arrêtés, tout comme les arbitres de haut niveau Bart Vertenten et Sébastien Delferière. Des agents, des entraineurs, des administrateurs de clubs, des joueurs, des arbitres et des journalistes sportifs ont été interrogés. L’enquête est vaste et démontre à quel point la pourriture s’est profondément installée dans notre sport.

Les médias traditionnels se précipité d’accuser ceux qu’ils considèrent complices ou même responsables de la corruption dans le football : les supporters. Mais les supporters n’avaient-ils pas tiré la sonnette d’alarme lorsque les duels de relégation entre KAS Eupen et Mouscron-Peruwelz ou KV Mechelen et Waasland-Beveren s’étaient déroulés de façon étrange ? Ou, comme l’écrivait Bart Eeckhout, rédacteur en chef De Morgen : ‘‘Le maillon faible du sport professionnel, ce sont de simples supporters, comme moi. Nous sommes le public pour qui les ours dansent (…) Bien sûr que nous sommes contre la corruption, mais nous applaudissons un championnat où même le tirage au sort est truqué’’.

Eeckhout accuse les supporters d’être responsables de la corruption, car, malgré tous les scandales, ils ne laissent pas tomber leur club. Oubliez les hommes d’affaires corrompus qui s’enrichissent en tant qu’agents au détriment des joueurs et des impôts. Oubliez les Coucke et les Duchâtelet de ce monde, les Cheikhs pétroliers ou les oligarques russes qui traitent le foot comme un jouet ou un juteux commerce où la recherche de profit doit primer. Oubliez Paul ‘‘botox’’ Gheysens de Ghelamco ou Bart Verhaeghe qui sont impliqués dans le football avant tout pour faciliter leurs transactions immobilières. Ce sont les supporters, les gens ordinaires qui sont trop aveuglés par la beauté du sport pour percevoir les machinations dans les coulisses.

Les supporters sont blâmés pendant que les chefs d’entreprise corrompus et les agents immobiliers tapis dans l’ombre peuvent danser. Une caractéristique du capitalisme, c’est de voir partout un potentiel marché, une possibilité pour accumuler des profits. Le football est un sport populaire : la beauté du jeu, la tension, les émotions dans la victoire et la défaite. Pour des millions de personnes, c’est un exutoire après une dure semaine de travail. Cependant, les Coucke, Duchâtelet, Bayat, Gheysen ou Verhaeghe du football ne sont pas là pour cette raison. Pour eux, le football est un outil d’investissement qui doit rapporter de l’argent. S’il n’y a plus d’argent, ils abandonnent leur équipe dans le pétrin pour investir ailleurs.

C’est pour cela que la corruption peut régner en maître dans le monde du football : il y a beaucoup d’argent en jeu et les investissements doivent être assurés. Une relégation est un risque financier qui peut être évité en essayant de soudoyer un arbitre.

Les supporters partent d’une toute autre base : les vrais fans suivent leur équipe dans les bons et les mauvais moments. Il y a les moments de gloire. Les promotions, les championnats ou les coupes gagnées, ou simplement la victoire d’un match de haut niveau contre un rival. Il y a aussi des moments difficiles. Perdre ce match important, ou même la relégation. Mais l’équipe reste, et les bons moments reviendront.

Contrairement à la perspective de profit à court terme du manager et de l’agent, le supporter fixe la perspective à long terme de suivre le club à travers toutes les étapes, souvent sur plusieurs générations. Mais les besoins de ces supporters ne sont qu’une préoccupation secondaire pour les capitalistes qui dominent nos équipes, tout comme nos besoins en tant que classe des travailleurs ne sont qu’une préoccupation secondaire dans le libre marché capitaliste dans son ensemble.

La corruption dans le football et le capitalisme sont inextricablement liés. Par conséquent, toute tentative de réforme du football dans un contexte capitaliste est vouée à l’échec. Les supporters doivent s’organiser pour sortir leurs équipes des griffes des capitalistes.

Il y a quelques années, notre organisation-sœur anglaise, le Socialist Party, a publié le livre ‘‘Reclaim the Game’’ qui revient sur la lutte des supporters anglais pour un football démocratique. Il contient un certain nombre d’idées sur la manière dont cela peut être réalisé : des clubs sportifs et des fédérations sous le contrôle démocratique des joueurs, des supporters, des membres du personnel et de la communauté locale. Une répartition équitable et correcte des droits de télévision et des revenus commerciaux entre tous les clubs d’une ligue et avec les autres ligues. Des tickets de match à prix accessible, une rémunération correcte et équitable pour tous les athlètes professionnels. Un tel ensemble de revendications peut être le point de départ pour l’organisation de luttes par les supporters des différents clubs. Un combat qui devra poser les bases pour en finir avec le capitalisme et le remplacer par un socialisme démocratique dans lequel toutes les richesses sont gérées démocratiquement et où le sport peut être remis au service des sportifs et des supporters.

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