Les élections communales ont affaibli le gouvernement Michel

Photo : Wikimedia (commons)

Vous l’avez aussi remarqué ? Le dimanche après-midi du 14 octobre, en Flandre, presque tous les partis, à l’exception du SP.a, avaient remporté les élections, la victoire des Verts était réelle mais modérée et la Flandre avait surtout voté à droite. En Belgique francophone, en revanche, les partis traditionnels, en particulier le PS, avaient perdu face à une vague verte à Bruxelles et une vague verte et rouge vif en Wallonie. La conclusion était évidente : nous vivons dans un pays à deux démocraties, l’une toujours plus à droite en Flandre, l’autre toujours plus à gauche à Bruxelles et en Wallonie. Le soir même et les jours suivants, les médias ont dû ajuster leur analyse. En Flandre, nous sommes passés d’un perdant et de nombreux gagnants à de nombreux perdants et deux gagnants. En Wallonie, la coalition de droite MR-CDH s’avère finalement être le plus grand perdant ; et à Bruxelles c’est le MR.

Pourquoi cette cet ajustement tardif ? Les journalistes et les commentateurs politiques se sont-ils d’abord trop fiés aux annonces officielles des partis ? Ou est-ce parce que l’accent mis sur les résultats est le plus fort immédiatement après les élections, puis s’estompe rapidement, de sorte que la première analyse d’une victoire des partis au pouvoir reste dans les esprits et que la correction ne touche ensuite qu’une minorité consciente ? Les trois partis gouvernementaux flamands atteignent toujours 58,1% ensemble, mais c’est 6,4% de moins qu’en 2012 et 8,5% de moins qu’en 2014 ! Les partis de ‘‘gauche’’ (le SP.a, Groen et le PTB), représentent ensemble 26,6% et sont encore loin du compte. Mais malgré la perte de voix substantielle du SP.a, l’écart entre ces partis et les partis au pouvoir diminue de 11% par rapport à 2012. Pour le gouvernement flamand, cela signifierait que la N-VA et le CD&V ne suffiraient plus à constituer une majorité régionale et que l’Open VLD passerait de partenaire facultatif à celle de partenaire indispensable pour une majorité.

De pareils résultats sanctionneraient durement en mai 2019 le putsch du CDH et du MR en Wallonie. De plus, la coalition suédoise perdrait complètement sa large majorité (85 sièges sur 150) au niveau fédéral pour ne plus atteindre que 73 sièges. Elle pourrait alors embarquer le CDH, mais ce serait une coalition de cinq perdants ! Cela pourrait expliquer pourquoi Bart De Wever (N-VA) à Anvers, Tommelein (VLD) à Ostende, De Clercq (VLD) et Van Hecke (CD&V) à Gand lorgnent vers Groen. Les Verts se prétendent ‘‘ni de gauche, ni de droite’’, ils prennent des voix des deux côtés et pourraient servir de monnaie d’échange si les partenaires de la coalition suédoise souhaitent continuer. Cependant, à chacune de leur participation précédente au pouvoir, Groen a été sévèrement puni par la suite. Il nous semble peu probable que ce parti rejoigne un gouvernement de droite au niveau fédéral, et certainement pas sans Ecolo à ses côtés. Pour Ecolo et pour le PS, il faudrait déjà une grave crise institutionnelle appelant à leur ‘‘sens de l’Etat’’ avant de rejoindre un gouvernement comprenant la N-VA. Mais si le résultat du 14 octobre devient également celui du 26 mai, cela ne peut être complètement exclu. Le caractère thatchérien du gouvernement serait de ce point de vue adouci.

Le PS a davantage perdu en pourcentages que le MR ou le CDH, mais il s’en tire mieux. Il reste de loin le plus grand parti à Liège, Charleroi, Tournai, La Louvière et Mons et tient très bien le coup à Bruxelles où il récupère également Molenbeek et Koekelberg. La FGTB wallonne fait à juste titre pression sur lui pour ‘‘assumer ses responsabilités historiques’’ et constituer des coalitions progressistes PS-Ecolo-PTB. Si ces coalitions devaient rompre fondamentalement avec la politique d’austérité, cela affaiblirait l’argument le plus fort de la coalition suédoise – l’opposition de gauche n’a pas d’alternative – en Wallonie et à Bruxelles, et même en Flandre après un certain temps. Mais la FGTB a aussi une tâche historique devant elle. Mettre pression en faveur de la formation de coalitions progressistes est excellent, mais cela ne peut pas remplacer la nécessité d’actions bien préparées pour ébranler les coalitions de droite et, si possible, pour les faire tomber.

La droite tente de créer l’amalgame entre la gauche radicale et l’extrême-droite. Ce n’est pas la promotion de la haine, des discriminations, de l’intimidation et de la violence qui est invoquée pour étendre le cordon sanitaire au PTB, mais parce que Staline et Hitler étaient tous deux des meurtriers de masse. Mais toute l’Histoire a été jusqu’à présent marquée par des guerres, des guerres civiles, des massacres, des génocides, etc. Les machines à tuer les plus efficaces ont toujours été celles qui avaient atteint le plus haut niveau technologique, et elles se trouvent aujourd’hui en Occident, où ce sont les ‘‘partis démocratiques’’ qui gouvernent. Si le nombre de crimes commis par leurs prédécesseurs ou des alliés à qui ces armes ont été fournies devient la norme, alors presque tous les partis doivent être interdits. C’est totalement hypocrite, la droite le sait pertinemment, mais elle veut à tout prix éviter un gouvernement de gauche des travailleurs. Pour l’instant, cela peut être évité sans faire appel au Vlaams Belang. Mais quand ça deviendra vraiment crucial, les portes du pouvoir s’ouvriront pour lui aussi. De Wever a envisagé tester ce que signifierait une percée prudente du cordon sanitaire par une coalition avec la liste du Vlaams Belang ‘‘Forza Ninove’’, mais les blagues racistes de sa tête de liste et le salut hitlérien de ses partisans ont torpillé le projet. Avec 13% en Flandre, le Vlaams Belang est encore loin de son meilleur score de 21% en 2006. Cependant, pour l’ensemble du mouvement ouvrier et pour tous les jeunes, ce devrait être un signal de mobilisation et un avertissement que le danger de l’extrême droite ne disparaîtra que si la casse sociale, qui est le terreau sur lequel il prospère n’est pas balayé par une alternative de gauche.

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