Il y a certaines choses que l’on ne vous dit pas sur le capitalisme…

Alors que la crainte d’une nouvelle récession se fait sans cesse plus préoccupante, politiciens et économistes ne parlent plus que de ‘‘stabilisation’’, de retour à la ‘‘normale’’ pré-2008 (on ne parle même plus des ‘‘30 glorieuses’’ d’après guerre). Face à cet avenir incertain, de plus en plus nombreux sont ceux qui, effrayés, détournent le regard du caractère profond de l’actuelle crise systémique pour lorgner sur un passé, proche ou plus lointain, où tout semblait aller pour le mieux.

Par Nicolas Croes


Ce dossier est basé sur la critique de Lynn Walsh du livre ‘’23 choses que l’on ne vous dit pas sur le capitalisme’’ parue dans ‘‘Socialism Today’’, revue de nos camarades britanniques.


En fait, même selon ses propres critères, le capitalisme est un échec. Au cours de ces trente dernières années, l’influence grandissante du néolibéralisme a entraîné de moindres performances économiques partout à travers le monde. Les ingrédients de base de cette recette pro-riches étaient la dérégulation des marchés (particulièrement du secteur financier), la dégradation progressive de l’intervention de l’Etat dans l’économie (privatisations, libéralisations,…), une réduction massive de l’imposition des entreprises et des riches et, enfin, un assaut organisé contre les travailleurs et les droits syndicaux. Toutes ces mesures puisaient leur justification dans l’idée que les ressources seraient mieux gérées ainsi et que la richesse finirait par ‘‘ruisseler’’ du haut vers le bas, conduisant à une plus grande prospérité pour tous.

Des riches plus riches, des pauvres plus pauvres

Le principal succès remporté par le néolibéralisme est d’avoir augmenté les profits, les revenus et la fortune des capitalistes. Entre 1979 et 2006, le pourcent le plus riche des Etats-Unis a doublé sa part de possessions dans le revenu national (de 10% à 22,9%). Le 0,1% situé tout au sommet a même réussi à plus de tripler ses avoirs, en passant de 3,5% en 1979 à 11,6% en 2006. Selon l’hypothèse néolibérale, une croissance économique plus rapide devait également faire partie du processus. Sauf que, selon les données de la Banque Mondiale, l’économie mondiale a connu une croissance annuelle moyenne de 3% durant les années ‘60 et ‘70, pour une moyenne de 1,4% entre 1980 et 2009.

Alors que les revenus des actionnaires ont connu une véritable explosion, ceux des travailleurs et de la classe moyenne n’ont goûté qu’à la stagnation. De 1980 à aujourd’hui, les revenus des dirigeants d’entreprises (salaires, stock options,…) sont passés d’un rapport de 30 à 40 fois le revenu moyen d’un travailleur à… 300 à 400 fois l’équivalent du salaire d’un travailleur de base! Parallèlement, le plein emploi s’est évanoui au profit d’un chômage de masse tandis que se généralisaient les emplois précaires et sans protection syndicale. Cette stagnation des revenus des travailleurs a miné la demande en biens et services, jusqu’au moment ou cette chute des revenus a été compensée par le développement des dettes et emprunts, afin de doper la consommation.

De fait, il était possible de prêter de gigantesques masses d’argent, comme les investisseurs se tournaient de plus en plus vers un secteur financier au développement colossal puisque les investissements dans de nouveaux moyens de productions ne garantissent plus un taux de profit suffisant à leurs yeux. Le développement des nouvelles technologies et de la productivité était graduellement devenu un sérieux problème, en mettant sous pression le taux de profit et en poussant à économiser sur les salaires des travailleurs, qui de ce fait étaient constamment moins aptes à écouler la production. Le secteur financier s’est donc senti progressivement moins concerné par les perspectives à long terme de la production.

La formidable augmentation des profits du secteur financier n’a pas entraîné de similaire croissance de l’économie, ni de la productivité, et encore moins du niveau de vie de la majorité de la population. Et, malgré le développement de tout un tas de dérivés financiers visant à minimiser les risques, l’instabilité économique s’est accrue, avec toute une série de crashs financiers majeurs de la crise asiatique de 1997 jusqu’au point culminant de la crise survenue en 2008.

There Is No Alternative

Avec la dégradation de la situation économique d’après-guerre, l’idéologie et les politiques keynésiennes (intervention de l’État, dépenses sociales élevées et tentatives relatives de contrôle de l’économie nationale) ne correspondaient plus à la période. Elles ont donc peu à peu fait place au monétarisme de Milton Friedman et de ‘‘l’École de Chicago’’ (notamment célèbre pour avoir utilisé le Chili de Pinochet comme véritable laboratoire du néolibéralisme). Leur politique était basée sur la ‘‘main invisible’’, théorie selon laquelle le marché était capable de s’autoréguler, idée de plus en plus présentée comme une évidence quasi-scientifique. Et, même si ça ne fonctionnait pas parfaitement, il n’y avait pas d’alternative (‘’There Is No Alternative’’, Tina). Suite à la crise financière de 2008, Alan Greespan, à la tête de la Federal Reserve (la Banque centrale américaine), a dû confesser que cette idée était fausse et qu’il avait eu bien tort d’y croire.

A partir des années ’80 et de la contre-révolution de Thatcher (en Grande-Bretagne) et de Reagan (aux USA), les académiciens monétaristes du type de Friedman, auparavant considérés comme une petite clique d’économistes de droite, ont fourni le soutien intellectuel nécessaire au développement de ces politiques, faites pour s’adapter aux nouvelles conditions matérielles de la société afin de vigoureusement redéfinir les rapports entre travail et capital (à la faveur de ce dernier). Cet armement idéologique a considérablement été renforcé par l’effondrement du stalinisme. En l’absence de toute alternative idéologique de la part des dirigeants des partis ouvriers traditionnels, les idées néolibérales se sont diffusées dans de plus larges franges de l’opinion publique.

Comment coordonner l’économie ?

La contradiction fondamentale du capitalisme est que le processus de production est socialisé alors que la propriété des moyens de production est privée. La production capitaliste actuelle requiert un haut degré d’organisation sociale, mais les lois de la propriété privée des moyens de production et de la concurrence empêchent toute planification et entraîne une production anarchique se traduisant par des crises périodiques. Il est crucial et urgent de coordonner l’économie, de voir comment produire ce qui est exactement nécessaire à la collectivité, et de façon beaucoup plus efficace.

La division du travail entre les diverses entreprises s’est très fortement développée jusqu’à aujourd’hui, et les entreprises sont fort dépendantes les unes des autres. La nature sociale du processus de production s’est largement intensifiée. Aujourd’hui, entre un tiers et la moitié du commerce international concerne des transferts entre différentes unités au sein même des multinationales. D’autre part, les grandes entreprises ne peuvent poursuivre leur course aux profits à large échelle que grâce au soutien d’institutions publiques comme le système légal, l’enseignement et la formation des travailleurs, les subsides publics pour la recherche et le développement,… Toutes choses connaissant un degré de planification assez élaboré, mais hélas en restant dans le cadre de la course aux profits et de la concurrence inscrite au plus profond du système capitaliste.

Les secteurs clés de l’économie doivent être nationalisés et placés dans les mains de la collectivité pour procéder à une coordination des diverses unités de production, basée sur la satisfaction des besoins de la majorité de la population, dans le respect de notre environnement. Toutes les petites entreprises ne seraient pas nécessairement nationalisées, mais intégrées dans le cadre global de la planification établie. Cette planification centrale n’est pas une utopie, comme l’ont démontré les différents Etats durant les deux guerres mondiales, qui ont massivement introduit des éléments de planification dans le cadre de l’effort de guerre.

Mais pour être soutenable à long terme, pour reprendre les termes du révolutionnaire Léon Trotsky, une économie planifiée a besoin de démocratie comme un corps a besoin d’oxygène. Nombreux sont ceux qui rejettent tout système de planification à la simple idée du cauchemar stalinien et des dictatures bureaucratiques copiées sur le modèle de l’Union Soviétique. Mais il faut bien considérer que la dégénérescence de l’URSS ne provient pas de la ‘’folie d’un homme’’ ou du ‘’lien naturel entre le communisme et le stalinisme’’, mais de conditions historiques très précises (l’isolement d’un pays économiquement et culturellement arriéré, avec une classe ouvrière très limitée et un gigantesque analphabétisme,…) qui ont permis l’émergence d’une bureaucratie contre-révolutionnaire.

Des comités démocratiquement élus, avec des représentants révocables à tout moment par leur base, peuvent élaborer un plan économique flexible, adapté et coordonné à tous niveaux (local, régional, national et international) et continuellement amélioré par l’implication active de comités de base, tant du point de vue de la production elle-même que de la distribution ou encore de la vérification de la qualité des produits. Une société basée sur ces comités de quartier, d’usine, d’école,… – une société socialiste démocratique – est la meilleure réponse qui soit contre la dictature des marchés et des spéculateurs.

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