Le ‘‘Jobs deal’’ du gouvernement s’attaque aussi aux fonctionnaires

Piquet de grève à l’hôpital Brugmann à Bruxelles

Cet été, le gouvernement Michel s’est affairé à trouver 2,6 milliards d’euros pour boucler le budget de 2019. Outre l’entrée en bourse de Belfius et l’arrivée d’un quatrième opérateur de télécommunication sur le marché belge, c’est au ‘‘jobs deal’’ que le Premier ministre tient tout particulièrement. Nous savions déjà qu’à ses yeux, un ‘‘job’’ définit tout emploi précaire, sous-payé et hyper-flexible. Avec cet accord, le but est de généraliser cette définition à davantage de secteurs.

Par Sébastien (Liège)

Et ça tire à tout-va : dégressivité accélérée des allocations de chômage, démantèlement de la prépension ainsi qu’attaques contre les conditions de travail et de salaire sont autant de décisions politiques signées dans le cadre de cet accord. Si tous les travailleurs en prennent pour leur grade, un volet cible plus spécifiquement les fonctionnaires et, par conséquent, la qualité de nos services publics.

Les fonctionnaires, victimes de la chasse aux malades

Mesure passée à peu près inaperçue, le gouvernement a pourtant mis fin au système de cumul des jours de maladie pour les fonctionnaires. Jusqu’à présent, ils avaient droit à 21 jours de maladie par an, payés à 100% du salaire. Dans le secteur privé, il s’agit de 30, mais les fonctionnaires pouvaient reporter ces 21 jours d’année en année. Après ces journées, le salaire retombait à une indemnité de maladie de 60%.

Selon le vice-Premier ministre N-VA Jan Jambon, certains fonctionnaires en profitaient donc pour partir deux ans plus tôt à la retraite, en obtenant un certificat médical. Or, Jambon ne précise pas que, pour obtenir un tel certificat, il faut précisément être malade. Et quand le gouvernement daigne en prendre note, c’est pour accuser les fonctionnaires de bénéficier de certificats de complaisance.

C’est peut-être difficile à comprendre pour ces politiques qui ne font jamais l’objet d’examen sérieux mais, pour les fonctionnaires, un système de contrôle est déjà mis en place pour prévenir les abus. L’audit est réalisé par Medex, la commission d’expertise médicale du SPF Santé Publique. Un rapport annuel de Medex indique que 0,6% des absences pour cause de maladie pourraient être douteuses. Ce nombre ne sera pas inférieur dans le secteur privé.

D’ailleurs, selon Silvana Bossio, secrétaire nationale de la CSC Service publics, un rapport démontre que les fonctionnaires sous statut sont un peu moins souvent absents que les contractuels. Et si les travailleurs du privé bénéficient de 30 jours d’arrêt maladie sans perte de salaire, celui des fonctionnaires tombe à 60% après ces 21 jours. En une année, il faut donc être sacrément en forme pour ne pas les prendre quand on sait, comme le rappelle Silvana Bossio, qu’une petite grippe peut déjà vous faire dépasser la moitié de ces 21 jours. La suppression du report des jours de maladie aura surtout un impact sur les fonctionnaires qui tombent malades après quelques années : ils perdront 40% de leurs revenus.

Les véritables privilégiés veulent nous diviser

Au-delà de ces considérations plus techniques, l’intention du gouvernement est de stigmatiser les fonctionnaires en tant que couche prétendument ‘‘privilégiée’’ dans le monde du travail, car ‘‘nommés à vie’’. Refrain bien connu pour éroder la potentielle solidarité de travailleurs exerçant sous des régimes moins favorables.

Pour les ministres, qui reçoivent 10.000 euros nets par mois et qui sont payés à 100% même après 21 ou 30 jours de maladie, toute condition correcte de travail est un frein à l’entreprise de précarisation des travailleurs et, par-là, un accroc pour appliquer une pression supplémentaire sur les conditions de travail. Ne tombons pas dans le panneau : les authentiques profiteurs du gouvernement font passer pour des privilèges ce qui devrait constituer la norme pour tous : la stabilité de l’emploi, une pension correcte et des conditions de travail acceptables.

En pleine négociation relative à la réforme du statut des fonctionnaires, le gouvernement avait pourtant promis aux syndicats de ne pas toucher au régime de maladie. Après que les fonctionnaires soient déjà descendus dans la rue le 30 avril, le président de la CGSP Michel Meyer prévoit désormais des actions à la rentrée. De son côté, le secrétaire national de la CSC services publics Marc Saenen annonce ‘‘avec certitude’’ une action des fonctionnaires fédéraux en septembre.

Ce ‘‘jobs deal’’ illustre qu’une attaque contre une couche des travailleurs est incontestablement une attaque contre tous les travailleurs, en tant que classe sociale. C’est pourquoi il est primordial de faire preuve de solidarité avec les fonctionnaires en unissant nos forces aux leurs dans la lutte contre cet accord rédigé par de vrais privilégiés.

Car entre ce ‘‘deal’’ et les élections fédérales et régionales du 26 mai 2019, il n’y a qu’un pas. Assurons-nous qu’il serve d’impulsion à la lutte sociale dès la rentrée. La thématique sociale, un peu plus dégradée encore par ces dernières mesures gouvernementales, pourrait alors s’imposer et devenir dominante dans l’agenda électoral.

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