Après la victoire du « oui » en Irlande, un référendum sur l’avortement en Irlande du Nord ?

Après la victoire du « oui » en Irlande du Sud, les activistes pro-choix de ROSA en Irlande du Nord défendent l’abrogation de l’interdiction de l’avortement.

L’Ecole d’été du Comité pour une Internationale, qui a eu lieu la semaine dernière à Barcelone pour la deuxième année consécutive, rassemble lors d’une semaine de discussions intenses des marxistes du monde entier, des membres des sections sœurs du PSL dans divers pays. Sur les événements politiques de l’année passée, mais aussi sur les perspectives mondiales à venir, les discussions permettent d’échanger les expériences et de comprendre comment la lutte s’organise.

Par Brune (Bruxelles)

L’une des nombreuses commissions organisées durant cette semaine portait sur la lutte pour le droit à l’avortement en Irlande du Sud ; et comment la section sœur du PSL, le Socialist Party en Irlande – et son organisation féministe socialiste ROSA – ont organisée la plateforme pour le « Oui », contre le 8ème amendement à la Constitution qui, depuis des décennies, empêchait les Irlandaises d’avoir accès à un droit fondamental, celui de faire leurs propres choix sur leurs corps.

Laura Fitzgerald est revenue sur divers détails qui ont permis de faire tourner la roue de l’Histoire du bon côté, comme l’organisation d’actions par ROSA (Train et Bus pour la pilule abortive) depuis des années pour conscientiser sur la non-dangerosité de la pilule ; mais aussi l’organisation de stands et le placardage par milliers avec l’image de Savita (une jeune femme décédée des suites d’une fausse couche qui aurait pu être résolue si l’avortement avait été légal), et qui rappelait à quel point le 8ème amendement avait un impact direct et dangereux sur les femmes et leur corps.

Après la victoire du référendum historique en Irlande du sud, avec une participation tout aussi historique, la pression exercée sur l’establishment est telle que des événements importants pour donner aux femmes et aux femmes enceintes en Irlande du Nord le droit de choisir ont assez vite pris place.

La Cour suprême (du Royaume-Uni) a dû reconnaître que le déni du droit à l’avortement dans les cas d’anomalies fœtales mortelles et de viols est une violation des droits de l’homme. La Chambre des communes (Chambre basse du Parlement du Royaume-Uni) a tenu un débat d’urgence sur la question du déni du droit à l’avortement en Irlande du Nord – cinquante ans après que le droit de choisir a été conquis en Grande-Bretagne, ce n’est que maintenant qu’il est considéré comme une urgence !

Il est important de noter que les députés ont également déposé des amendements au projet de loi sur la violence domestique –ce qui décriminaliserait l’avortement dans tout le Royaume-Uni en abrogeant les articles 58 et 59 de la loi sur les infractions contre la personne. Ce projet de loi prévoit actuellement une peine d’emprisonnement à vie pour avoir subi un avortement en dehors des exemptions légales ou jusqu’à cinq ans pour avoir aidé quelqu’un à le faire. Même d’éminents conservateurs ont été forcés d’appuyer ce changement proposé.

Les partis locaux sous pression

Les partis locaux ressentent également la pression. Le DUP (Parti unioniste démocrate) n’a aucune raison de prétendre parler au nom du peuple d’Irlande du Nord ou même de ses propres électeurs sur cette question. Par exemple, Sammy Wilson – qui a prononcé un discours vicieux à la Chambre des communes où il a clairement montré sa haine et son mépris pour les femmes qui ont subi un avortement – est le député d’une circonscription où 73 % des électeurs appuient l’accès sans restriction à l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse ! Il y a quelques mois seulement, Michelle O’Neill disait que le Sinn Féin « n’est pas en faveur de l’avortement ». Maintenant, elle prétend être la championne de la question.

Le Sinn Féin n’a pas dirigé le changement, mais a été entraîné dans le sillage du mouvement. En juin, le parti a tenu une conférence qui a soutenu l’accès sans restriction à l’avortement jusqu’à 12 semaines. Cependant, en décembre, les députés du Sinn Féin ont refusé d’appuyer cette proposition au comité parlementaire du Sud chargé d’examiner la question, adoptant une position plus conservatrice que les représentants des principaux partis de l’establishment. Le Sinn Féin reste opposé à ce que Westminster légifère pour l’accès à l’avortement ici, insistant sur le fait que c’est un problème pour Stormont (Parlement d’Irlande du Nord)- en d’autres termes, les femmes et les femmes enceintes doivent continuer d’attendre le changement. En ce qui concerne le mariage homosexuel, Sinn Féin a demandé à Westminster de légiférer pour l’égalité en Irlande du Nord. Alors pourquoi cette différence ???

Une récente conférence du SDLP (Parti social-démocrate et travailliste) a réaffirmé sa position « pro-vie », mais a accordé à ses représentants élus le droit de voter avec leur conscience sur la question. L’UUP (Parti unioniste d’Ulster) et l’Alliance ont une position similaire. Ce n’est pas suffisant – la seule personne qui devrait avoir le choix sur la question de l’avortement est la personne enceinte elle-même. Le mouvement pro-choix ne peut pas faire confiance aux politiciens qui, depuis des décennies, refusent de faire confiance aux femmes.

Mouvement de masse : la clé du changement

Dans la foulée du référendum en Irlande du Sud, notre réponse doit être d’intensifier notre campagne. C’est pourquoi ROSA et Women on Web ont organisé le Bus4Choice qui a défié la loi, avec des activistes prenant des pilules abortives pour souligner leur disponibilité et démontrer leur sécurité. Parallèlement à un mouvement de masse comprenant des protestations et des grèves, cette désobéissance civile a joué un rôle clé dans le déplacement du débat sur le droit à l’avortement dans le Sud.

Les militants pro-choix et les syndicalistes doivent s’organiser pour mobiliser le plus grand nombre possible de personnes dans la rue avant tout vote sur la dépénalisation. Il est essentiel de rechercher également la solidarité du mouvement syndical au Royaume-Uni. Les politiciens ne devraient pas douter que, si les droits en Irlande du Nord continuent d’être bafoués, ils seront confrontés à une campagne de désobéissance civile qui rendra la loi inapplicable.

Aujourd’hui, malgré la division qui existe encore parmi la classe ouvrière de l’Irlande du Nord et du Sud, entre catholiques et protestants, la lutte pour l’avortement peut également permettre de faire le pont entre les deux ; puisqu’il y a un intérêt commun certain entre ceux-ci, celui de se battre pour un droit fondamental. La dépénalisation en Irlande du Sud donne déjà aujourd’hui une impulsion à la lutte en Irlande du Nord. Il n’est pas du tout exclu que des mouvements de soutien provenant de l’Irlande du Sud comme en Angleterre viennent mettre davantage de pression sur l’establishment.

Durant la discussion de notre école d’été du CIO, le syndicat le plus important en Irlande, ICTU, a été cité ; nos camarades irlandais appellent celui-ci, avec l’aide de la base du syndicat qui peut faire pression comme le fait le référendum aujourd’hui sur les politiciens au Royaume-Uni, à prendre position sur le droit à l’avortement en Irlande du Nord afin de stimuler les mobilisations de masse pour ce droit fondamental encore aujourd’hui bafoué pour les femmes d’Irlande du Nord, et plus particulièrement les femmes de la classe ouvrière.

Le Socialist Party (parti-frère du PSL) soutient la dépénalisation complète de l’avortement, mais nous devons aller plus loin et construire des mobilisations de masse un peu partout pour garantir que les avortements deviennent gratuits, sûrs, légaux et accessibles ici en Irlande du Nord.

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