C’est une surprise : le tribunal correctionnel d’Anvers a condamné vendredi à une simple déclaration de culpabilité le président de la section anversoise de la FGTB, Bruno Verlaeckt, pour « entrave méchante à la circulation » lors du blocage du port d’Anvers au cours d’une action syndicale en 2016. Sa « responsabilité personnelle » dans ce « crime » revient à son rôle de président de la FGTB d’Anvers et du fait qu’il était la personne de contact avec la police. Le deuxième accusé, Tom Devoght, militant de la FGTB, a été acquitté parce que sa participation personnelle au piquet n’a pas été démontrée. La simple déclaration de culpabilité signifie que Bruno Verlaeckt n’est pas condamné, il est toutefois contraint à payer la moitié des frais de la procédure.
Par Geert Cool
« Entrave méchante à la circulation »
Le juge a estimé que l’article 406 du Code pénal sur « entrave malveillante à la circulation » pouvait en effet être appliqué dans le cadre d’actions syndicales, même si cela a été explicitement exclu lors de la préparation de l’article à l’époque. Le juge a déclaré qu’il y a des limites aux libertés d’expression et de manifestation, mais aussi au droit de grève. En particulier, le fait que le l’autorisation n’avait pas été sollicitée et que le blocage du port n’avait pas été communiqué à l’avance à la police a été fortement critiqué. C’est évidemment absurde : le droit à l’action collective inclut les actions de protestation non sollicitées. Devrions-nous demander aux autorités contre quoi nus pouvons manifester, si les manifestations sont autorisées et sous quelle forme ?
A la suite de ce jugement, la secrétaire générale de la FGTB Miranda Ulens a souligné à juste titre que ce raisonnement était très dangereux car toute forme de protestation pouvait mener à une condamnation. Lors d’une action de parents, d’enseignants et d’écoliers dans une école, là aussi, une partie de la rue est occupée. Si cela est le fait d’une action spontanée, selon le tribunal qui condamne Bruno Verlaeckt, cela peut conduire à une condamnation. Le juge a déclaré que l’organisation d’un blocage entraîne des embouteillages, ce qui constitue toujours une des « circonstances potentiellement dangereuses ». Où donc se trouve la condamnation des autorités du pays dont la politique de mobilité est responsable d’embouteillages quotidiens dans les rings d’Anvers et de Bruxelles par exemple ?
Le militant de la FGTB Tom Devoght a été acquitté parce que sa participation personnelle au barrage routier n’a pas été prouvée. Le juge a fait remarquer qu’il ne s’opposait qu’à la résistance contre l’intervention policière et qu’il ne peut être considéré que comme un « fauteur de troubles ». Selon le juge, il n’y avait pas de photos ou d’images vidéo dont on peut déduire un rôle personnel dans le barrage routier. C’est remarquable, selon le juge, la responsabilité personnelle de Bruno Verlaeckt dans le blocage a été démontrée par le simple fait qu’il se trouve à la tête de la régionale anversoise de la FGTB et a donc été impliqué dans les réunions préparatoires de la grève et qu’il a été la personne de contact sur place. Il aurait incité au blocage et l’aurait organisé. Il s’agit d’un dangereux précédent dans lequel la responsabilité pénale est très largement interprétée. Il suffit de d’appeler à entrer en action pour être considéré comme un criminel. Non à la criminalisation de la résistance sociale !
Ce jugement pose deux problèmes majeurs : (1) l’interprétation de l’article 406 du Code pénal, dans lequel faire obstruction à la circulation au cours d’une action collective peut conduire à une condamnation et (2) le fait qu’une fonction de responsable est exercée et impliquée dans l’organisation d’une action conduit à une forme de « responsabilité pénale objective ». Après la décision, l’avocat Jos Van der Velpen a annoncé qu’un recours de principe serait introduit contre cette décision de principe.
Un objectif évident : réduire au silence la résistance syndicale
Ce que visait l’intervention policière contre les grévistes le 24 juin 2016 était clair : réprimer les actions syndicales contre la politique du gouvernement de droite. Le procès qui a suivi était également de nature politique. Le dossier a été laissé ouvert pendant longtemps, mais a finalement été approfondi afin d’en arriver à une condamnation de principe. Qui y avait un intérêt ? L’establishment politique et le conseil communal anversois dirigé par Bart De Wever (N-VA) en premier lieu. Un tribunal peut maintenant servir à cela. Le tribunal a également reconnu que le délai raisonnable avait été dépassé, mais a déclaré que cela n’avait pas eu d’incidence négative sur les défendeurs dans cette affaire.
La droite veut que les syndicats « réfléchissent avec elle à la logique de la politique d’austérité », a fait remarquer Bruno Verlaeckt à la fin du procès. Il a ajouté qu’une attaque contre le droit de manifester touche tous ceux que défendent les syndicats : les travailleurs, les allocataires sociaux, les pensionnés, etc. Le silence de la résistance syndicale, et donc des syndicats eux-mêmes, ne peut être accepté.
Il nous faut un appel à la mobilisation lié à une stratégie syndicale pour défendre le droit à l’action collective. Il est possible de mobiliser lors des audiences d’appel, mais peut-être que les protestations pourraient également être dirigées plus directement contre les architectes politiques de la répression et du procès : le conseil communal d’Anvers et plus spécifiquement la N-VA.
Il a été souligné à juste titre que la FGTB n’accepte pas cette condamnation et les violations du droit de manifester. Pour faire valoir nos droits, nous devrons les utiliser. Pour ce faire, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces : la mobilisation et une large participation à la construction d’une relation de force que la Cour d’appel ne pourra ignorer.