Gaza : Il faut des actions de masse et l’unité des travailleurs contre la terreur d’Etat israélienne

Au cours des dernières semaines, la colère de la population palestinienne a éclaté dans la bande de Gaza à l’occasion de mobilisations de masse. L’État d’Israël a répondu par une violente répression faisant une centaine de morts et des milliers de blessés.

Par Baptiste (Hainaut), article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

Histoire de l’oppression

Il y a 70 ans, l’État d’Israël a été fondé sur le territoire correspondant alors à la Palestine. Cet évènement est surnommé ‘‘Nakba’’, ce qui signifie en arabe ‘‘catastrophe’’. De fait, l’octroi d’un Etat pour la communauté juive a été décidé par les puissances impérialistes au mépris de la population palestinienne. Au-delà de toute considération communautaire, il s’agit d’une catastrophe pour les Palestiniens car cela a signifié l’exil et la pauvreté pour près de 750.000 d’entre eux. Aujourd’hui 70% de la population gazaouie est constituée de familles refugiées de 1948. Les expulsions se sont poursuivies pendant des décennies, s’accompagnant d’une occupation des territoires palestiniens, de confiscations des terres, de colonisations, de destructions et de violences militaires se traduisant par de nombreux morts et emprisonnements. La fondation de l’État d’Israël est le début, pour plusieurs générations, d’un interminable état de guerre

Cette tragédie reste présente dans la vie quotidienne des Palestiniens, marquée par la pauvreté, la répression, l’état de siège. Dans la bande de Gaza, où vivent près de 2 millions de personnes, cette situation est particulièrement aigüe. Le chômage atteint officiellement près de 40% et s’accentue encore parmi la jeunesse (60% chez les moins de 30 ans). Les coupures d’eau courante et d’électricité sont quotidiennes. C’est la conséquence de la politique de guerre menée par l’Etat d’Israël, renforcée par le blocus de Gaza depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas dans cette zone il y a 12 ans.

La ‘‘marche du retour’’ et le spectre de la 1e Intifada

C’est dans ce contexte que des mobilisations ont été organisées depuis le 30 mars à Gaza, avec comme point culminant une ‘‘grande marche du retour’’ le 15 mai. Plus qu’une commémoration de la Nakba, c’est un sentiment de révolte qui caractérise la jeunesse palestinienne. 75% des Gazaouis ont moins de 25 ans. C’est toute une génération qui a grandi dans cette prison à ciel ouvert, et qui n’a pas grand-chose à perdre dans une lutte pour une vie digne.
Ces mobilisations sont allées crescendo jusqu’au 14 mai, date choisie par les États-Unis pour inaugurer leur ambassade à Jérusalem. Cette délocalisation à Jérusalem symbolise le soutien total de l’administration Trump à l’Etat d’Israël pour la domination territoriale et le mépris envers la population palestinienne et ses aspirations. Cette inauguration a forcément mis de l’huile sur le feu alors que près de 50.000 Palestiniens étaient présents au abord du mur de Gaza ce 14 mai pour protester. Un chiffre considérable au vu de la militarisation de la zone.

Ces mobilisations de masse ont rappelé aux dirigeants israéliens la 1ere Intifada, au cours de laquelle la révolte des Palestiniens s’était traduite en actions de masses, allant jusqu’à générer des comités d’organisation de la lutte démocratiques et indépendants pour aider à organiser la résistance, défendre les manifestation et générer une polarisation parmi la population israélienne. C’est pour éviter à tout prix un tel mouvement de masse que le gouvernement de Netanyahu a organisé une répression sanglante, en autorisant explicitement les soldats à tirer pour tuer sur les manifestants sans armes, faisant 112 morts dont la moitié sur la seule journée du 14 mai.

Comme si l’augmentation de la puissance du conflit n’était pas ‘‘suffisante’’, le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire iranien augmente encore les tensions nationales dans la région, et ses conséquences peuvent être très destructrices, avec en ce compris un réel danger de guerre.

L’action de masse comme méthode de lutte

Une chose est certaine : la misère et la répression ne mettront pas fin à la colère. Mais tant le Fatah que le Hamas ne sont pas à même de donner une orientation politique viable à la lutte pour la libération du peuple palestinien.

En 2006, l’arrivée au pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza a été le prix à payer par le Fatah pour des décennies d’échecs à se fourvoyer dans des négociations avec les Etats bourgeois limitrophes pour aboutir à un Etat Palestinien bourgeois. De manière systématique, les intérêts de la classe dominante des pays voisins ont primé sur ceux du peuple palestinien. Une telle stratégie mène à l’impasse. Fort peu a été obtenu à l’issue de la 1e Intifada, en bonne partie à cause de la mauvaise stratégie du Fatah. Aujourd’hui, le Fatah se focalise sur une guerre contre le Hamas, quitte à le faire payer aux Gazaouis à travers des coupes, voire des non paiements de salaires de fonctionnaires ou des coupures dans l’approvisionnement en électricité.

Malgré une considération importante pour la situation sociale des masses et une rhétorique de libération nationale plus radicale, le Hamas n’a pas l’orientation stratégique qui permettrait d’obtenir une victoire. Le recours aux méthodes du terrorisme fournit un exutoire et assouvit une soif de vengeance. Mais cela n’a jamais permis d’obtenir une libération nationale. Au contraire, cela renforce l’implantation sociale d’un conflit national et par conséquent un statu quo. C’est malheureusement tout ce qu’a permis d’obtenir la vague d’attentats assimilée à la 2e Intifada, loin des aspirations de la 1e Intifada.

Les dirigeants du Hamas et de l’Autorité palestinienne contribuent à aggraver la situation, chacun à sa manière, mais le contrôle principal de la bande de Gaza reste entre les mains de la droite israélienne. Le gouvernement israélien, en coopération avec son homologue égyptien, applique un blocus en guise de politique punitive collective à l’encontre d’environ deux millions de personnes, accompagné d’une tentative longue et infructueuse de forcer un changement de direction politique.

L’unité avec les travailleurs de l’État d’Israël

L’allié principal du peuple palestinien dans la lutte contre l’oppression de l’Etat d’Israël, ce sont les travailleurs, les pauvres et les jeunes d’Israël. Il est erroné de considérer Israël comme un bloc uniforme et réactionnaire, sans discerner l’Etat et l’élite capitaliste des travailleurs. Car Israël fonctionne comme toutes les autres sociétés de classe, avec ses magnats et ses inégalités, et des luttes menées par les travailleurs et les jeunes pour défendre et obtenir des droits. S’il est vrai qu’il existe des crimes de haine perpétrés à l’égard de Palestiniens, ce n’est pas le fait d’une majorité de la communauté juive mais de l’extrême-droite, attisée par la rhétorique guerrière et la criminalisation des Palestiniens.

Dans ce sens, la stratégie de ‘‘l’équilibre des souffrances’’ stimulée par le Hamas est une impasse contre-productive. C’est une aubaine pour l’Etat d’Israël qui a vite fait d’instrumentaliser cela en légitime défense vis-à-vis des Palestiniens assimilés dans leur globalité à des terroristes du Hamas. L’ambassadrice d’Israël en Belgique en a donné un aperçu tant grossier que grotesque : ‘‘Tous les Palestiniens abattus par balle étaient des terroristes, y compris les 8 enfants’’. Le premier ministre Netanyahu utilise à plein cette ficèle, lui qui cherche à restaurer son autorité suite à un discrédit politique et des rumeurs de corruption.

Une stratégie visant à développer la solidarité entre les travailleurs et les jeunes Israéliens et Palestiniens permettrait au contraire de démasquer l’establishment israélien. Des organisations indépendantes et démocratiques des jeunes et des travailleurs sont nécessaires pour construire cette stratégie, tant du côté palestinien qu’israélien.

Une alternative socialiste est possible et nécessaire

Si des luttes significatives pourraient permettre de gagner des droits importants, c’est seulement sur une base révolutionnaire qu’il sera possible de donner une substance conséquente à ces droits, notamment le droit au retour pour les réfugiés, et ainsi garantir une complète égalité dans tous les domaines.

Le système capitaliste mène au chaos. Dans celui-ci, les fondamentalistes instrumentalisent la colère et le désespoir des masses face à la barbarie de l’État d’Israël quand ce n’est pas celle d’autres gouvernements despotiques comme celui d’Assad en Syrie. Et Trump vient encore en rajouter une couche.

La seule issue à ce conflit sanglant qui puisse satisfaire les droits des Palestiniens comme des Israéliens serait de mettre en avant une solution à deux États sur le long terme – une Palestine et un Israël socialiste – avec la possibilité d’une capitale partagée à Jérusalem, en liant cela au concept d’une confédération socialiste.

Dans le cadre du capitalisme, il n’y a pas la moindre possibilité de parvenir à une solution viable à deux États. On ne peut exclure un arrangement temporaire, mais cela ne serait pas non plus une solution aux problèmes nationaux des Palestiniens ni des Israéliens. Un enjeu vital pour une révolution au Moyen-Orient est de trouver une méthode pour dissocier les travailleurs israéliens de leur classe dirigeante. Alors, la classe des travailleurs, œuvrant de manière unifiée pourra donner naissance à une force capable de renverser les capitalistes, en Israël comme en Palestine, et capable de mettre sur pied un tel projet.

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