France. Convergence des luttes contre Macron

Manifestation à Marseille, avril 2018. Photo : Els 

Le mois dernier, cela faisait un an qu’Emmanuel Macron avait accédé à la présidence. En un an, son gouvernement a mis les bouchées doubles pour réaliser un programme qui ressemble furieusement à une liste de souhaits du Medef, l’organisation patronale française. Pour reprendre les termes de Blazac, c’est ‘‘l’apothéose du coffre-fort’’.

Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

L’exemple de la lutte des cheminots

Selon une enquête du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) menée du 25 avril au 2 mai 2018, 55 % des sondés estiment qu’Emmanuel Macron et son gouvernement sont trop autoritaires, 76 % d’entre eux trouvent que leur politique ne profite qu’aux plus riches.

Sur le terrain de la lutte sociale, les manifestations et grèves n’ont pas manqué. C’est d’ailleurs pour tenter d’essouffler et de disperser la résistance que Macron a voulu implémenter ses mesures à un rythme aussi haletant.

En s’en prenant aux cheminots, l’offensive antisociale a atteint un nouveau stade qui vise à briser les reins d’un secteur particulièrement organisé et combatif de la classe ouvrière française. L’idée est qu’une défaite des cheminots puisse être utilisée pour démoraliser le reste des travailleurs et de la jeunesse, à l’image de ce que Margareth Thatcher avait fait dans les années ’80 au Royaume-Uni avec les mineurs.

Les cheminots ont réagi avec une grève portant sur trois mois (deux jours par semaine) depuis le début du mois d’avril jusqu’à la fin du mois de juin. Elle avait été préparée à l’aide un journal gratuit tiré à 500.000 exemplaires pour provoquer la rencontre entre militants syndicaux et usagers. Laurent Brun, Secrétaire général de la CGT Cheminots, a souligné l’importance de cette initiative pour ‘‘recréer le lien cheminots-usagers et remettre les cheminots en mouvement, les pousser à militer de nouveau’’(1). La caisse de solidarité des cheminots s’est remplie, dépassant les 700.000 euros, tandis qu’une caisse de solidarité lancée par des artistes et des intellectuels a dépassé la barre du million d’euros.

Concernant les revendications à défendre contre le projet du gouvernement, Laurent Brun explique : ‘‘On s’est adressé à nos cheminots : ‘‘Vous allez élaborer vos plans d’urgence locaux, vous allez écrire, vous, ce qui faut pour que votre service tourne et que vous travailliez dans de bonnes conditions.’’ Ensuite, on a transformé ça en plan d’urgence national.’’ Fin mai, après deux mois de lutte, le taux de grévistes était le même qu’au début du mouvement.

A côté de cela, des grèves ont également éclaté dans certains hôpitaux et des bureaux de poste, les étudiants sont entrés en lutte avec des blocages et des occupations d’universités,… La situation politique est très instable et risquée pour le gouvernement, mais il pouvait toujours tabler sur la dispersion de la résistance.

Une ‘‘marée populaire’’

A l’automne déjà, Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise avaient lancé un appel pour rassembler les forces syndicales et les partis de gauche lors d’une manifestation pour ‘‘déferler à un million sur les champs Elysées’’. Malheureusement, cet appel pour construire un front commun contre Macron n’avait pas été repris.

Les choses ont considérablement évolué depuis lors. En avril, François Ruffin (France Insoumise), Benoît Hamon (Génération-s), Pierre Laurent (PCF) et Olivier Besancenot (NPA) avaient affiché ensemble leur solidarité avec la lutte des cheminots. Le 14 avril, à Marseille, une manifestation a réuni quelques dizaines de milliers de personnes à l’initiative de la section départementale locale de la CGT au côté de la France Insoumise, présente en grand nombre. Il y a aussi eu ‘‘La Fête à Macron’’ le 5 mai.

Ensuite est arrivée la date du 26 mai, une mobilisation visant à faire déferler sur le pays une ‘‘marée populaire’’. L’initiative provient de la France insoumise, rejointe par la CGT – qui a ainsi rompu avec une tradition syndicale de distance vis-à-vis des partis politiques – les syndicats Solidaires, FSU, UNEF, SAF, Syndicat de la magistrature ; des associations et mouvements comme ATTAC, Droit au logement, Collectif pour les droits des femmes, etc. ; et les partis à la gauche du PS. Du jamais-vu !

Mélenchon a expliqué “Je milite pour une forme d’unité populaire qui décloisonne le syndicalisme, la politique et le monde associatif”, en appelant notamment à la constitution de ‘‘comités du 26 mai’’ pour mobiliser dans un secteur ou une entreprise.

Cette approche tranche singulièrement avec l’essentiel des formations de gauche en Europe qui ont plutôt tendance à diviser artificiellement le ‘‘syndical’’ et le ‘‘politique’’ et à rester cantonnées aux élections. Cette attitude est un bon pas en avant pour que la France Insoumise devienne un véritable outil politique de résistance sociale, un vrai parti de masse des travailleurs qui doit encore se structurer pour être réellement démocratique afin d’appliquer un programme de rupture anticapitaliste.

La convergence inclusive syndicale, politique et associative qui a vu le jour ce 26 mai est un événement d’une grande importance et une leçon cruciale pour la lutte anti-austérité dans les autres pays.

La prochaine étape doit être réfléchie, le mieux étant l’élaboration d’un plan d’action vers une grève nationale interprofessionnelle et une grève générale reconductible pour totalement bloquer l’économie.

(1) http://ptb.be/articles/casser-l-isolement-s-appuyer-sur-les-luttes-victorieuses-aller-jusqu-au-bout-la-recette-des

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