New York : La répression de la Police ne suffit pas à stopper l’occupation

Rapport et réflexions d’un participant

Ce samedi 24 septembre, “l’occupation de Wall Street” est partie en manifestation, après huit journées où des jeunes, des travailleurs et divers militants ont commencé l’occupation d’une place dans le district financier de Manhattan, à deux blocs de Wall Street. Tout commença comme une manifestation normale. Les slogans habituels pouvaient être entendus: “Les banques sont renflouées, nous sommes plumés !”, “A qui sont ces rues ? Ce sont les nôtres !”, “A quoi ressemble la démocratie? Voici à quoi ça ressemble !”

Par Jesse Lessinger, Socialist Alternative (CIO-USA)

Le cortège, dès le début, était très énergique. Cette occupation avait reçu une attention nationale et internationale, et était vue comme une tentative de se soulever contre l’avarice et la domination des grandes banques sur notre économie, notre gouvernement et nos vies. L’inspiration pour cette occupation était directement issue des occupations de masse de la jeunesse en Espagne, en Grèce de même que des soulèvements révolutionnaires en Tunisie, en Egypte et à travers le Moyen Orient et l’Afrique du Nord.

De nombreux participants à l’occupation de New York sont des militants de longue date, organisés depuis des années. Mais d’autres sont totalement nouveaux dans l’organisation de protestations et participant pour la première fois de leur vie à une lutte sociale. Alors que la plupart d’entre eux sont inexpérimentés, ils ont su faire preuve d’une détermination et d’un esprit combatif à toute épreuve. Tout comme les autres, ils chantaient : “Toute la journée et toute la semaine : occupation de Wall Street!”

Alors que nous marchions, notre nombre grandissait graduellement et la manifestation commençait à bloquer le trafic. Etant donné que nous n’avions pas de route prédéterminée, ni permission officielle, la police a tenté de nous éjecter et a tenté en vain de contrôler la manifestation et de la repousser vers le côté.

“A qui sont ces rues ? Ce sont les nôtres!”

Contrairement à la plupart des manifestations à New York, nous n’avons pas été parqués comme des animaux, forces à marcher sur les trottoirs, isolés et marginalisés du reste de la ville. Les passants pouvaient nous voir, et certains nous ont d’ailleurs rejoints, surtout des jeunes. Nous étions alors plus de 1.000, marchant librement à travers les rues de Manhattan, nos voix portant loin, claires et décidées.

J’ai déménagé à New York il y a de cela 4 ans, et j’ai participé à un nombre incalculable de manifestations et d’actions. Mais ce que je n’avais encore jamais vu, c’était une manifestation qui prenait place dans les rues elles-mêmes. Nous avons parcouru quelques kilomètres. Nous n’avions pas eu à subir de tir de gaz lacrymogènes et n’avons pas du affronter des motards de la police. Pour la première fois depuis bien longtemps, les gens étaient capables d’exercer leur droit de se rassembler librement dans les rues de New York, sans restriction d’aucune sorte.

C’était une petite victoire pour les travailleurs et les jeunes de la ville, une victoire que la police et le gouvernement ne voulait pas voir perdurer. Cette occupation, qui durait alors depuis une semaine, n’était pas une simple nuisance. L’establishment est en fait très apeuré que ce genre d’initiative puisse se répandre et menace le bon “ordre” de la ville, un ordre où les riches deviennent plus riches et où le reste n’est qu’une masse de laissés pour compte, un ordre où la super-élite, le “top 1%,” dirige la société alors que les “99% restant” n’ont pas voix au chapitre. C’est pourquoi l’occupation de Wall Street avait pour slogan “Nous sommes les 99%!”.

Après quelques brèves prises de parole, la manifestation s’est retournée pour rentrer “à la maison”, au campement baptisé Liberty Plaza (place de la liberté). La police avait amassé de plus grandes forces derrière nous. Dans un premier temps, il semblait qu’il n’avaient l’intention que d’entourer le cortège, de nous séparer en petits groupes et de disloquer ainsi l’action. Mais nous avons vite compris qu’ils voulaient arrêter le plus grand nombre de personnes possibles.

La police deviant violente

La police est alors devenue agressive, a violement repoussé les manifestants, se saisissant de certains pour les jeter à terre, et procédant à des arrestations. Nous avons couru, mais ils ont bloqué des dizaines de personnes à la fois entre eux et les bâtiments. J’ai pu ‘échapper et rejoindre les autres qui, de l’autre côté du cordon de police, criaient des slogans pour exiger la libération de leurs camarades.

Nous étions pacifiques. Ils étaient violents. Nous ne faisions qu’exercer notre liberté d’expression et notre droit de nous rassembler. Ils ont brutalement violé ces droits. Un petit groupe de jeunes femmes, encerclées, avaient une attitude parfaitement pacifique, mais elles ont été les cibles de jets de sprays anti-émeute sans aucune raison. La vidéo de cet incident a fait le tour du monde. Environ cent personnes ont été arrêtées – dont des passants qui n’avaient rien à voir avec la protestation – détenues dans des bus et jetées en cellules durant des heures, pour n’être finalement relâchées que vers 5 heures le lendemain matin.

La police n’avait qu’un seul objectif: intimider. Ce comportement scandaleux visait à briser l’esprit combatif de la jeunesse. La violence policière a peut-être bien pu réussir à refroidi certains face aux protestations, mais cela a aussi causé une indignation très large, ainsi qu’une grande solidarité. La majorité du mouvement est d’ailleurs restée poursuivre l’occupation.

Cela illustre le rôle hypocrite de la police et de l’Etat. Ils ont brutalement réprimé une tentative de parler librement contre la domination des grandes entreprises. Alors que les vrais criminels se rendent librement à Wall Street, et amassent des milliards sur notre dos, exigeant que ce soit à nous de payer pour leur crise, ce régime oppresseur les protège, et abuse des lois s’il le peut, de la force aussi.

La plupart d’entre nous sont donc revenus à la place occupée, exténués mais excités aussi, choqués mais en colère, et surtout déterminés. J’ai su plus tard qu’un de nos camarades avait été arrêté. Il a par la suite realisé cette vidéo de la manifestation, avec sa propre arrestation. Bien entendu, nous étions tous inquiets de la santé des personnes arrêtées.

Extension de la lutte

J’ai aussi commence à me demander où allait ce mouvement qui avait su saisir l’imagination de centaines de personnes et capter l’attention de milliers, peut-être même des dizaines de milliers, à travers le monde. Les discussions sont constantes quant à la meilleure manière d’étendre le mouvement. Nombreux sont ceux parmi les nouveaux arrivants, électrisés par l’énergie et le fort sens de la collectivité présents à l’occupation, qui demandent : “Pourquoi n’y a-t-il pas plus de monde ici?”

Il n’y a pas de réponse simple, mais nous pouvons être sûrs d’une chose. Des milliers de personnes regardent ce mouvement avec sympathie, nombreux sont ceux qui veulent rejoindre, mais qui ne le peuvent pas. Ils ont un travail ou une famille. Ils ne peuvent pas se permettre d’occuper la place indéfiniment. Ils ne sont pas capables, ou peut-être pas encore prêts, à faire de grands sacrifices. Mais ils veulent soutenir l’action. La question n’est pas simplement de savoir comment obtenir plus de monde à l’occupation, mais comment nous pouvons être plus impliqués dans le mouvement général.

Avec l’attention dont bénéficie cette occupation et l’armée de militants à temps plein qui existe, Liberty Plaza peut devenir un point de rassemblement pour organiser des luttes plus larges. Une prochaine étape pourrait être d’appeler à une nouvelle manifestation de masse un samedi, avec quelques revendications de base comme: ‘‘Faites payer Wall Street pour la crise; Taxez les super-riches; des emplois, pas d’austérité; Enseignement et soins de santé, pas de guerre et de renflouement des banques; Non à la brutalité policière, défendons nos droits démocratiques.’’ De cette façon, des milliers de personnes pourraient participer aider à développer le mouvement. L’occupation de Wall Street devrait publiquement appeler toutes les organisations progressistes, particulièrement les syndicats, à participer à ces manifestations de masse et à mobiliser pour elles.

Des occupations se développent également aux autres villes, comme à Washington, D.C. pour le 6 octobre (www.october2011.org). Quelque chose est en train de changer dans ce pays. Les travailleurs et les jeunes se politisent et se radicalisent. La colère est profonde et s’amplifie de jour en jour dans la société américaine, juste sous la surface. Elle ne pourra pas être contenue éternellement. Elle explosera.

L’occupation de Wall Street reflète la colère et la radicalisation de la société. Du Wisconsin à New York, nous faisons l’expérience du tremblement de terre social qui se développe à travers la planète en réaction aux tensions nées de la crise économique. L’épicentre de cette vague de protestations de masse est peut-être bien dans la région de l’Europe, du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, mais il ne faudra pas longtemps avant que les USA ne soient profondément affectés.

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